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MOULIN À FARINE, USINE DE PETITE MÉTALLURGIE (USINE D'OUTILLAGE) HUGONIOT-TISSOT PUIS HUGONIOT-PERRENOUD

25 - Liebvillers

2-4 impasse du Moulin

  • Dossier IA25001982 réalisé en 2018 revu en 2020
  • Auteur(s) : Laurent Poupard
Usine : 2e et 3e corps de bâtiment, vus de l'est (façade antérieure). © Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine

Historique


Moulin, scierie et huilerie sont signalés dès 1687. En 1830, François Saunier, de Saint-Hippolyte, est propriétaire d’une ribe (cadastrée A 1), d’un moulin (A 4) et d’un bassin de retenue (A 6). Ses biens sont acquis vers 1832 par les frères Joseph et Xavier Fleury, qui édifient en 1839 une forge (A 61) à proximité (actuellement 1 impasse du Moulin). Le dernier achète aussi la maison voisine (au n° 3 de l'impasse), portant la date 1815 et qui appartenait en 1830 à la veuve Jacoulot. L’Annuaire départemental du Doubs pour 1852 mentionne le moulin (quatre meules et une ribe), propriété de M Fleurix [sic] et exploité par M Jagot-Monnier, avec cette observation : "4 mois de chômage par an. Peu d’importance".
Le moulin est détruit en 1854, avant que Joseph Fleury ne cède ses biens au meunier Jean Joseph Gête. Ce dernier le reconstruit aussitôt mais le bâtiment est de nouveau signalé démoli deux ans plus tard. Les frères Bourlier - Pierre (1812-1885), Jacques (Jacques Frédéric, 1816-1871) et David (1818-1900) - de Montécheroux, qui succèdent à Gête, font construire sur le site deux habitations, auxquelles David ajoute en 1857 un "atelier de polissage mécanique" dans lequel il occupe 14 personnes vers 1860 (ils convertissent aussi la forge voisine en maison).

A l’exception de l’ancienne forge (qui passe à Charles Louis Roy puis à la famille Patois, laquelle la transformera vers 1898 en atelier de polissage), les bâtiments sont cédés vers 1883 à l’industriel Lucien Hugoniot (1839-1900).
Né à Montécheroux en 1839, ouvrier horloger à La Chaux-de-Fonds en 1860, ce dernier est dit Hugoniot-Tissot à partir de 1863, date de son mariage avec Elise Tissot (du Locle). Associé avec Emile Nicolet, de Liebvillers, il a fondé en 1873 à Montécheroux la société en nom collectif Hugoniot-Tissot et Cie, ayant pour objet la fabrication d’outils d’horlogerie et de quincaillerie. Achetant vers 1883 la maison et le "polissoir" d’Achille Gueutal (A 200), il s'implante à Liebvillers, dans une commune qui s'inscrit dans la mouvance de Montécheroux et dans laquelle plusieurs ateliers de polissage d’outils ont été édifiés : en 1868 ceux de Pierre Petit (A 200, repris par Gueutal) et de Charles Racine (A 222), et en 1871 celui de Charles Roy (A 194). Cette industrie y occupe ainsi en 1879 40 ouvriers travaillant à domicile, comme limeurs sur métaux ou fabricants d’outils d’horlogerie.
Après avoir fait agrandir l’atelier de Gueutal en 1885, Hugoniot-Tissot développe le site de l'ancien moulin. Il achète vers 1889 l'ancienne maison Jacoulot à François Constant Girardin, signalé à Liebvillers puis à Ougney-Douvot (la vente a-t-elle lieu à l’occasion de son départ pour la fabrique d’outils de Pierre Besançon ?) et l'augmente d’un atelier (de polissage ?) vers 1893. Surtout, il fait construire vers 1891 une usine au sud du bassin de retenue, utilisé pour alimenter une roue hydraulique verticale de 8,40 m de diamètre (due aux Anciens Ets Michel Page - Chaudel-Page successeurs à Valdoie). Il transfère dans l’établissement, aussi doté d’une machine à vapeur, la production des ébauches de pinces jusque-là réalisée à Montécheroux dans son atelier (la "Fabrique", 31-33 rue de Saint-Hippolyte).

