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FORGES DE LODS, ACTUELLEMENT CENTRALE HYDROÉLECTRIQUE

25 - Lods

chemin des Forges

  • Dossier IA00014536 réalisé en 2015 revu en 2016
  • Auteur(s) : Raphaël Favereaux, Liliane Hamelin
Turbine double. Vue de côté. © Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine

Historique


Un martinet est attesté en 1544 à Lods, mais aurait été détruit pendant la Guerre de Dix ans. Une petite taillanderie appartenant à Claude Bailly est mentionnée en 1757, spécialisée dans la fabrication de faux et outils pour l'agriculture. L'établissement est acquis vers 1760 par la famille Fleur, Charles et ses fils Charles-Joseph et Noël, qui avait exploité auparavant les forges de Morvillars (IA90000047). C'est Noël, dit l'Aîné, qui y implante une forge et une filerie (tréfilerie) peu après. D'après l'enquête sur les forges françaises de 1772, elles produisent annuellement 75 tonnes de fer en barres et barreaux, et 50 tonnes de fil de fer. En 1788, l'usine est composée de deux feux (fabrication des fers) établis en 1781, d'un martinet et de trois feux, d'une clouterie à chaud, d'une fenderie, d'un cylindre à quatre cages et d'une clouterie à épingles ("8 aiguiseries").
Huit maisons sont également construites pour loger sur place les ouvriers. L’usine emploie une centaine d’ouvriers en 1778, et produit en 1785 250 tonnes de fil de fer, dont 100 tonnes sont transformées en clous. En 1787, le maître de forges et sa femme font édifier un oratoire à l’ouest de l’usine (IA00014567). Après la mort de Noël Fleur en 1792, sa femme (née Jeanne Marchand) acquiert l’usine métallurgique comme Bien national. Elle en reprend la direction, en s’associant à son cousin Jean Antoine Vautherin (remplacé par son fils Antoine François en 1810) et à son neveu Jacques Joseph Vuillier. L’usine se spécialise dans le tréfilage (36 grosseurs de fil). Elle est récompensée (médaille d'argent) aux Expositions des produits de l'industrie française de 1802, 1806 et 1819.
Au début du 19e siècle, la veuve Fleur équipe une chute sur la Loue 500 m en aval des forges, au lieu-dit Moulin-Neuf. Un bâtiment abritant un laminoir, une scierie et une ribe est construit sur la rive gauche du bief de dérivation, tandis qu’un moulin équipé de trois roues hydrauliques est bâti sur l’île, rive droite.
En 1813, l’usine métallurgique, dite du Haut pour la distinguer de celle de Moulin-Neuf, est mise en jeu par 16 roues hydrauliques. En 1816, la veuve Fleur fait construire, entre l’usine du Haut celle de Moulin-Neuf, une vaste habitation de 32 pièces, qualifiée de "château des forges". Le bureau et l’infirmerie sont installés au premier étage, et les familles Vautherin et Vuillier occupent les logements du second étage. En 1820, l’usine emploie 300 ouvriers et consomme 500 tonnes de fonte en gueuse, en provenance des hauts fourneaux de Haute-Saône.
A la mort de la veuve Fleur en 1822, Antoine François Vautherin et Jacques Joseph Vuillier s’associent pour poursuivre l’exploitation. En 1825, la tréfilerie renferme 52 machines, la fabrique d’épingles (dites "pointes de Paris") en abrite 35 alors que la clouterie "à chaud" en contient une vingtaine, le tout complété de "six meules à aiguilles". Elle consomme alors annuellement 5 à 6000 cordes de bois (de 80 pieds cube) et fabrique 600 000 kg de fil de fer et 40 000 kg de pointes de Paris et d'aiguilles à tricoter. En 1833, elle est réputée traiter annuellement 600 tonnes de fer et produire 150 tonnes de clous. De nouvelles machines de fabrication de clous sont introduites en 1835, permettant de faire passer la production annuelle à 250 tonnes.
