USINE MÉTALLURGIQUE DITE FORGES DE BOURGUIGNON, ACTUELLEMENT USINE DE CHAUDRONNERIE ET CENTRALE HYDROÉLECTRIQUE
25 - Bourguignon
Les Forges
- Dossier IA25001047 réalisé en 2012 revu en 2013
- Auteur(s) : Raphaël Favereaux
Historique
L’établissement métallurgique est établi à la fin du 17e siècle, en vertu de lettres patentes accordées en 1684 et autorisant le comte de Poitiers à établir dans sa seigneurie de Neufchâtel une forge et un fourneau. Les forges dites de Neufchâtel, affermées au sieur Brodbeck, comprennent en 1733 un haut fourneau, une chaufferie, deux affineries, une renardière, deux martinets, un magasin à fer et une halle à charbon. Une maison de maître, datée 1736 sur une clef d’arcade, est construite à cette époque. Les forges sont "amodiées" (louées) entre 1745 et 1779 aux frères Fleur, maîtres de forges comtois réputés. Faute de minerai, le fourneau est arrêté en 1754, puis est dit en reconstruction en 1775, bien que celle-ci n’ait pas été menée à son terme. En 1772, l’établissement est doté d’une tréfilerie : une "tirerie à froid" composée de 19 tenailles, complétée avant 1780 d’une "tirerie à chaud", avec "une appointerie", une clouterie, une fenderie et deux fours à réverbère. Les forges sont affermées entre 1780 et 1788 aux frères Morel, puis à partir de 1789 aux frères Pierre-François et Jean-Louis Bouchot, de l’Isle-sur-le-Doubs (IA25001077). En 1788, l’usine métallurgique est réduite à deux feux de forge, deux martinets et une "tirerie" constituée d’un cylindre et de 34 mouvements de fil de fer. Elle emploie 78 ouvriers en interne. La production consiste en gros fers (600 milliers, soit environ 300 t), petits fers (500 milliers) et fil de fer (280 milliers). Cependant, les frères Bouchot obtiennent l’autorisation de reconstruire le haut fourneau. Celui-ci sera établi 2 km au sud, à l’entrée de Pont-de-Roide, sur le ruisseau de la Ranceuse, un affluent du Doubs (IA25001048). Mis en roulement en 1792, il fonctionne difficilement jusqu’en 1795, par manque d’ouvriers et de minerai. Le bail des Bouchot est rompu en 1798, et Jean-François Rochet devient fermier des forges de Bourguignon et du fourneau de Pont-de-Roide, avant de les acquérir l’année suivante comme biens nationaux.
En 1808, ces usines, ainsi que celles de Chagey en Haute-Saône (IA70000090) et d’Audincourt (IA00014830), sont achetées par la société en nom collectif Humann, Saglio et Gast, devenue Compagnie des Forges d’Audincourt et Dépendances en 1824. En 1820, l'usine de Bourguignon comprend trois feux de forge, deux martinets et trois "laminières" [laminoirs]. Elle produit annuellement 6500 quintaux métriques de fer, dont 5000 dont transformés en "tôles laminées, le surplus s'écoule dans le commerce". L’établissement est modernisé dans la décennie 1820 ; il se compose en 1833 de 5 feux d’affinerie, de 3 marteaux avec ordons en fonte, de 3 trains de laminoirs et d’un martinet. Vers 1846, il est équipé d’une "chaudière et d’un cylindre à vapeur de 30 ch" pour actionner un marteau pilon. En 1851, l’usine métallurgique compte 7 feux d’affinerie au charbon de bois, chacun muni d’un four à flamme perdue (fabrication de petits fer et de tôles), 3 fours à réverbère, dont 2 chauffés à la houille et un par un générateur à gaz (fabrication de gros fer et grosses tôles), 2 machines soufflantes, 3 marteaux de 400 kg, deux marteaux pilons de 1500 et 1800 kg, 2 martinets de 300 kg et 5 laminoirs. La force motrice est fournie par 7 roues hydrauliques ayant une force effective de 245 ch, et 2 chaudières à vapeur, chauffées par les flammes perdues des fours à réverbère, permettant d’actionner les