USINE DE PETITE MÉTALLURGIE RIVEX
25 - Ornans
route des Usines du Bas
- Dossier IA00014696 réalisé en 2015 revu en 2016
- Auteur(s) : Raphaël Favereaux, Liliane Hamelin
Historique
En 1728, Pierre Roger fait construire sur la rive gauche de la Loue, à la confluence du ruisseau de Bonneille, un établissement constitué d’une papeterie, d’une huilerie, d’une scierie, d’un battoir à écorce et d’une ribe à chanvre. Il est loué en 1739 à François Thomasset, maître papetier qui fait faillite en 1760. Revendue, l’usine est louée en 1771 à Jean-Claude Planche. D'après une enquête menée en l'an II sur les moulins de la ville, l'établissement est équipé de trois trémies (paires de meules), deux pour broyer le froment et une pour l'orge. L'usine est vendue en 1798 à Joseph Besson pour 10 850 francs. Ce dernier abandonne la fabrication du papier et établit un moulin à farine composé de cinq paires de meules.
En 1822, le moulin échoit à Pierre-Eléonor Besson, fils de Joseph et des associés J.B. Cuenot et J.B. Bouveret. En 1827, Pierre-Eléonor demande l’autorisation d’établir "un feu d’affinerie destiné à la fabrication des fers nécessaires à ses établissements". Ce projet semble être resté sans suite. Les différents équipements du moulin sont mis en jeu par sept roues hydrauliques. Par arrêté préfectoral du 16 mars 1831, P.E. Besson est autorisé à "procurer à ses usines diverses réparations et à élever plusieurs constructions pour en assurer le roulement". Un second bâtiment, dont le millésime 1830 est gravé sur une pierre du pignon ouest, est construit contre la façade nord du moulin existant. En 1844, l'usine emploie 33 ouvriers et met en jeu "17 moulins et 25 scies" (?). D'après l'enquête nationale sur l'industrie menée entre 1847 et 1852, le moulin est équipé de 25 machines mises en jeu par 17 moteurs hydrauliques, et emploie 33 personnes. En décembre 1862, le site est acquis par Jean-Baptiste Perreur, technicien de clouterie à Vuillafans (IA00014816), et converti en clouterie industrielle, ce qui nécessite la construction d'ateliers à l'ouest du moulin.
En 1868 est fondée la Société des Usines d’Ornans, sous la raison sociale J.B. Perreur et Cie, qui a pour objet "l’exploitation des Fabriques de clous d’Ornans, des moulins et scierie annexés à ces fabriques, et l’exploitation des brevets […]". L’usine comprend alors une maison de maître, deux logements d’ouvriers, le moulin comprenant "cinq paires de meules montées à l’anglaise, crible, bluteries à chaud et à froid, huilerie à deux pressoirs, ribe, machine à battre le grain, scie sans fin [à ruban ?], le tout mis en mouvement par deux turbines d’une puissance totale de 40 chevaux, un vaste bâtiment abritant remise, magasins, caisserie, chambre de triage et de pesage des clous et logement du concierge, le bâtiment de la clouterie renfermant un atelier de construction et de réparation, l’atelier des machines à clous mues par une turbine de 40 chevaux, les magasins de fil de fer, le bureau du contremaître".
