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USINE DE TAILLANDERIE BOBILLIER, PUIS ATELIER D'OUTILLAGE LES FILS DE GEORGES MARGUET PUIS MARGUET FRÈRES

25 - Les Gras

Le Dessus de la Fin - Dessus de la Fin - 6 rue le Dessus de la Fin

  • Dossier IA25001650 réalisé en 2016 revu en 2017
  • Auteur(s) : Laurent Poupard
Façade antérieure. © Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine

Historique


Réputée être le berceau de la famille Bobillier-Boebe (ou Bouèbe), la taillanderie Bobillier du Dessus de la Fin a été fondée en 1506, avec la permission du prieur de Morteau (acte du 11 novembre 1506, rappelé par deux autres du 8 septembre 1566 et du 20 juin 1607). Rebâtie en 1626, elle produit 250 à 300 t de quincaillerie en 1772 et 6 000 faux en 1797 (ce qui en fait la plus importante du val de Morteau derrière celle de Pierre Nicod, sa voisine), sous la direction de Pierre Bobillier (1731-1810). Son fils Etienne François (1758-1817), dit maître taillandier et négociant (qui sera maire des Gras en 1816), reconstruit en 1799 le bâtiment principal à usage d'habitation (et ferme). Ce dernier porte plusieurs dates : 1578 (avec les initiales PFB, certainement pour Pierre François Bobillier) au sud et 1658 (avec IHS) au nord, toutes deux sur des pierres semblant en remploi, et L'AN 7 - 1799 (avec les initiales EFB et un quatre de chiffre) sur le linteau de l'entrée. En 1812, l'établissement est principalement constitué par la forge, contigüe à l'habitation, contenant "trois feux et cinq petits martinets propres à tirer, élargir et finir les faulx, lesquels martinets se meuvent alternativement par un seul et même cilindre ou arbre à une roue ; une autre roue fait mouvoir les soufflets des trois fournaises". Le fer est tiré du Doubs et de Haute-Saône, l'acier d'Allemagne, le charbon de sapin et de hêtre ("environ cent vingt bannettes ou neuf cent soixante vans de forge" par an) du canton, de celui du Russey ou parfois de Suisse. Le ruisseau des Dreuves (un affluent du Théverot) étant principalement alimenté par la fonte des neiges, l'usine ne fonctionne que quatre mois par an. Outre un bassin de retenue, elle comporte un moulin à blé dans l'habitation et une scierie à proximité, sans compter les entrepôts à charbon. Elle est dessinée sur le plan cadastral de 1816 : maison (B 9), deux "charbonnières" (B 8 et 12), "forge et fabrique de faux" (B 11) et scierie (B 7). Elle passe aux deux fils d'Etienne François : Isidore (1799-1875), également fabricant de faux et maire (dans les années 1840), et Sylvain (1814-?), lesquels sont aussi propriétaires de la taillanderie de François Xavier Nicod (1754-1837), située juste en aval (A 58 bassin de retenue, 65 forge, fabrique de faux et entrepôt à charbon, 66 scierie et 67 entrepôt à charbon) et qui sera remplacée par la scierie Jacquet (détruite en 1986). En 1823, la fabrique emploie 4 t de fer fin, 1,5 t d'acier et 400 stères de bois pour produire 6 000 faux, avec 11 ouvriers. En 1834, alors qu'elle compte neuf ouvriers, ses quatre roues hydrauliques actionnent "un soufflet en bois à charnière en cuir" et cinq martinets, associés à quatre feux. Sylvain Bobillier semble devenir vers 1850 seul propriétaire du site qui, au chômage neuf mois dans l'année, réunit "fabrique de faulx, scierie à 2 lames et moulin (3 roues, 4 marteaux et 1 griffe)".