machines soufflantes et les appareils de compression. L’usine consomme annuellement 18 000 t de fonte provenant des hauts fourneaux de la Compagnie, 7200 hl de charbon de bois provenant de 20 000 stères de bois amenés par flottage, et environ 6000 quintaux métriques de houille provenant des bassins de Saint-Etienne et Rive-de-Gier. Le décret du 22 mars 1854 autorise la Cie des Forges d’Audincourt à maintenir en activité son usine à fer. A cette date, une maison bâtie en 1844 est louée par la Compagnie pour servir de cantine (C 97, 129). En 1875-1876, deux maisons (dites n°1 et n°2), vraisemblablement des logements d’ouvriers, sont construites par la Cie des Forges d’Audincourt sur la rive droite du Doubs, au sud du barrage. En 1881, l’usine est reliée par un embranchement particulier à la voie ferrée Voujeaucourt-Saint-Hippolyte. Elle se spécialise à la fin du 19e siècle dans le laminage et la fabrication de grosses tôles pour chaudières et tôles de moyenne épaisseur. Vers 1880, l’appareil de production consiste en 7 feux d’affinerie au bois, 8 fours à souder et à réchauffer, une machine soufflante, 2 marteaux hydrauliques, 4 marteaux pilons à vapeur, 3 trains de laminoirs à tôle mince, un train de laminoirs pour grosses tôles, un train d’étirage pour fers laminé et un atelier de décapage. La force motrice est assurée par l’énergie hydraulique du Doubs (400 ch) et des machines à vapeur de secours (150 ch). Les forges emploient alors 260 ouvriers, pour une production annuelle de 2000 t. Le logement ouvrier situé le long de la route est agrandi (ou reconstruit ?) en 1881-1882. La matrice cadastrale signale la construction d’une halle à cisaille, achevée en 1882, ainsi qu’une "reconstruction" de l’atelier principal vers 1887.
L’usine cesse son activité dans le courant de l’année 1906. Le site s’étend sur 15 ha et comprend 70 logements ouvriers. Après une courte négociation, elle est achetée le 1er janvier 1907 pour 500 000 francs par la société Peugeot et Cie, basée à Pont-de-Roide. Cette dernière souhaite utiliser les moyens de laminage à chaud de Bourguignon pour approvisionner son usine de Pont-de-Roide (IA25001049). L’outil de production consiste en un train de quincaillerie (transformation des largets en plaques d’acier) et un train à bandes (laminage des barres d’ébauche en bandelettes). Ces laminoirs sont mis en jeu par 5 turbines de 20, 40, 75, 100 et 300 ch, soit une puissance annoncée de 500 ch. A partir de 1920, Peugeot et Cie entreprend d’importants travaux sur le site. Le barrage sur le Doubs est rehaussé, et le canal de fuite transformé en canal d’amenée. Une nouvelle centrale hydroélectrique est construite en 1920-1921, 300 m en aval, équipée de trois groupes turbo-alternateurs (3 x 300 kW). Les bâtiments de l’ancienne forge sont partiellement détruits et une nouvelle usine de laminage à chaud voit le jour, 200 m en aval, en 1923-1924. Mise en service en novembre 1924, elle est dotée d’un train de laminage de quincaillerie et d’un train à bandes Delattre et Frouard, avec cages trio, duo et double duo. Ces laminoirs sont actionnés par un moteur électrique de 1500 ch, alimenté par la centrale hydroélectrique. Les billettes d’acier sont chauffées dans un four poussant alimenté par un gazogène. L’établissement est desservi un embranchement ferroviaire et un réseau de voies étroites, permettant le transfert depuis le parc à billettes jusqu’au four. Employant une quarantaine d’ouvriers, l’usine lamine les aciers utilisés dans les ateliers de Pont-de-Roide. Une partie des anciens bâtiments industriels (forge) aurait été détruite pendant la Seconde Guerre mondiale.
