USINE D'HORLOGERIE (USINE DE FOURNITURES POUR L'HORLOGERIE) ET DE DÉCOLLETAGE BINÉTRUY FRÈRES
25 - Villers-le-Lac
3 rue des Essarts
- Dossier IA25001447 réalisé en 2015 revu en 2016
- Auteur(s) : Laurent Poupard
Historique
Louis Binétruy (1873-1918), marié en 1898 avec Amélie Vuillemin (1881-1957), fonde en 1902 les Etablissements Binétruy-Vuillemin : avec sa femme et un frère de celle-ci, Léon Vuillemin (qui s'installera rue Cupillard en 1922 [1932 ?]), il fabrique dans une ferme aux Taillards, non loin du Saut du Doubs, des balanciers à vis pour montre. Il semble s'établir à Villers-le-Lac même (vers 1908 dans le premier bâtiment Magister ?) avant de faire construire en 1917-1918 sa propre usine (avec logement à l'étage), dans laquelle il emploie 12 à 15 femmes. A sa mort en 1918, sa veuve prend la direction de l'affaire, dont la majorité de la clientèle est suisse. Elle est aidée de ses enfants : Jules (1899-1977), Adèle (1900-1962), Adonis (1901-1977), Léon (1904-1967) et Hubert (1908-1975). Ce dernier perd un oeil en 1924 lors d'un accident (une mèche qui casse) alors qu'il est en apprentissage dans l'entreprise du beau-père d'Adonis (Les Fils de Louis Gloriod), au hameau des Epaisses, commune des Gras. L'usine est agrandie en 1930 sur des plans de l'Office régional du Bâtiment (14 rue de Brasse à Belfort), tandis que la technique de fabrication passe du découpage (dans des bandes de laiton à l'aide de presses) au décolletage : le bâtiment initial est dédié au décolletage, l'extension accueille l'atelier des balanciers. Des décolleteuses suisses (canton de Berne) Pétermann (à Moutier) et Kummer (à Tramelan) sont achetées et un technicien helvétique embauché en 1935, M Capt (le chef décolleteur, Ulysse Clément, recruté en 1936, est lui aussi Suisse). Le site abrite en outre cinq familles (une au rez-de-chaussée, trois à l'étage carré et une dans le comble).
En 1933, Amélie se retire de la société qui, dirigée par Adonis, Léon et Hubert, devient Sarl Binétruy-Vuillemin et Fils puis en 1941 Binétruy Frères. Dans les années 1938-1939, la production est de 1 000 grosses de balanciers par mois (144 000 pièces), dont les deux tiers sont exportés (les gros clients français sont Clérian au Russey et Frésard-Panneton à Charquemont). Travaillant notamment pour Lip (actif dans l'horlogerie mais aussi dans l'armement), l'entreprise est délocalisée à Lignières (Cher) en 1940 (sur l'invite du directeur de l'Observatoire de Besançon et par délégation du ministère de l'Air) mais les wagons de matériel arrivent pillés si bien qu'elle revient à Villers-le-Lac en octobre. En 1946, elle débute la fabrication d'outils en carbure de tungstène destinés aux décolleteuses (qui en portent chacune de 2 à 6), production sous couvert d'une société séparée, la Sarl Cardur, créée le 8 mai 1946 et qu'elle absorbe en juillet 1951 (Cardur fait réaliser, suivant un modèle breveté en 1948 et sous sa marque, quelques affûteuses d'outils par la société Mac, fabrique de machines pour l'horlogerie tenue par les frères A. et Ch. Steiner, d'origine suisse, établis à Morteau jusqu'en 1940 puis à Besançon au 49 avenue Georges Clemenceau). Binétruy Frères s'organise alors en trois départements : Balancier, Décolletage, Outils carbure. Elle fabrique, outre les balanciers et les outils de coupe, des pièces pour l'horlogerie (goupilles, pieds de pont, pieds de cadran, pitons, clés de raquette, arbres de barillet, axes de balancier, etc.), pour les baromètres (les clients sont les sociétés Camille Renaudin et Henri Faivre, de Morteau), pour les jouets (arbres des roues de wagon pour Jouef, etc.), soit en tout deux millions de pièces par mois ; la production de barrettes à pompe lancée à la fin des années 1950 cessera cependant au bout de 7 ou 8 ans, face à une concurrence trop vive. En 1953-1954, Léon invente une machine à visser les vis sur les balanciers que