Les bâtiments passent vers 1873-1874 à Elie Tisserand (1834-1909), tourneur sur bois à Sur le Mont, frère d'Arsène Tisserand établi au 5 rue du Moulin (la famille Tisserand est originaire du Nid du Fol, où vit notamment Zéphyrin). Elie revend aussitôt certains bâtiments : la forge au fondeur Gustave Renaud, qui la remplace en 1875 par une maison (détruite par un incendie à la fin des années 1880), et l'entrepôt à charbon au sud-est à Louis Feuvrier qui, lui-aussi, vers 1886, la remplace par une habitation (reprise vers 1910 par Elie Nicolas, tourneur sur métaux - il fabrique des remontoirs pour montre et pendulette - comme son fils Georges). Tisserand modifie la maison et la vend vers 1884 à Elie Baron (1824-1886), qui avait repris avec ses frères Philimin et Aubin la chaudronnerie Bobillier des Saules. Passé vers 1892 à Louis Fraîchot (1847-?) puis ensuite à son fils Paul Virgile (1890-1966), le site est acquis vers 1925 par un cousin de ce dernier, Georges Marguet (1881-1953), fabricant d'outillage d'horlogerie (il est dit tourneur sur métaux et mécanicien), qui y installe son atelier (c'est certainement lui qui fait percer des fenêtres horlogères dans l'angle sud-est). A son compte depuis 1910, il réalise équilibres aux balanciers, tours à pivoter, compas aux engrenages (sa spécialité), compas à pompe, outils à détamponner, marteaux pour horloger, calibres de bijouterie, coupe-verre, etc. Trois de ses dix enfants travaillent avec lui : Emile (1912-1981), Raymond et Jean. Après son décès en 1953, Emile reprend l'atelier, poursuit le même type de fabrication et crée avec un autre frère, Roger (1917-1992), la société Les Fils de Georges Marguet. Roger prend la suite avec ses deux fils, Gérard (né en 1942) et Michel (1951-2006), au sein de la société Roger Marguet et Fils, qui se diversifie avec les outils pour bijoutiers, les briquets et la micromécanique. Gérard et Michel s'associent en 1982 au sein de la Sarl Marguet Frères et, ponctuellement aidés par deux ouvriers, produisent des marteaux d'horlogers (5 à 6 000 pièces par an, déclinées en cinq modèles et exportées pour plus de la moitié vers la Suisse, l'Allemagne, l'Angleterre et les USA) ; ils font aussi de la mécanique générale et du prototypage. L'affaire disparaît en 2005 et le fonds de commerce est vendu à la société Moyse Outillage (1-5 rue des Jardins). Le bâtiment accueille maintenant deux logements.
Période(s)
Principale :
  • 4e quart 18e siècle
Date(s)
1578 : porte la date
1658 : porte la date
1799 : porte la date