L’usine est modernisée en 1946-1948 : installation d’un gazogène à houille Stein et Roubaix, d’un four poussant et de deux fours à réchauffer. Une centaine de personnes sont employées sur le site. Celui-ci ferme ses portes à la fin de l’année 1967. Les bâtiments ont ensuite été utilisés par une activité de polissage puis, à partir de 1976-1977, par la Peugeot Outillage Électrique, qui l’utilise comme magasin commercial pour le stockage du matériel électro-portatif (43 salariés en 1984). Le site est occupé dans la décennie 1990 par une entreprise de fabrication de palettes, et depuis 2008 par DEF-TEC, société de chaudronnerie spécialisée dans le dépoussiérage et la filtration. Deux logements ouvriers, situés à l’entrée du site et sur l’île, ainsi que le bâtiment du gazogène, ont été détruits au début des années 1980. Acquise en 1987 par la société SJS, également exploitante de l’usine hydroélectrique des Forges à Audincourt, la centrale a été modernisée peu après. Équipée de 3 turbines Francis couplées à des alternateurs Alstom, elle possède une puissance maximale brute de 980 kW.
Période(s)
Principale :
- 2e quart 18e siècle
- 4e quart 19e siècle
- 1er quart 20e siècle
Date(s)
1736 :
porte la date
Description
La centrale hydroélectrique est située à l’extrémité du bief de dérivation, sur la rive gauche du Doubs. Bâti en rez-de-chaussée, l’atelier de fabrication (laminage) possède une ossature et une charpente métallique, couvert de toits à longs pans parallèles. Les murs sont protégés d’un bardage métallique et les toits couverts par des panneaux solaires (sur les versants sud) et des tuiles mécaniques. Cet atelier est flanqué de bureaux couverts en appentis. La maison de maître, construite en moellon de calcaire enduit, possède un étage de soubassement et un étage carré. Les ouvertures sont couvertes d’arcs segmentaires avec clef. La maison est couverte d’une haute toiture à croupes en tuile plate et tuile mécanique. Également construit en moellon de calcaire enduit, le logement d’ouvriers (n°27 rue des Forges) est pourvu d’un sous-sol, d’un étage carré et d’un étage en surcroît. Il abritait 12 logements, auxquels on accédait par des entrées individuelles : 6 sur la façade antérieure et 6 sur la façade postérieure. Chaque appartement comprenait une cave au sous-sol, une cuisine au rez-de-chaussée, une chambre à l’étage, une autre à l’étage en surcroît et une pièce sous le comble.
Murs :
- béton
- calcaire
- fer
- béton armé
- moellon
- pan de fer
- enduit
- enduit
- essentage de tôle
Toit :
- tuile mécanique
- tuile plate
Etages :
- 1 étage carré
- en rez-de-chaussée
- étage en surcroît
- étage de soubassement
Couvrement :
- charpente métallique apparente
Energie utilisée :
- énergie hydraulique produite sur place
- turbine hydraulique
- énergie thermique produite sur place
- énergie électrique achetée
Source(s) documentaire(s)
-
F 14/4346 Usines métallurgiques. Maintenue en activité de l'usine à fer dite de Bourguignon appartenant à la société anonyme des forges d'Audincourt. Dossiers 28 (1855-1861)
Archives nationales, Paris : F 14/4346 Usines métallurgiques. Maintenue en activité de l'usine à fer dite de Bourguignon appartenant à la société anonyme des forges d'Audincourt. Dossiers 28 (1855-1861)Lieu de conservation : Archives nationales, Paris - Cote du document : F 14/4346 -
3 P 83/2 Matrice des propriétés bâties XIXe siècle
Matrice des propriétés bâties 19e siècleLieu de conservation : Archives départementales du Doubs, Besançon - Cote du document : 3 P 83/2 -
3 P 83/3 Matrice des propriétés bâties (1882-1910)
Matrice des propriétés bâties (1882-1910)Lieu de conservation : Archives départementales du Doubs, Besançon - Cote du document : 3 P 83/3 -
3 P 83/5 Matrice des propriétés bâties (1911-1939)
Matrice des propriétés bâties (1911-1939)Lieu de conservation : Archives départementales du Doubs, Besançon - Cote du document : 3 P 83/5 -
7 E 1404 Titres de famille (1744)
Archives départementales du Doubs, Besançon, 7 E 1404 Titres de famille (1744)Lieu de conservation : Archives départementales du Doubs, Besançon - Cote du document : 7 E 1404 -
