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L'ARCHITECTURE LIÉE À L'EAU À JUSSEY

70 - Jussey

La Lanterne - Adolphe-Thiers - rue Adolphe-Thiers, rue du Parlement, rue Léon-Gambetta, rue Charles-Bontemps, rue du Bac, rue de la Pêcherie, avenue de la Gare, rue de l' Hôtel-de-Ville, rue Charles-Rech, rue Decaen, rue de l' Aître, rue de la Libération

  • Dossier IA70001235 réalisé en 2019 revu en 2025
  • Auteur(s) : Philippe Mairot, Nicolas Boffy
L'architecture liée à l'eau à Jussey

Présentation

L'eau et les fontaines jusqu'au début du 19e siècle

Peu de vestiges de fontaines anciennes sont conservés (fontaine dite de la Croix dans la rue Gambetta, disparue). Au 18e siècle, de nombreux travaux sont entrepris sur les fontaines. En 1736, le conseil municipal décide d'en installer une nouvelle à côté de l'église, contre le mur du cimetière qui se trouvait encore sur l'actuelle place de la République, et en 1742, deux nouvelles fontaines sont réalisées, sur lesquelles on ignore tout (292 E dépôt 111). Dans les années 1740 et 1770, de nouvelles sources sont recherchées, un réservoir est construit devant la boucherie (dans la rue Thiers), et l'ingénieur des ponts et chaussées Augustin Thiery conçoit deux nouvelles fontaines en 1770 (292 E dépôt 16 et 116). On ne sait rien de ces travaux et la fontaine de la Jacquemotte est peut-être la seule qui existe encore dans son état de la fin du 18e siècle ou du début du 19e. La fontaine située sur l'actuelle place de la République est reconstruite en 1812 (archives de l'hôtel de ville). Le pont sur la Mance doit être aussi signalé : si un ensemble d'une vingtaine d'arches est construit autour de 1610, un pont unique est construit en 1785-1787, encore en activité (C 576).

Les travaux des années 1830-1840

Au 19e siècle, les fontaines monumentales, bornes-fontaines, lavoirs et abreuvoirs acquièrent progressivement leur physionomie actuelle. Tout d'abord, la fontaine des Rois est reconstruite en 1833. Mais c'est au conseil municipal du 10 mai 1840 que la ville décide de lancer des travaux pour réparer les fontaines et lavoirs (292 E dépôt 178). L'architecte Claude Loiselot sera chargé principalement de ce travail. L'abreuvoir-fontaine à l'entrée du cimetière de la rue Bontemps est construit en 1839, et un lavoir, disparu, en 1840 contre l'école des filles (disparue également), à l'arrière des maisons entre les rues de l'hôtel de ville et Gambetta actuelles. D'autres lavoirs sont construits plus tard, un "au bas de la ville" en 1840 (détruit), sans doute celui de la place Beljeux, celui dit du Trou en 1843 et un autre devant le cimetière en 1865. La fontaine de la place Beljeux est reconstruite en 1849 et reçoit une statue en fonte de Marianne, allégorie de la République, devenue depuis un véritable symbole de la ville de Jussey. Enfin, en 1863, en vue d'assainir la ville, un canal-égout est construit dans l'actuelle rue Bontemps, du cimetière jusqu'à l'église.