Description


Le bâtiment a des murs en moellons calcaires, avec enduit partiel, et en pierres de taille de grand appareil. Le pignon occidental est, à l'étage de comble, protégé par un essentage de planches formant lambrichure, avec rang-pendu et galerie ouverte, tandis que le pignon oriental fait appel à un essentage de tavaillons (bardeaux). En rez-de-chaussée, la construction comporte un sous-sol partiel voûté en berceau plein cintre, un étage en surcroît et un étage de comble, desservis par des escaliers dans-oeuvre droits ; l'étage de comble (ancienne grange) est accessible de plain-pied à l'est. Des fenêtres horlogères sont visibles en façade et sur le mur gouttereau sud (vers l'angle sud-est), où se trouvait l'atelier Marguet (et autrefois le coursier et les roues hydrauliques). Le toit est à longs pans, pignons couverts et tôles ondulées.
Toit :
  • tôle ondulée
Etages :
  • sous-sol
  • en rez-de-chaussée
  • étage en surcroît
  • étage de comble
Elévation :
  • élévation à travées
Escalier :
  • escalier dans-oeuvre, escalier droit,
  • escalier isolé, escalier droit, en maçonnerie
Typologie :
  • baie horlogère
Décors :
  • sculpture
Energie utilisée :
  • énergie hydraulique produite sur place

Source(s) documentaire(s)