son neveu Louis (fils d'Adonis) dessine et construit avec lui ; un brevet est délivré le 8 septembre 1954, qui sera vendu à la société Les Fabriques de Balanciers réunies (FBR), de Bienne (Suisse), créée en 1932 et absorbée en 1978 par la SA Nivarox. Dans l'usine, deux femmes font fonctionner chacune trois de ces machines. A cette époque (années 1950-1960), l'effectif culmine à environ 70 personnes, dont 15 à 20 femmes à domicile, si bien que la société achète quelques maisons à proximité pour loger ses salariés. Léon est également à l'origine d'autres brevets : outre en 1948 un "Nouveau genre de machine à affûter les outils et procédé perfectionné d'affûtage en résultant" et en 1955 une "Machine pour la mise en place et le vissage automatiques de vis dans des pièces telles que balanciers d'horlogerie", il en obtient en 1961-1962 pour un "Procédé de fabrication d'ancres de montres ou autres applications et dispositifs pour la mise en oeuvre de ce procédé" et en 1967 une "Chaîne automatique notamment pour la fabrication des platines d'horlogerie".
En 1957, la Sarl Binétruy Frères (au capital de 3 120 000 F, 416 000 F en 1972) fait bâtir dans la cour un nouvel atelier par l'architecte Pierre Chavanne, de Pontarlier, au-dessus des trois garages édifiés en 1948 sur des plans d'un autre architecte, Jacques Duval (établi au 39 quai Veil-Picard à Besançon). Cet atelier, où doivent travailler neuf hommes, est destiné à l'outillage au carbure ; les décolleteuses sont déployées à l'étage de soubassement des deux autres bâtiments, la fabrication des balanciers et les bureaux au rez-de-chaussée surélevé. Daniel (un fils d'Hubert) intègre en 1959 la société, dont les dirigeants partent au cours des deux décennies qui suivent (retraite d'Adonis en 1966, décès de Léon en 1967, retraite d'Hubert en 1973), remplacés par la génération suivante (les fils d'Adonis Louis et Jacques). En juillet 1978, le matériel se compose à la fabrication de : 55 tours automatiques à poupée mobile, de presses à découper et machines à contre-fraiser automatiques, de "fraiseuses à programme", d'affûteuses semi-automatiques d'outils carbure, de machines à rectifier les profils et d'une sableuse ; à la mécanique : de tours d'outilleur, affûteuses et fraiseuses d'outillage ; au contrôle : de projecteurs de profil et d'une machine à contrôler le moment d'inertie des balanciers. L'effectif varie entre 1978 et les années 1980 de 40 à 50 personnes (dont 17 à l'outillage), alors que la production mensuelle atteint 800 000 à 1 million de pièces.
Louis et Jacques Binétruy prennent leur retraite en 1989, cédant la place à Daniel. Ce dernier restructure alors l'entreprise et vend le département Décolletage à Jean-Pierre Poupeney (qui s'installe dans l'ancienne usine Cupillard, au 4 rue Virgile Cupillard) et les décolleteuses à balancier à la société Frésard-Panneton, de Charquemont, son principal client pour ce produit (Pierre Frésard étant par ailleurs son beau-père). Seul reste le département Outillage, dont l'automatisation est poussée et qui exporte beaucoup aux USA, en Italie, Espagne, Grande-Bretagne, Allemagne, etc. En 2000 est fermé le magasin de Cluses (Haute-Savoie), créé en 1973, situé au 29 rue des Buttes et tenu par un salarié qui y fabriquait sur plans de l'outillage de forme (carré et méplat) pour la clientèle de la zone. Laurent, le fils de Daniel, qui a rejoint son père en 1997, reprend la société en 2004. En 2015, il travaille avec deux personnes à la fabrication, toujours sous la marque Cardur, de burins de décolletage (capacité : 1 000 par jour) dont 75 % sont exportés à destination de l'Allemagne (45 %), en Italie et dans le monde entier : Chine, Bengladesh, Vietnam, Corée du Sud, etc. L'étage de soubassement est occupé par l'atelier de fabrication, le rez-de-chaussée surélevé par celui de réparation et les bureaux, l'étage par les logements.