Les travaux de 1868-1872

Une grande partie des autres fontaines et lavoirs sont construits à la faveur d'un gros investissement réalisé par la ville (3 O 302-1). Le conseil municipal prend acte en 1866 que l'approvisionnement en eau des fontaines, lavoirs et abreuvoirs laisse à désirer, tout autant que leur aspect ornemental, et décide donc de prendre le problème à la racine. Un ambitieux plan d'adduction et de distribution de l'eau est établi par l'architecte Charles Dodelier. Les canalisations serviront en même temps d'égout, sans bien sûr mélanger les eaux. L'architecte prévoit une nouvelle captation de la source des Capucins, qui coule en descendant l'actuelle rue Bontemps. La localisation exacte de la source n'est jamais mieux précisée que "faubourg des Capucins". Au vu de la distance qui la sépare de l'église (270 mètres), on peut estimer qu'elle se situe à peu près à l'entrée du cimetière. Un réservoir est construit pour en recueillir les eaux, qui empruntent le chemin du canal construit en 1863. L'eau est ensuite distribuée à dix bornes-fontaines régulièrement espacées sur le parcours des canalisations et surtout à des lavoirs, abreuvoirs et fontaines monumentales. Une autre source, dite de Beljeux (située à un endroit non spécifié des hauteurs de Jussey), continue d'alimenter la fontaine du même nom et se voit dérivée dans la rue du Parlement pour alimenter un nouveau lavoir-abreuvoir au croisement des rues de l'Aître et du Parlement. Si la conception des fontaines et des lavoirs était restée jusque-là modeste sur le plan architectural, le conseil municipal désire vraisemblablement émuler d'autres villes et villages du département qui s'étaient dotés dans le même temps d'équipements parfois remarquables (Grisel, 2022). La hauteur de la source des Capucins étant suffisante, la mairie souhaite doter la ville de fontaines à vasques superposées et jets. Ces travaux sont estimés à 43 468 francs (dont 10 000 pour l'ornementation des fontaines) et doivent être financés par les comptes positifs de la ville et un emprunt de 32 000 francs. Les plans, légèrement revus par l'ingénieur des ponts et chaussées, sont approuvés par la préfecture le 4 décembre 1868.
Le 23 décembre 1868, les travaux de captation de la source des Capucins et de réalisation des canalisations en fonte sont adjudiqués à Jahiet, Gorand, Lamotte et cie (maîtres de forge à Paris). Les travaux, entamés au début de 1869, sont ralentis par la décision du conseil municipal d'augmenter le diamètre des tuyaux et de reconstruire le canal de 1863, trop fragile. Ce canal est prolongé en 1870 dans la rue Gambetta, puis par la rue de l'hospice jusqu'à la Mance. Un autre canal recueillant les eaux de la source de la minière (coulant sur les pentes du mont Simon) est construit pour alimenter la rue Thiers et la rue de l'hôtel de ville. La marche des travaux avançant, Dodelier propose à la demande du conseil municipal (délibérations des 3 octobre 1869 et 2 janvier 1870) de recourir à des modèles de fonte vendus par la maison Ducel à Paris pour l'aménagement des fontaines, les crédits alloués par la ville ne permettant pas de réaliser des fontaines en pierre sculptées tout exprès. Les fontaines monumentales, bornes-fontaines, abreuvoirs et lavoirs sont livrés progressivement entre 1869 et 1872 : fontaine de la place de l'Église (dont la statue a été ensuite déplacée sur la fontaine des Rois), des Anges, de Cérès, du Lion et de Mircine. Les abreuvoirs sont multipliés en raison de la quantité de bétail qui se trouve à Jussey. Celui qui est installé au croisement des rues de l'Aître et du Parlement date de 1870. Les travaux sont menés à leur terme par Dodelier le 30 janvier 1872, date de réception provisoire. Des malfaçons ayant été découvertes, des améliorations doivent encore être apportées par la société adjudicataire jusqu'en 1875, date de réception définitive. Une somme globale de 69 594 francs a été déboursée pour ces travaux.

L'eau à Jussey au 20e siècle

Ces travaux sont encore poursuivis au 20e siècle. Cela commence avec le lavoir du lieu-dit la gare (1904). Des bains-douches sont construits à l'angle du champ de foire, contre la mairie : leur conception est prévue dès 1928 et leur construction a lieu en 1931, sur les plans d'Auguste Petitguillaume, architecte à Saint-Loup-sur-Semouse (3 O 302-2). Ils ont été détruits depuis.
Dès le 10 septembre 1930, la Ville est saisie par les habitants et le groupement des commerçants pour installer l'eau courante à Jussey. En mai 1935, le conseil municipal crée une commission spécialement chargée d’étudier cette question et confie en septembre de la même année au cabinet d'ingénieurs de Marc Merlin (6 rue Grôlée à Lyon) "l’étude et la direction des travaux du projet, sur les bases définies dans l’avant-projet présenté par ces ingénieurs". En décembre 1937, l'État ayant accordé une subvention de 60% du montant des travaux, le conseil municipal réalise un emprunt (augmenté ensuite plusieurs fois) pour financer ce grand projet et passe un marché de gré à gré avec l'entrepreneur Ernest Cilia de Vesoul, l'adjudication s'étant révélée infructueuse. En juillet 1938, la Ville peut songer à installer des compteurs d’eau potable pour les habitants : Marc Merlin prépare le règlement des abonnements et la société anonyme Vincent frères de Haguenau exécute les travaux de distribution de l'eau. C'est dans ce contexte que sont construits le bâtiment des eaux de la rue du bac et le château d'eau du lieu dit La Lanterne. En novembre sont lancés des appels d'offre pour l'équipement de la station de pompage (électricité, mécanique, déferrisation et stérilisation de l’eau). Deux marchés sont passés de gré à gré : équipement électrique avec la Société d’intérêt collectif agricole d’électricité de Ray-Cendrecourt (115 400 francs) et l’équipement mécanique avec les Entreprises électriques du centre à Dijon (310 000 francs). En 1939, 480 branchements sont réalisés dans Jussey. Le 20 septembre 1941, le conseil municipal considère que, l'ensemble des travaux étant achevés, il peut procéder à leur règlement définitif, même si des travaux complémentaires indispensables doivent encore être réalisés (archives de l'hôtel de ville et 3 O 302-1).