  • 3 P 298 Cadastre de la commune des Gras, 1814-1967
    3 P 298 Cadastre de la commune des Gras, 1814-1967
    - 3 P 298 : Atlas parcellaire (11 feuilles), dessin (plume, lavis), par les géomètres du cadastre Vergne et Garcin, 1816
    - 3 P 298/1 : Registre des états de sections (1816-1818)
    - 3 P 298/2, 5 : Matrice cadastrale des propriétés bâties et non bâties, 1822-1875
    - 3 P 298/3-4 : Matrice cadastrale des propriétés bâties et non bâties, 1876-1914
    - 3 P 298/6 : Matrice cadastrale des propriétés bâties, 1882-1910
    - 3 P 298/7 : Matrice cadastrale des propriétés non bâties, 1914-1967
    - 3 P 298/8 : Matrice cadastrale des propriétés bâties, 1911-1967
    Lieu de conservation : Archives départementales du Doubs, Besançon - Cote du document : 3 P 298
  • 307 O 13 Administration communale. Les Gras. Affaires diverses (1812-1931)
    307 O 13 Administration communale. Les Gras. Affaires diverses (1812-1931)
    Lieu de conservation : Archives départementales du Doubs, Besançon - Cote du document : 307 O 13
  • Statistique de l'utilisation de la force motrice des eaux, 1851
    Statistique de l'utilisation de la force motrice des eaux. In Annuaire départemental du Doubs pour 1852, 40e année, 1851, p. 103-158.
  • Les sites pittoresques de Franche-Comté. 853. - Route de Pontarlier à Morteau. - Les Gras (Doubs). Le Dessus de la Fin et le "Pain de Sucre", 1er quart 20e siècle
    Les sites pittoresques de Franche-Comté. 853. - Route de Pontarlier à Morteau. - Les Gras (Doubs). Le Dessus de la Fin et le "Pain de Sucre", carte postale, s.n., s.d. [1er quart 20e siècle], Phototypie artistique de l'Est C. Lardier à Besançon.
    Lieu de conservation : Collection particulière : Elisabeth Bonnet, Les Gras
  • Les sites pittoresques de Franche-Comté. Route de Pontarlier à Morteau. - Les Gras (Doubs). Le Dessus de la Fin et les Saules, 1er quart 20e siècle
    Les sites pittoresques de Franche-Comté. Route de Pontarlier à Morteau. - Les Gras (Doubs). Le Dessus de la Fin et les Saules, carte postale, s.n., s.d. [1er quart 20e siècle], Phototypie artistique de l'Est C. Lardier à Besançon.
    Lieu de conservation : Collection particulière : Elisabeth Bonnet, Les Gras
  • 393. - Les Gras. - Le dessus de la Fin et le Pain de Sucre, 1er quart 20e siècle
    393. - Les Gras. - Le dessus de la Fin et le Pain de Sucre, carte postale, s.n., s.d. [1er quart 20e siècle], Farine Frères éd. à Morteau.
    Lieu de conservation : Collection particulière : Elisabeth Bonnet, Les Gras
  • Guichard, Jean-Marie. Recherches généalogiques
    Guichard, Jean-Marie. Recherches généalogiques. Accessibles en ligne sur le site de Geneanet : http://gw.geneanet.org/
  • Belmont, Henry-Louis. La montre : méthodes & outillages de fabrication du XVIe au XIXe siècle : de la naissance de la montre à la période proto-industrielle, 1991
    Belmont, Henry-Louis. La montre : méthodes & outillages de fabrication du XVIe au 19e siècle : de la naissance de la montre à la période proto-industrielle. - Besançon : Cêtre, 1991. 199 p. : ill. ; 28 cm
  • Courtieu, Jean (dir.). Dictionnaire des communes du département du Doubs, 1982-1987.
    Courtieu, Jean (dir.). Dictionnaire des communes du département du Doubs. - Besançon : Cêtre, 1982-1987. 6 t., 3566 p. : ill. ; 24 cm.
  • Garneret, Jean. Le martinet et la faux en Franche-Comté, 1960.
    Garneret, Jean. Le martinet et la faux en Franche-Comté. Actes du colloque sur l'artisanat (Besançon, 10-12 juin 1960). - Annales littéraires de l'Université de Besançon, vol. 45, Les Belles Lettres, 1961, p. 67-85
  • Garneret, Jean ; Bourgin, Pierre ; Guillaume, Bernard. La Maison du montagnon, 1980
    Garneret, Jean ; Bourgin, Pierre ; Guillaume, Bernard. La Maison du montagnon. - Besançon : Folklore comtois, 1980. 4-558 p. : ill. ; 30 cm. (Les maisons paysannes en Franche-Comté ; 1)
  • Laithier, René. Fabricants d’outils pour horlogers bijoutiers de la commune des Gras. Les artisans de la fin du 19e à la fin du 20e siècle, 1990
    Laithier, René. Fabricants d’outils pour horlogers bijoutiers de la commune des Gras. Les artisans de la fin du 19e à la fin du 20e siècle. - 1990. 4 f. dactyl. Porte la mention : "Liste non exhaustive établie en 1990, par René Laithier, les Epaisses, Les Gras".
    Lieu de conservation : Collection particulière : Rémy Cerf, Les Gras
  • Vegliante, Gianfranca. L’artisanat dans le canton de Morteau au XIXe siècle, 1976
    Vegliante, Gianfranca. L’artisanat dans le canton de Morteau au 19e siècle. – Besançon : Faculté des Lettres, 1976. 164 f. dactyl. ; 30 cm. Mém. Maîtrise : Histoire : Besançon : 1976.
  • Vuillet, Bernard. La vie dans le val de Morteau entre 1750 et 1800, 1975
    Vuillet, Bernard. La vie dans le val de Morteau entre 1750 et 1800. - [S.l.] : [s.n.], 1975. 2 vol. (421 p.) : ill. ; 30 cm. Th. : Paris, Ecole des Chartes, 1975.
  • Marguet Gérard (témoignage oral)
    Marguet Gérard, fils de Roger, ancien dirigeant de la société. Les Gras
  • Petitjean Guy (témoignage oral)
    Petitjean Guy, ancien propriétaire de la maison Georges Vernier, commerce de fournitures et outils d'horlogerie. Les Gras
  • Tisserand Roger (témoignage oral)
    Tisserand Roger, fils d'Arsène Tisserand, ancien agriculteur. Les Gras