- 1er quart 20e siècle
- 2e quart 20e siècle
- 3e quart 20e siècle
L'Office régional du Bâtiment est établi au 14 rue de Brasse à Belfort en 1930.
Duval, Jacques. Architecte au 39 quai Veil-Picard à Besançon en 1948.
Architecte à Pontarlier en 1957
Description
Le bâtiment d'origine (à l'ouest) a des murs en moellons calcaires enduits, les autres des murs en parpaings de béton enduits. Ils sont coiffés de toits à longs pans et pignons couverts, à couverture de tuiles mécaniques, à l'exception des garages et du petit corps à l'ouest, dotés d'une terrasse en béton. Les deux corps principaux, au long de la rue de l'Horlogerie, ont un étage de soubassement, un rez-de-chaussée surélevé, un étage carré et un comble à surcroît, desservis par un escalier dans-oeuvre en béton. Le corps occidental est éclairé par des fenêtres horlogères au soubassement ; le corps oriental présente aux deux premiers niveaux de la façade sud des baies intermédiaires entre fenêtres multiples et fenêtres d'ateliers, et sur les autres façades des baies d'ateliers ; l'atelier surmontant le garage est muni de baies d'atelier.
- calcaire
- béton
- moellon
- parpaing de béton
- enduit
- enduit
- tuile mécanique
- béton en couverture
- étage de soubassement
- rez-de-chaussée surélevé
- 1 étage carré
- comble à surcroît
- élévation à travées
- escalier dans-oeuvre escalier droit en maçonnerie
- baie horlogère
- baie d'atelier
- énergie électrique achetée
Source(s) documentaire(s)
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3 P 628 Cadastre de la commune de Villers-le-Lac, [1812-1977]
3 P 628 Cadastre de la commune de Villers-le-Lac, 1817-1973
- 3 P 628 : Atlas parcellaire (18 feuilles), dessin (plume, lavis), par les géomètres du cadastre Vial et Girardier, 1817
- 3 P 628/1-2 : Registre des états de sections (1817 ?)
- 3 P 628/3-4 : Matrices cadastrales des propriétés bâties et non bâties, 1822-1910
- 3 P 628/5 : Matrice cadastrale des propriétés bâties, 1882-1910
- 3 P 628/10-12 : Matrice cadastrale des propriétés bâties, 1911-1973Lieu de conservation : Archives départementales du Doubs, Besançon - Cote du document : 3 P 628 -
171 W 30 Etablissements classés (1953-1964)
Archives départementales du Doubs, Besançon, 171 W 30 Etablissements classés (1953-1964)Lieu de conservation : Archives départementales du Doubs, Besançon - Cote du document : 171 W 30
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Projet de fabrique à Villers-le-Lac (Doubs). Madame Binétruy propriétaire, 1930
Projet de fabrique à Villers-le-Lac (Doubs). Madame Binétruy propriétaire, dessin (tirage bleu), par l'Office régional du Bâtiment, s.d. [1930], 45 x 70 cm (environ), 1/100Lieu de conservation : Collection particulière : Sarl Binétruy-Frères, Villers-le-Lac -
Etablissements Binétruy Fr[èr]es à Villers-le-Lac. Plan de masse, juillet 1957
Etablissements Binétruy Fr[èr]es à Villers-le-Lac. Plan de masse, dessin (tirage à l'ammoniaque), s.n., s.d. [juillet 1957], 35 x 51 cm, 1/200Lieu de conservation : Archives départementales du Doubs, Besançon - Cote du document : 171 W 30 -
3 - Lac ou Villers - Vue générale prise de la gare, décennie 1930 [avant 1938]