En 1868 (ou 1869 ?), J.B. Perreur s’associe avec Pierre-Gabriel Jarre, ingénieur civil, la société étant renommée J.B. Perreur, Jarre et Cie. P.G. Jarre dépose un brevet dès 1868 pour le découpage de la tige du clou dans le fil d'acier, et obtient une médaille d'or à Lyon en 1872. Il devient seul gérant en 1871, la société prend alors pour nom Jarre et Cie. En 1875, deux turbines actionnent le moulin, ses équipements et la scie, alors que les ateliers de clouterie et de construction sont desservis par deux autres turbines (dont une est d'installation récente). P.G Jarre décide d'abandonner les activités annexes et de se concentrer sur la fabrication des clous. En 1875, il fait construire un magasin industriel et un atelier de décapage, et installer une quatrième turbine dans l’atelier de clouterie. L'année suivante, il installe un four à recuire et un dépôt de pompes. En 1877 sont bâtis un atelier de décapage et un atelier de construction. Une usine à gaz (pour l'éclairage) et une maison (logement patronal ?) sont construites en 1878. Le régime hydraulique de l’usine est réglementé par l’arrêté préfectoral du 31 août 1887. Une partie des installations est détruite par un incendie en 1887. Sur un plan daté de cette année, le bâtiment du moulin est occupé par la scierie et la tréfilerie, mises en jeu par deux turbines. L'atelier de clouterie est reconstruit en 1888, ainsi qu'une maison.
En 1889, l’usine passe sous le contrôle de la Compagnie des Forges et Hauts Fourneaux de Franche-Comté et prend pour nom la Société des clouteries du Phénix, dirigée par Charles Olivier (raison sociale Olivier et Cie). Spécialisée dans la production de clouterie pour chaussures, l'usine est équipée en 1893 de 150 machines actionnées par quatre turbines hydrauliques, développant une puissance totale de 100 chevaux. La production annuelle atteint alors 1800 tonnes. Une clouterie concurrente, créée en 1887 par la société Crudenaire, Pillot père et Cie, est achetée vers 1892. Implantée 1,5 km en amont sur la rive droite de la Loue au lieu-dit le Moulin Neuf, elle devient l’usine du Haut (aujourd’hui détruite) et accueille le forgeage à chaud, le travail du fil, et produit des clous à ferrer, des clous à bateaux, des clous pour la marine et l'artillerie, etc. Parallèlement, la société développe un atelier de construction mécanique (machines à vapeur, machines à fabriquer la pointe de Paris, machines à faire le grillage à triple torsion, compresseurs, pompes, turbines, dynamos, moteurs à gaz, essence et pétrole, graisseurs, etc.). La société emploie alors 200 personnes dans ses deux établissements.
L’usine est agrandie au début du 20e siècle (bureau, magasin et hangar) et une turbine de 50 chevaux est mise en place. Des terrains sont achetés sur la rive droite de la Loue, et une usine dédiée exclusivement à la construction mécanique et électrique est bâtie le long de la route nationale (future usine Oerlikon : IA25001561). Le site du Moulin Neuf se consacre également à la construction mécanique. En 1906, les usines de la société emploient près de 600 personnes. Ferdinand Olivier, polytechnicien, succède à son père à la direction de l’usine en 1913. L’atelier de clouterie emploie 300 ouvriers pendant la Première Guerre mondiale (clous pour chaussures et sabots), la production annuelle avoisine alors les 1500 tonnes. L’usine devient en 1915 la Société anonyme des Usines d’Ornans. En 1917, le parc des machines-outils est renouvelé.
Après la Première Guerre mondiale, l’usine se recentre vers la fabrication de clous, dont la production moyenne mensuelle atteint 100 tonnes, avec 150 ouvriers. En 1928, l’usine d’Ornans récupère la fabrication de certains types de clous et de tirefonds pour voie ferrée, transférée de l’usine de Fraisans (IA00125870), appartenant à la Compagnie des Forges et Hauts Fourneaux de Franche-Comté. En 1919, les locaux de l’usine de construction électrique, sur la rive droite, sont loués à la société suisse Oerlikon, avant de lui être vendus. Un transformateur électrique est bâti en 1924 sur la rive droite de la Loue, à côté de passerelle d’accès à l’usine, elle-même implantée à la fin du 19e siècle. A cours du 20e siècle, le bâtiment du moulin est converti en réfectoire, logements d’ouvriers et conciergerie. Les ateliers sont touchés en octobre 1942 par un incendie.