Informations complémentaires


Sur le plan cadastral de 1816, plusieurs bâtiments sont représentés, au Dessus de la Fin, entre la route de Grand’Combe-Châteleu et le Théverot : d’amont en aval, l’écurie (cadastrée A 62) de Jean-Louis Bonnet et sa maison (A 64, démolie en 1852) puis la taillanderie de François Xavier Nicod (Pierre François Xavier, 1754-1837), consistant en un bâtiment (A 65 forge) à usage de « fabrique de faulx, charbonnière et aisance », une scierie (A 66) et une « charbonnière » (A 67), sans oublier le bassin de retenue (« écluse A 58 ») et des terrains en nature de rocher (A 57), pré (A 59 et 60) et jardin (A 68 et 73).
Quatre corps de bâtiments sont aussi dessinés à l’ouest de la route : un hangar (A 61) et une maison (A 63) appartenant au curé de Mamirolle Pierre François Thomas (descendant des Bobillier par sa mère), ainsi que la maison (A 71) et un autre hangar (A 70) propriétés de Philippe Bobillier père, exploitant une chaudronnerie en aval sur le Théverot.

S’inscrivant dans la lignée de ces fabriques de faux et faucilles implantées dans le val de Morteau au 16e siècle, la taillanderie Nicod est exploitée dès 1750 au moins. Elle est de nouveau acensée le 31 mars 1768 par le prieur de Morteau aux Nicod, famille de taillandiers présente du 17e au 19e siècle dans une quinzaine de villages du Haut-Doubs. Le premier forgeron connu de cette lignée semble être Claude Nicod, signalé vers 1650 à La Longeville, dont les descendants s’installeront à Maison-du-Bois (exploitant la plus importante taillanderie du département au milieu du 19e siècle), Montbenoît, Vuillafans, Syam, aux Gras, à Malbuisson, Métabief, Loray, Plaimbois-du-Miroir, au Russey, etc.
Signalée dans un inventaire des forges à martinet en 1772, la taillanderie des Gras est alors dirigée par Pierre François Nicod (1729-1810), le père de François Xavier, et produit annuellement 300 à 350 t de quincaillerie. Le même inventaire fait état de la forge de Pierre Bobillier (1731-1810), beau-frère de Pierre François Nicod, laquelle est implantée juste en amont et réalise, elle, 250 à 300 t de quincaillerie. Ce sont en 1797 les deux plus importantes taillanderies de la commune, produisant la première 12 000 faux par an et la deuxième (alors tenue par le fils de Pierre, Etienne-François Bobillier) 6 000 faux par an. Notons qu’une autre branche de la grande famille Bobillier exploite en 1812 « deux martinets à forger le cuivre », soit deux chaudronneries : celle (A 49 et A 50) bâtie en 1809 par Philippe Emmanuel (vers 1763-1834) juste en aval, aux Saules, et celle (A 42, future scierie Garnache) plus en aval encore, aux mains de son père Philippe (1731-1820).

Dans sa demande en autorisation de maintien en activité de son établissement, en date du 27 août 1812, Pierre François Nicod précise :
« 1° Le fer et l’acier propres à la fabrication des faux et autres instrumens aratoires en fait de taillanderie, sont les seules substances qui sont traitées dans l’usine de l’impétrant.
2° Cette usine consiste en un seul bâtiment ne faisant qu’un avec celui d’habitation, et où se trouvent établis trois feux, et cinq petits martinets propres à tirer, élargir et finir les faux ; lesquels martinets se meuvent alternativement et à volonté, par un seul et même cylindre, ou arbre à une roue ; deux autres roues font mouvoir les soufflets de trois fournaises.
3° Le fer et l’acier qui sont les seules matières à traiter, se tirent, savoir : le fer des forges des Départements du Doubs et de la Haute-Saône, et l’acier vient de l’Allemagne par la voie du commerce.
4° Le charbon de sapin et de hêtre est le combustible que l’on consomme dans l’usine, il en faut annuellement environ cent à cent vingt bannettes, ou neuf cent soixante vans de forge : ce charbon provient environ un tiers des forêts appartenantes propriétairement à l’impétrant dans le canton de Morteau, et les deux autres tiers sont achetés en plus grande partie des particuliers de la Principauté de Neuchâtel.
5° Comme l’usine ne roule que par le moyen de l’eau du ruisseau des Gras, et du bief de la Dreuve, dont le confluant est au dessus et très-proche de l’usine, et qui ne sont l’un et l’autre alimentés en grande partie que par la fonte des neiges ; cette usine n’est roulante qu’environ quatre mois de l’année, à diverses reprises, sur tout encore en raison du peu de pente qu’offre le court espace de terrain qui sépare cette usine de l’usine supérieure.
6° Enfin, dans le même bâtiment il existe un moulin à blé, et plus bas au joignant une scierie, qui sont l’un et l’autre mus par les mêmes eaux retenues dans un étang, et qui ont été établis en vertu des permissions renfermées et rappelées dans l’acte sus-énoncé. »

Le maire des Gras, Philippe Emmanuel Bobillier, indique dans un état de 1823 que la fabrique de faux de François Xavier Nicod consomme annuellement 5,5 t de "fer fin taillandier en barres" des forges de la Ferrière-sous-Jougne (commune de Jougne), 2 t d’acier "à 3 points véritable ancienne fabrique de Styrie" (Autriche) et 600 stères de bois de sapin pour fabriquer 8 000 faux (dont 2 000 pour l’exportation). Elle emploie 15 personnes, dont deux bûcherons et un charbonnier, et le coût de la main-d’œuvre entre pour 0,60 à 0,75 F dans le prix d’une faux, vendue entre 2,40 F et 3 F. Elle se voit récompenser par une médaille de bronze en 1825.
La propriété de François Xavier passe vers 1828 à son fils Pierre François (1787-1846). En 1834-1835, sa production est toujours de 8 000 faux avec 11 ouvriers.