Historique


Les nombreuses sources du territoire communal expliquent sans doute la fondation de la commune dans le vallon. Quelques vestiges des 17e et 18e siècles sont conservés (fontaine dite de la Croix du 17e siècle, fontaine de la Jacquemotte du 18e siècle), mais c'est dans les années 1830-1840 que des lavoirs et des fontaines parsèment le territoire, avec des lavoirs assez sommaires (abreuvoir-fontaine à l'entrée du cimetière, celui de la place Beljeux, etc.) La fontaine de la place Beljeux, reconstruite en 1849, reçoit une statue en fonte de Marianne, allégorie de la République. De vastes travaux sont entrepris en 1868-1872 pour procurer à Jussey une meilleure alimentation en eau et une véritable parure de fontaines, de lavoirs, d'abreuvoirs et de bornes-fontaines. L'architecte Charles Dodelier conçoit ce vaste projet, que réalise l'association de Jahiet, Gorand, Lamotte et cie. Des statues de fonte sont commandées à la maison Ducel à Paris. Voient ainsi le jour les fontaines et lavoirs de la place de l'Église (devenue fontaine des Rois), des Anges, de Cérès, du Lion et de Mircine. Les travaux sont achevés en 1872. Ces travaux sont encore poursuivis au 20e siècle, avec le lavoir du lieu-dit la gare (1904). En 1941, l'eau courante est en fonctionnement grâce au cabinet de l'ingénieur Marc Merlin à Lyon. C'est dans ce contexte que sont construits le bâtiment des eaux de la rue du bac et le château d'eau du lieu dit La Lanterne.
Période(s)
Principale :
  • 2e quart 19e siècle
  • 3e quart 19e siècle
  • 2e quart 20e siècle
Secondaire :
  • 18e siècle (?)
Auteur(s) & personnalité(s)

Martin, Jean-Baptiste : ingénieur architecte à Besançon au début du 19e siècle. A travaillé à des projets d'aménagement de théâtres parisiens auprès des architectes Debret et Duban, et a obtenu en 1836 le 2e prix du concours pour la construction de celui du Mans. Auteur des théâtres de Dole et de Gray.

Date de naissance : 30 juin 1816 - date de décès : 1er mars 1882

Claude-François-Charles Dodelier, fils de Jacques Dodelier, arpenteur-géomètre. Il s'installe en tant qu'architecte à Vesoul (Haute-Saône) après avoir étudié à l’École centrale des arts et manufactures. Il sera membre de la Société d’agriculture, lettres, sciences et arts de la Haute-Saône (SALSA), fondée en 1801.

Petitguillaume, Auguste (19e-20e siècles). Architecte-expert à Saint-Loup-sur-Semouse (Haute-Saône).

Arrivé en poste à Vesoul en 1749, Jean-Baptiste Thiery, sous-ingénieur des Ponts et Chaussées, est l'auteur de la caserne construite à Faverney en 1754.

Jean-Jacques Ducel, maître de forge, 26 fbg Poissonnière à Paris, usine à Pocé-sur-Cisse en Indre-et-Loire en fonction de 1810-1878. 19e siècle.

Date de naissance : 18/08/1799 - date de décès : 30/07/1845

Loiselot, Claude (1799-1845). Architecte à Montigny-lès-Cherlieu.

Jasseron, Camille (19e siècle). Architecte ayant exercé en Haute-Saône.

Date de naissance : 1889 - date de décès : 1954

Merlin, Marc (1889-1954). Ingénieur lyonnais. Réalise des études à l’École centrale lyonnaise de 1905 à 1908 et se spécialise dans l'adduction et la distribution d'eau. En 1922, il fonde un cabinet avec F. Dayde (Dayde et Merlin) et en prend seul la direction à partir de 1935. Merlin est fait chevalier de la légion d'Honneur en 1936. Les travaux portés par son cabinet et ses succursales sont nombreux : pour l'adduction en eau de villes (Lyon, Villeurbanne, Nîmes, Cannes, Dijon, Mâcon, Langres, Monaco...) et de communes rurales (plus de 400) ; pour l'assainissement (Nîmes, Dijon, Katowice...). Après sa mort, le cabinet perdure encore, dirigé par son fils Jean Merlin.

Description


Jussey compte encore sept bornes-fontaines en fonte, six fontaines isolées, cinq lavoirs, cinq abreuvoirs, au moins deux pompes, le bâtiment des eaux et le château d'eau. La pierre, le bois et la tuile en couverture sont les matériaux les plus employés dans les fontaines et les lavoirs jusséiens aux 18e et 19e siècles. La fonte reste majoritairement utilisée pour les bornes-fontaines, les sculptures des fontaines commandées par Dodelier et les pompes que l'on rencontre occasionnellement devant les maisons.