En 1948, l’usine produit 1350 tonnes de clous et 575 tonnes de tire-fonds, mais les commandes de l’armée (clous pour brodequins) et celles de la SNCF sont en forte baisse, ce qui ramène les effectifs à une cinquantaine d’ouvriers. En 1957, l’entreprise parisienne Rivex reprend l’usine. La fabrication des clous, qui ne représente alors plus que 10% de la production totale, continue de s’effondrer. Elle est définitivement arrêtée en 1960, au profit de celle des rivets et des vis. Les bâtiments sont modernisés pour accueillir en 1963-1964 les machines de la maison-mère. Un bâtiment administratif est construit au sud du bâtiment du moulin vers 1965, et l’usine est progressivement agrandie vers l’ouest dans les décennies suivantes. La société diversifie sa production de rivets et vis pour l’industrie automobile, la construction électrique et mécanique, la bagagerie, le mobilier pliant, etc. L’effectif passe de 70 personnes en 1957 à plus de 200 en 1973. Cette année-là, un atelier de roulage-fendage est ouvert dans la commune d’Amancey (25). La passerelle sur la Loue est supprimée vers 2007.
L’usine ITW Rivex, filiale du groupe américain ITW depuis 1998, emploie aujourd’hui 160 personnes et fabrique des pièces de fixation métalliques, principalement pour l’industrie automobile. Le bâtiment du moulin conserve au rez-de-chaussée un rhéostat de la Cie Générale Electrique et une génératrice de marque Olivier et Cie.
- 2e quart 19e siècle
- 1er quart 20e siècle
- 3e quart 20e siècle
- 4e quart 20e siècle
- 3e quart 19e siècle
- 4e quart 19e siècle
Description
Construit en moellon calcaire enduit, le bâtiment du moulin possède deux étages carrés, et est couvert de deux toits à longs pans et croupes en tuile mécanique. Bâtis en rez-de-chaussée, les bâtiments de la fin du 19e et du début du 20e siècle sont en moellon de calcaire enduit, couverts de toit à longs pans en tuile mécanique. L’atelier de clouterie (188 ?) possède une ossature métallique hourdé de brique, et est couvert d’une charpente métallique rivetée à poutrelles à treillis. L'ancienne conciergerie possède un étage carré. Le logement patronal est pourvu d'un rez-de-chaussée surélevé et d'un étage de comble. Bâti en moellon de calcaire enduit et couvert d’un toit à croupes en tuile mécanique, il a vraisemblablement été agrandi à la charnière des 19e et 20e siècles, avec l’adjonction de deux tourelles d’angle. Construites en brique avec un soubassement en pierre de taille, elles sont couvertes d’une poivrière pour la tour de section circulaire, et d’un toit en pavillon pour celle de section carrée, mais toutes deux sont couvertes en ardoise.