Lucien Hugoniot meurt en 1900 et son fils Jules (1867-1908), marié avec Louise Perrenoud, lui succède à la tête de la maison qui devient L. Hugoniot-Tissot J. Hugoniot fils successeur. L’entreprise exploite les marques Jules Hugoniot Fils et la Suédoise, et dispose de dépôts à Paris, Londres et New-York. Elle fait agrandir l’usine entre 1901 et 1905.
Jules Hugoniot décède jeune en 1908, de même que son fils Jean (1896-1915). Sa veuve dirige l’affaire puis, le 21 janvier 1921, est créée la société en nom collectif Maison Hugoniot-Tissot - Hugoniot-Perrenoud et Cie successeurs. Cette entreprise réunit d’une part Julia Perrenoud, demeurant à Montécheroux, et Albert Perrenoud, industriel au Locle, d’autre part deux sœurs de Jules et leur mari, établis à La Chaux-de-Fonds : Adèle Hugoniot (1864-?), marié à Emile Brodbeck, et Fanny Hugoniot (1872-?), épouse de Georges Berthoud. A cette époque, la fabrication est répartie entre les deux communes, avec forgeage à Liebvillers, travail à domicile chez les limeurs et polissage à Montécheroux dans l’atelier de la rue de la Pommeraie. Un Etat des usines situées sur rivières non navigables ni flottables non régulièrement autorisées mentionne en 1921 sur le ruisseau de Liebvillers, à côté de celles d’Alfred Patois (de Liebvillers) et d’Ernest Ducommun (de Montécheroux), les trois "fabriques d’outils, polissoirs" de la société Hugoniot-Perrenoud et Cie. Alors qu’un (éphémère ?) atelier de nickelage est signalé au milieu des années 1920, l’usine est agrandie vers 1931.
L’entreprise y employait en 1926, dans une "fabrique d’outils assez importante", 59 personnes dont quatre Italiens ; elles sont 54 (dont un étranger) en 1930, une vingtaine en 1955. A cette date, le rez-de-chaussée est occupé par l’atelier de fabrication des matrices des pinces et par celui de forgeage (marteaux-pilons et fours à coke), d’où sortent les ébauches des membres ; le premier étage accueille l’atelier des fraiseuses (une quinzaine de machines) dans lequel chaque ébauche est usinée pour devenir soit le "simple", soit le "fendu". L’insertion à chaud de ce dernier au travers du premier (le "maillage") s’effectue dans un autre atelier tandis que meulage, limage, trempe et polissage sont réalisés à Montécheroux. Quelques pinces sont cependant achevées sur place, dans l’atelier de polissage (bâtiment au sud, à l’emplacement de la ribe) dont les machines sont actionnées par une roue en-dessus de 5 m de diamètre (alimentée par un deuxième bassin de retenue, juste en aval de la fabrique). Celles de l’usine sont animées par un moteur électrique de 30 ch, qui a succédé à une turbine de 22 ch peut-être fabriquée par les Ets Goulut-Borne (de Luxeuil, Haute-Saône), dont la consommation d’eau était telle qu’elle vidait le bassin en quatre heures seulement.