Source(s) documentaire(s)

  • Archives départementales de la Haute-Saône : C 576. Route de Besançon à Nancy et de la Charité à Vezet. 1717-1788.
    Archives départementales de la Haute-Saône : C 576. Route de Besançon à Nancy et de la Charité à Vezet. 1717-1788.
    Lieu de conservation : Archives départementales de la Haute-Saône, Vesoul - Cote du document : C 576
  • Archives départementales de la Haute-Saône : 292 E dépôt 16. Délibérations du conseil municipal de Jussey. 1766-1781.
    Archives départementales de la Haute-Saône : 292 E dépôt 16. Délibérations du conseil municipal de Jussey. 1766-1781.
    Lieu de conservation : Archives départementales de la Haute-Saône, Vesoul - Cote du document : 292 E dépôt 16
  • Archives départementales de la Haute-Saône : 292 E dépôt 111. Registre servant à la transcription des marchés contractés par la ville. 1735-1751.
    Archives départementales de la Haute-Saône : 292 E dépôt 111. Registre servant à la transcription des marchés contractés par la ville. 1735-1751.
    Lieu de conservation : Archives départementales de la Haute-Saône, Vesoul - Cote du document : 292 E dépôt 111
  • Archives départementales de la Haute-Saône : 292 E dépôt 116. Travaux communaux. 1740-1818.
    Archives départementales de la Haute-Saône : 292 E dépôt 116. Travaux communaux, propriétés communales, fontaines, aqueducs, etc. 1684-1782.
    Lieu de conservation : Archives départementales de la Haute-Saône, Vesoul - Cote du document : 292 E dépôt 116
  • Archives départementales de la Haute-Saône : 292 E dépôt 178. Délibérations du conseil municipal de Jussey. 1839-1851.
    Archives départementales de la Haute-Saône : 292 E dépôt 178. Conseil municipal de Jussey : délibérations (février 1839-août 1851). 1839-1851.
    Lieu de conservation : Archives départementales de la Haute-Saône, Vesoul - Cote du document : 292 E dépôt 178
  • Archives départementales de la Haute-Saône : 3 O 302-1. Travaux communaux de Jussey. 1812-1868.
    Archives départementales de la Haute-Saône : 3 O 302-1. Travaux communaux de Jussey. 1812-1868.
    Lieu de conservation : Archives départementales de la Haute-Saône, Vesoul - Cote du document : 3 O 302-1
  • Archives départementales de la Haute-Saône : 3 O 302-2. Travaux communaux de Jussey. 1874-1939.
    Archives départementales de la Haute-Saône : 3 O 302-2. Travaux communaux de Jussey. 1874-1939.
    Lieu de conservation : Archives départementales de la Haute-Saône, Vesoul - Cote du document : 3 O 302-2
  • Archives départementales de la Haute-Saône : 3 O 302-3. Plans des fontaines de Jussey. 1866-1870.
    Archives départementales de la Haute-Saône : 3 O 302-3. Plans des fontaines de Jussey. 1866-1870. Les plans sont tous de l'architecte Dodelier.
    Lieu de conservation : Archives départementales de la Haute-Saône, Vesoul - Cote du document : 3 O 302-3
  • Hôtel de ville, Jussey. Travaux aux écoles et fontaines. 1822-1920.
    Hôtel de ville, Jussey : travaux aux écoles et fontaines. 1822-1920 [les dates sont plus étendues que ce qui est noté sur la boîte].
    Lieu de conservation : Hôtel de ville, Jussey
  • Hôtel de ville, Jussey. Registre des délibérations municipales. 1924-1951.
    Hôtel de ville, Jussey. Registre des délibérations municipales. 29 novembre 1924-12 avril 1951.
    Lieu de conservation : Hôtel de ville, Jussey
  • Boisnard, Patrick, Dossier de protection de la fontaine de Marianne à Jussey. 2000.
    Boisnard, Patrick, Dossier de protection de la fontaine de Marianne à Jussey. 2000.
    Lieu de conservation : Conservation régionale des Monuments historiques, Besançon
  • Grisel, Denis. Les fontaines-lavoirs en Haute-Saône au XIXe siècle. 1982.
    Grisel, Denis. Les fontaines-lavoirs en Haute-Saône au 19e siècle. Monuments historiques, 1982, n° 122 , p. 11-17.
  • Grisel, Denis. Fontaines-lavoirs de Franche-Comté. 2022.
    Grisel, Denis. Fontaines-lavoirs de Franche-Comté. Lons-le-Saunier : Mêta Jura, 2022, 128 p. ISBN 978-2-9559245-6-3.

Informations complémentaires

Thématiques :
  • val de Saône
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