L’affaire est acquise une dizaine d’années plus tard, vers 1839, par les frères Bobillier : Isidore (François Isidore, 1799-1875), qui sera maire dans les années 1840, et Sylvain (1814-?). Tous deux sont les fils d’Etienne François Bobillier (1758-1817), maître taillandier et négociant (maire des Gras en 1816), qui exploitait la taillanderie juste en amont (au 6 rue le Dessus de la Fin : maison cadastrée B 9, deux « charbonnières » B 8 et B 12, « forge et fabrique de faux » B 11 et scierie B 7), elle-même tenue auparavant par son père Pierre (1731-1810) et fondée par leurs ancêtres en 1506. Cet établissement employait annuellement, en 1823, 4 t de fer fin, 1,5 t d’acier et 400 stères de bois pour produire 6 000 faux avec 11 personnes (par la suite, Isidore en fabriquera 6 000 avec 8 ouvriers).
Isidore et Sylvain Bobillier cèdent vers 1850 le site à Xavier Jacquot, qui semble démolir partiellement la forge et modifier la scierie avant de leur rétrocéder le tout vers 1860 (?).

Le site est acquis vers 1876 par Narcisse Jacquet (1842-1902), qui développe la scierie et la dote d’un chantier au bois. Vers 1896, il transforme le bâtiment de la forge ou le remplace par un autre à usage de scierie et d’habitation (seul à subsister en 1969). L’établissement est repris par son fils, Laurent (1884-1938), puis par les enfants de ce dernier Narcisse et Pierre. Fermé en 1956 et laissé à l’abandon, il est détruit en 1986.


Sources et bibliographie
Archives départementales du Doubs :
- 3 P 298 Cadastre de la commune des Gras, 1814-1967
- 7 S 55 Cours d'eau et usines. Régime des eaux. Moulins-usines (1805-1919)

Garneret, Jean. Le martinet et la faux en Franche-Comté. Actes du colloque sur l'artisanat (Besançon, 10-12 juin 1960). - Annales littéraires de l'Université de Besançon, vol. 45, Les Belles Lettres, 1961, p. 67-85.
Guichard, Jean-Marie. Recherches généalogiques (accessibles en ligne sur le site de Geneanet : http://gw.geneanet.org/). Familles Bobillier, Jacquet et Nicod, aux Gras (consultation : 10 avril 2017)
Monneret, Christian. Recherches généalogiques (accessibles en ligne sur le site de Geneanet : http://gw.geneanet.org/). Famille Jacquot, aux Gras (consultation : 10 avril 2017)
Vegliante, Gianfranca. L’artisanat dans le canton de Morteau au XIXe siècle. – Besançon : Faculté des Lettres, 1976. 164 f. dactyl. ; 30 cm. Mém. Maîtrise : Histoire : Besançon : 1976.

Drezet Jean-Marie (témoignage oral), 13 avril 2017
Thématiques :
  • patrimoine industriel du Doubs
Aire d’étude et canton : Pays horloger (le)
Complément de localisation :
  • anciennement région de Franche-Comté
Hydrographie : affluent du Théverot, ruisseau des Dreuves
Dénomination : usine de taillanderie, atelier
Parties constituantes non étudiées :
  • atelier de fabrication
  • logement
  • étable
  • grange
  • bassin de retenue
  • escalier indépendant
  • mur de soutènement
Carte interactive
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