Transformée en Sarl le 6 novembre 1934, puis en SA, la société Hugoniot-Perrenoud et Cie est acquise en 1958 par Peugeot et passe par la suite sous contrôle de sa filiale Aciers et Outillage Peugeot (AOP), créée en 1966 à Audincourt. En 1967, elle devient Forges de Montécheroux (FMX) et ferme l’usine de Liebvillers, où ne travaille alors plus qu’une personne (elles étaient encore douze en 1963, dont trois femmes). Elle peut transférer son activité à Montécheroux car elle y a construit en 1961, sur le site de la Fabrique, un nouveau bâtiment accueillant un marteau-pilon.
L’usine est vendue en 1970 et le bassin remis en état en 1979. Son nouveau propriétaire en 2001, Nicolas Autin, y installe son atelier de tailleur de pierres et, ancien formateur à l’Afpa de Montbéliard, y ouvre un centre de formation aux métiers de l’artisanat. Il est remplacé par l’Atelier des Ursulines, atelier de luthier créé en 2014 à Saint-Hippolyte par Marie Lequeux et Pierre-Antoine Buffet, transféré là le 1er novembre 2017. En juillet 2019, le bâtiment de 1815 est en cours de rénovation et l’atelier de polissage au sud est devenu une habitation.
Période(s)
Principale :
  • 1er quart 19e siècle
  • 3e quart 19e siècle
  • 4e quart 19e siècle
Secondaire :
  • 1er quart 20e siècle
  • 2e quart 20e siècle
Date(s)
1815 : porte la date

Description


Les bâtiments ont des murs en moellons calcaires enduits, à l'exception du petit bâtiment d'eau qui fait appel aux briques silico-calcaires (et aux briques pleines pour ses encadrements de baies, en arc segmentaire) et du hangar oriental en pan de bois essenté de planches. L'usine est étagée suivant la pente, avec un étage carré et un étage en surcroît pour le 1er corps à l'ouest, deux étages carrés pour le 2e (corps central), un étage de soubassement, un rez-de-chaussée surélevé et un étage carré pour le 3e. Le corps central est abondamment ouvert au nord par des fenêtres d'atelier au rez-de-chaussée et des fenêtres multiples à encadrement en bois (en arc segmentaire) aux étages. Les dessertes sont assurées par des escaliers dans-oeuvre. Le bâtiment de 1815 comporte étage de soubassement, rez-de-chaussée surélevé, étage carré (desservi par un escalier extérieur droit en bois) et comble à surcroît. L'atelier qui le jouxte au sud-est (en moellons calcaires apparents) a un étage carré. L'ancien atelier de polissage (transformé en logement) au sud est en rez-de-chaussée sur un sous-sol et avec comble à surcroît (protégé par des tuiles en béton). Les toits sont à longs pans et pignons couverts (demi-croupe au sud pour le 3e corps d'usine) et les couvertures en tuiles mécaniques.
Murs :
  • calcaire
  • bois
  • brique silico-calcaire
  • moellon
  • pan de bois
  • enduit
  • essentage de planches
Toit :
  • tuile mécanique
Etages :
  • 2 étages carrés
  • comble à surcroît
Elévation :
  • élévation à travées
Escalier :
  • escalier dans-oeuvre,
  • escalier de distribution extérieur, escalier droit, en charpente
Energie utilisée :
  • énergie hydraulique produite sur place turbine hydraulique
  • énergie thermique produite sur place
  • énergie électrique achetée

Source(s) documentaire(s)