3 - Lac ou Villers - Vue générale prise de la gare, carte postale, par Louis Lévy, [décennie 1930, avant 1938], Lévy et Neurdein réunis impr. à Paris. Porte la date 1938 (tampon) au verso. Cliché aussi exploité par la CAP pour : "Ed. H. Guillaume, Saut du Doubs - Villers-le-Lac (Doubs)".Lieu de conservation : Collection particulière : Henri Ethalon, Les Ecorces -
[Vue d'ensemble de l'usine], 2e quart 20e siècle [avant 1941]
[Vue d'ensemble de l'usine], papier à en-tête des Etablissements Binétruy-Vuillemin, s.d. [2e quart 20e siècle, avant 1941]Lieu de conservation : Collection particulière : Sarl Binétruy-Frères, Villers-le-Lac -
Frontière franco-suisse. 105 - Vue générale de Villers-le-Lac [depuis le sud], entre 1948 et 1952
Frontière franco-suisse. 105 - Vue générale de Villers-le-Lac [depuis le sud], carte postale, par Janin, s.d. [entre 1948 et 1952], Editions Photo Janin à MaîcheLieu de conservation : Collection particulière : Henri Ethalon, Les Ecorces -
[Intérieur de l'atelier de décolletage], 1978
[Intérieur de l'atelier de décolletage], photographie, s.n., s.d. [1978].Lieu de conservation : Collection particulière : Sarl Binétruy-Frères, Villers-le-Lac -
[6 burins Cardur montés sur une décolleteuse], 1978
[6 burins Cardur montés sur une décolleteuse], photographie, s.n., s.d. [1978]Lieu de conservation : Collection particulière : Sarl Binétruy-Frères, Villers-le-Lac
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Guichard, Jean-Marie. Recherches généalogiques
Guichard, Jean-Marie. Recherches généalogiques. Accessibles en ligne sur le site de Geneanet : http://gw.geneanet.org/ -
Institut national de la Propriété industrielle. Base Brevets
Institut national de la Propriété industrielle. Base Brevets (http://www.inpi.fr/fr/services-et-prestations/bases-de-donnees-gratuites/base-brevets.html)
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Binétruy Frères 1902-2002, 2002
Binétruy Frères 1902-2002. - S.l. : s.n., 2002. 1 f. : ill. ; 30 cm. -
Chambre française de l'Horlogerie. Annuaire 1972/1973, 1972
Chambre française de l'Horlogerie. Annuaire 1972/1973. - Paris : CFH, 1972. III-177 p. ; 30 cm. -
Chambre française de l'Horlogerie. Annuaire 1986/87, 1986
Chambre française de l'Horlogerie. Annuaire 1986/87. - Paris : CFH, 1986. 98 p. ; 30 cm. -
La maison Binétruy a 100 ans et un nouveau dirigeant, de la 4e génération, 11 décembre 2002
La maison Binétruy a 100 ans et un nouveau dirigeant, de la 4e génération. L'Est républicain, mardi 11 décembre 2002, ill. -
Les pionniers de l'horlogerie à Villers-le-Lac, 2e semestre 1988
Les pionniers de l'horlogerie à Villers-le-Lac. Horlogerie ancienne, Revue de l'Association française des Amateurs d'Horlogerie ancienne, n° 24, 2e semestre 1988, p. 37-53 : ill.
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Binétruy Daniel (témoignage oral)
Binétruy Daniel, fils d'Hubert, ancien dirigeant de la société Binétruy Frères. Villers-le-Lac -
Binétruy Gérard (témoignage oral)
Binétruy Gérard, fils d'Hubert, auteur de recherches sur l'entreprise familiale. Villers-le-Lac -
Binétruy Laurent (témoignage oral)
Binétruy Laurent, fils de Daniel, actuel dirigeant de la société Binétruy Frères. Villers-le-Lac
À voir
Informations complémentaires
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