- calcaire
- calcaire
- brique
- fer
- moellon
- pierre de taille
- pan de fer
- enduit
- ardoise
- tuile mécanique
- fer en couverture
- rez-de-chaussée surélevé
- 2 étages carrés
- étage de comble
- charpente métallique apparente
- élévation à travées
- vitrail
- énergie hydraulique produite à distance turbine hydraulique
- énergie électrique produite sur place moteur électrique
- énergie électrique achetée
Source(s) documentaire(s)
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3 P 435/6-11 Matrices des propriétés foncières bâties et non bâties (19e siècle)
Archives départementales du Doubs, Besançon, 3 P 435/6-11 Matrices des propriétés foncières bâties et non bâties (19e siècle)Lieu de conservation : Archives départementales du Doubs, Besançon - Cote du document : 3 P 435/6-11 -
3 P 435/12 Matrices des propriétés bâties (1882-1910)
Archives départementales du Doubs, Besançon, 3 P 435/12 Matrices des propriétés bâties (1882-1910)
Lieu de conservation : Archives départementales du Doubs, Besançon - Cote du document : 3 P 435/12 -
3 P 435/21-23 Matrice des propriétés bâties (1911-1974)
Archives départementales du Doubs, Besançon, 3 P 435/21-23 Matrice des propriétés bâties (1911-1974)Lieu de conservation : Archives départementales du Doubs, Besançon - Cote du document : 3 P 435/21-23 -
M 3044 Travail et main d’œuvre, 1926-1930
M 3044 Travail et main d’œuvre, 1926-1930Lieu de conservation : Archives départementales du Doubs, Besançon - Cote du document : M 3044 -
3 O Régime des eaux (an II-1926)
Archives communales, Ornans, 3 O Régime des eaux (an II-1926)Lieu de conservation : Archives communales, Ornans - Cote du document : 3 O -
Sp 1263 Usines et prises d’eau. Rivière de la Loue. Ornans (1820–1964)
Archives départementales du Doubs, Besançon, Sp 1263 Usines et prises d’eau. Rivière de la Loue. Ornans (1820–1964)Lieu de conservation : Archives départementales du Doubs, Besançon - Cote du document : Sp 1263 -
Sp 815 Energie électrique
Archives départementales du Doubs, Besançon, Sp 815 Energie électrique. Société des Usines d'Ornans (1908-1926)Lieu de conservation : Archives départementales du Doubs, Besançon - Cote du document : Sp 815 -
7 S 77 Cours d'eau et usines (1817-1922)
Archives départementales du Doubs, Besançon, 7 S 77 Cours d'eau et usines (1817-1922)Lieu de conservation : Archives départementales du Doubs, Besançon - Cote du document : 7 S 77 -
4 U 19/338 Justice de paix d'Ornans. Actes de société (1868-1925)
Archives départementales du Doubs, Besançon, 4 U 19/338 Justice de paix d'Ornans. Actes de société (1868-1925)Lieu de conservation : Archives départementales du Doubs, Besançon - Cote du document : 4 U 19/338 -
1132 W 97 Etablissements classés (1978)
Archives départementales du Doubs, Besançon, 1132 W 97 Etablissements classés (1978)Lieu de conservation : Archives départementales du Doubs, Besançon - Cote du document : 132 W 97
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Annuaire du Doubs, 1844.
Annuaire du Doubs, 1844. -
Chapuis Robert. Une aventure territoriale. La haute vallée de la Loue [...], 2006
Chapuis Robert. Une aventure territoriale. La haute vallée de la Loue. De la vigne, à l'usine et au patrimoine. - Besançon : Presses Universitaires de Franche-Comté, 2006, 194 p. -
Louyot G. En l’Onnaige hier, pour Rivex aujourd’hui, s.d. [vers 1996].
Louyot G. En l’Onnaige hier, pour Rivex aujourd’hui, s.l., s.n., 100 p., s.d. [vers 1996]. -
Pitavy Jean-Jacques. Vie et traditions des villages du pays d'Ornans. Ornans, Saules [...], 2007.
Pitavy Jean-Jacques. Vie et traditions des villages du pays d'Ornans. Ornans, Saules [...]. - Echevannes : J.-J. Pitavy, 2007, 95 p. -
Sicard, Jules. Franche-Comté-Industrie-Commerce. - Besançon : s.n., 1894.
Sicard, Jules. Franche-Comté-Industrie-Commerce. - Besançon : s.n., 1894. -
Statistique de la France : Industrie / publiée par le Ministère de l'agriculture et du commerce. - Paris : Imprimerie royale, 1847-1852.
Statistique de la France : Industrie / publiée par le Ministère de l'agriculture et du commerce. - Paris : Imprimerie royale, 1847-1852.
À voir
Informations complémentaires
- patrimoine industriel du Doubs
- bureau
- atelier de fabrication
- logement patronal
- conciergerie
- transformateur
- magasin industriel
- logement
- bief
- bief de dérivation
- bâtiment d'eau
- barrage
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