28 J 132 Forges d'Audincourt (1906)
Archives départementales du Doubs, Besançon, 28 J 132 Forges d'Audincourt (1906)Lieu de conservation : Archives départementales du Doubs, Besançon - Cote du document : 28 J 132 -
M 1643 Etablissements classés (1924)
Archives départementales du Doubs, Besançon, M 1643 Etablissements classés (1924)Lieu de conservation : Archives départementales du Doubs, Besançon - Cote du document : M 1643 -
M 2378 Statistiques industrielles (1811-1812)
Archives départementales du Doubs, Besançon, M 2378 Statistiques industrielles (1811-1812)Lieu de conservation : Archives départementales du Doubs, Besançon - Cote du document : M 2378 -
Sp 757 Fonds des Ponts et Chaussées. Usines (1846-1856)
Archives départementales du Doubs, Besançon, Sp 757 Fonds des Ponts et Chaussées. Usines (1846-1856)Lieu de conservation : Archives départementales du Doubs, Besançon - Cote du document : Sp 757 -
7 S 33 Cours d’eau et usines. Dossier communal (1851-1920)
Archives départementales du Doubs, Besançon, 7 S 33 Cours d’eau et usines. Dossier communal (1851-1920)Lieu de conservation : Archives départementales du Doubs, Besançon - Cote du document : 7 S 33 -
432 S 6 Appareils à vapeur. Déclarations (1846)
Archives départementales du Doubs, Besançon, 432 S 6 Appareils à vapeur. Déclarations (1846)Lieu de conservation : Archives départementales du Doubs, Besançon - Cote du document : 432 S 6
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Usine de Bourguignon
Usine de Bourguignon. Carte postale, s.n., s.d. [fin 19e ou début 20e siècle]Lieu de conservation : Archives communales, Montbéliard - Cote du document : 20Fi1183 -
Pont-de-Roide. Forges de Bourguignon et l'Ecluse.
Pont-de-Roide. Forges de Bourguignon et l'Ecluse. Carte postale, A. Breger Frères, Paris, s.d. [fin 19e ou début 20e siècle]Lieu de conservation : Archives communales, Montbéliard - Cote du document : 20Fi1184 -
Environs du Pont-de-Roide. Bourguignon. L'usine Peugeot et la station électrique.
Environs du Pont-de-Roide. Bourguignon. L'usine Peugeot et la station électrique. Carte postale, éd. P. Laroche, Vuillafans, s.d. [début 20e siècle]Lieu de conservation : Archives communales, Montbéliard - Cote du document : 20Fi1182
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Annuaire du Doubs, 1821.
Annuaire statistique et historique du département du Doubs pour l'année 1821. - Besançon : Impr. Veuve Daclin, 1822. -
Baudouin, Gilbert. Un ensemble d’implantations industrielles : Pont-de-Roide (1789-1850), 1982.
Baudouin, Gilbert. Un ensemble d’implantations industrielles : Pont-de-Roide (1789-1850). Bulletin de la Société d'émulation de Montbéliard, n° 105 (1982). -
Bourgin, H.et G. L’industrie sidérurgique en France au début de la Révolution, 1920.
Bourgin, H.et G. L’industrie sidérurgique en France au début de la Révolution (1788). - Paris : Imprimerie nationale, 1920. -
Bourin, F. Cie des Forges d’Audincourt et dépendances. 1909.
Bourin, F. Cie des Forges d’Audincourt et dépendances - Notice historique rédigée par ordre du Conseil d’administration, 1909.Lieu de conservation : Archives départementales du Doubs, Besançon - Cote du document : 8 J 11 -
Microcentrales hydroélectriques, valorisation industrielle franc‐comtoise, 2009.
Microcentrales hydroélectriques, valorisation industrielle franc‐comtoise [Rapport du cabinet Reilé] / ARID (Association des Riverains Industriels du Doubs), 2009. -
Courtieu, Jean (dir.). Dictionnaire des communes du département du Doubs, 1982-1987.
Courtieu, Jean (dir.). Dictionnaire des communes du département du Doubs. - Besançon : Cêtre, 1982-1987. 6 t., 3566 p. : ill. ; 24 cm.
À voir
Informations complémentaires
Thématiques :
- patrimoine industriel du Doubs
Aire d’étude et canton :
Pays de Montbéliard (le)
Hydrographie :
dérivation du Doubs
Dénomination :
usine métallurgique, centrale hydroélectrique
Parties constituantes non étudiées :
- barrage
- vanne
- passerelle
- garage
- salle des machines
- machine énergétique
- logement d'ouvriers
- logement patronal
- atelier de fabrication
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