  • 3 P 336 Cadastre de la commune de Liebvillers, 1830-1935
    3 P 336 Cadastre de la commune de Liebvillers, 1830-19353 P 336 : Atlas parcellaire (2 feuilles), dessin (plume, lavis), par le géomètre du cadastre Girardier, 18303 P 336/1 : Registre des états de sections, 18313 P 336/2 : Matrice cadastrale des propriétés bâties et non bâties, [1833-1910]3 P 336/3 : Matrice cadastrale des propriétés bâties, 1882-19103 P 336/4 : Matrice cadastrale des propriétés non bâties, 1911-19343 P 336/5 : Matrice cadastrale des propriétés bâties, 1911-1935
    Lieu de conservation : Archives départementales du Doubs, Besançon - Cote du document : 3 P 336
  • M 3044 Travail et main d’œuvre, 1926-1930
    M 3044 Travail et main d’œuvre, 1926-1930
    Lieu de conservation : Archives départementales du Doubs, Besançon - Cote du document : M 3044
  • Sp 829 Etat des usines situées sur rivières non navigables ni flottables non régulièrement autorisées, 1921
    Sp 829 Etat des usines situées sur rivières non navigables ni flottables non régulièrement autorisées, 1921
    Lieu de conservation : Archives départementales du Doubs, Besançon - Cote du document : Sp 829
  • Statistique de l'utilisation de la force motrice des eaux, 1851
    Statistique de l'utilisation de la force motrice des eaux. In Annuaire départemental du Doubs pour 1852, 40e année, 1851, p. 103-158.
  • Papier à en-tête de la Fabrique d’outils pour horlogerie, bijouterie, quincaillerie L. Hugoniot-Tissot Jules Hugoniot Fils successeur, décennie 1900
    Papier à en-tête de la Fabrique d’outils pour horlogerie, bijouterie, quincaillerie L. Hugoniot-Tissot Jules Hugoniot Fils successeur, décennie 1900
    Lieu de conservation : Musée de la Pince, Montécheroux
  • Roue Hugoniot-Tissot. Installation de l’usine du haut. - Liebvillers, 1er mars 1890
    Roue Hugoniot-Tissot. Installation de l’usine du haut. - Liebvillers, dessin (photocopie), par les Anciens Ets Michel Page - Chaudel-Page successeurs, Valdoie le 1er mars 1890, 1/40
    Lieu de conservation : Collection particulière : Lequeux et Buffet, Liebvillers
  • 1395. Liebvillers - L’usine, 1ère moitié 20e siècle [avant 1932]
    1395. Liebvillers - L’usine, carte postale, par Ch. Simon, [1ère moitié 20e siècle, avant 1932], Simon éd. à Maîche. Porte la date 29 mars 1932 (tampon) au verso
    Lieu de conservation : Collection particulière : Lequeux et Buffet, Liebvillers
  • Roze, Jacqueline. Recherches généalogiques
    Roze, Jacqueline. Recherches généalogiques. Accessibles en ligne sur le site de Geneanet : http://gw.geneanet.org/
  • A Liebvillers, l’une des plus anciennes usines de pinces de la région continue sa production de qualité, 30 juillet 1955
    A Liebvillers, l’une des plus anciennes usines de pinces de la région continue sa production de qualité. L’Est républicain, 30 juillet 1955, ill.
    Lieu de conservation : Musée de la Pince, Montécheroux
  • Courtieu, Jean (dir.). Dictionnaire des communes du département du Doubs, 1982-1987.
    Courtieu, Jean (dir.). Dictionnaire des communes du département du Doubs. - Besançon : Cêtre, 1982-1987. 6 t., 3566 p. : ill. ; 24 cm.
  • Nicolas Autin réveille l’ancienne forge de Liebvillers, avril 2012
    Nicolas Autin réveille l’ancienne forge de Liebvillers. Vu du Doubs, n° 197, avril 2012, p. 6 : ill.
  • Nivoix, Georges. La double-activité à Montécheroux (25). Etude ethnologique, 1988
    Nivoix, Georges. La double-activité à Montécheroux (25). Etude ethnologique. - 1988. 112 p. : ill. ; 30 cm. Rapport d’étude : Ministère de la Culture, Mission du Patrimoine
  • Le patrimoine des communes du Doubs, 2001.
    Le patrimoine des communes du Doubs. - Paris : Flohic, 2001. 2 vol., 1387 p. : ill. ; 25 cm. (Le patrimoine des communes de France)
  • Poissenot, Aimé ; Abram, Luc ; Pourcelot, René. Histoire des pinces de Montécheroux, 2002
    Poissenot, Aimé ; Abram, Luc ; Pourcelot, René. Histoire des pinces de Montécheroux. - Nancray : Folklore comtois, 2002. 339 p. : ill. ; 24 cm.

Informations complémentaires

Thématiques :
  • patrimoine industriel du Doubs
Aire d’étude et canton : Pays horloger (le)
Hydrographie : ruisseau de Liebvillers
Dénomination : moulin à farine, usine de petite métallurgie
Parties constituantes non étudiées :
  • atelier de fabrication
  • bassin de retenue
  • bureau
  • bâtiment d'eau
  • hangar industriel
  • logement
  • bûcher
  • jardin potager
Carte interactive
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