En 1841, Jules Vautherin, fils d’Antoine François et ingénieur centralien, reprend la direction de l’usine. Il acquiert en 1843 l’usine de Hauterive, à Vuillafans (IA00014816) et y implante une tréfilerie. Cette même année, il demande l’autorisation d’exhausser le barrage de l’usine dite du Moulin-Neuf renfermant un cylindre, des forges et une machine soufflante. Lorsque cette usine est réglementée par arrêté préfectoral le 8 juin 1852, elle appartient à Jules Vautherin et se compose de "trois feux de forge, un laminoir, deux fours à recuire et deux fours à réchauffer, un atelier d’ajustage, le tout mis en mouvement par trois roues hydraulique en dessous et une quatrième horizontale dite turbine". En 1844, 500 tonnes de fil de fer sont fabriquées, dont 150 tonnes converties en clous. En 1849, les usines de Lods et Vuillafans emploient 500 ouvriers et produisent 804 tonnes de fer travaillé, dont 500 t sont tréfilées et 250 t transformées en clous et en aiguilles. L'es forges emploient à cette date 154 hommes, 53 femmes et 11 enfants.
En 1854, Jules Vautherin intègre l’usine de Lods à la société des Hauts Fourneaux, Fonderies et Forges de Franche-Comté, qu’il vient de créer. Le décret du 21 juin 1858 autorisant "le maintien de l’usine à fer" précise la consistance de l’établissement : quatre foyers d’affinerie avec appareils de compression et d’étirage, un four à réverbère, deux fours à chaleur perdue et une tréfilerie. D'après la matrice cadastrale, plusieurs "maisons" (logements ouvriers ?) sont construites à l’usine du Haut en 1854 et en 1865, ainsi qu’un magasin en 1872. En 1868, la tréfilerie est équipée de 282 bobines. Un "Etat des logements de l’usine" daté de 1869 précise que la société possède 68 logements, constitués pour l’immense majorité de deux pièces, pour un effectif de 123 ouvriers. En 1883, l’effectif est de 145 hommes, 23 femmes, deux filles mineures et sept enfants.
Vers 1902, une turbine de 30 chevaux couplée à une dynamo est mise en place à l’usine du Haut. Vers 1908, un atelier de réparation équipé d’une turbine de 27 chevaux et deux turbines couplées de 105 et 195 chevaux sont installées au Moulin-Neuf. Entre 1899 et 1919, la direction de l’établissement est assurée par Gustave Thomas. La fabrication de clous est arrêtée en 1928 et la tréfilerie n’emploie plus que 60 personnes en 1930. L’usine est cédée en 1938 à la Société Lorraine des Aciéries de Rombas.
Une partie de l’usine du Haut est détruite par un incendie en 1940. Entre 1946 et 1948, les bâtiments sont occupés par la STIVEL (Société de tournerie industrielle de Vuillafans), qui fabrique des manches d’outils. Le site de l’usine du Haut est acquis en 1950 par la société Gaz et Eaux, filiale de la Lyonnaise des Eaux. Elle implante une station de pompage, et la plupart des ateliers sont rasés en 1957-1958. En 1983-1984, la société Gaz et Eaux fait construire une petite centrale hydroélectrique équipée d’une turbine de type Kaplan et d'une génératrice de 950 kW.
Le laminoir du Moulin-Neuf, qui produisait des fers à béton, est arrêté en 1942. Il a été démoli en septembre 1981, mais les deux turbines installées vers 1910 ont été conservées sur place, ainsi que leur volant d’inertie.
Période(s)
Principale :
  • 3e quart 18e siècle
Secondaire :
  • 4e quart 18e siècle
  • 1er quart 19e siècle
  • 1er quart 20e siècle
Date(s)
1787 : porte la date
1816 : porte la date

Description


Les logements d’ouvriers subsistants à l’usine du haut sont construits en moellon de calcaire enduit. Couverts de toits à croupes, ils sont dotés d’un étage carré et de deux étages de soubassement pour deux d’entre eux. Le 3e logement est pourvu de deux étages carrés, et est couvert d’un toit à croupes en tuile plate. Construit en pierre de taille, le logement patronal comprend un sous-sol (une pierre de l’escalier porte la date 1816) et deux étages carrés. Il est couvert d’un toit à croupes en tuile mécanique. Il ne subsiste à l’usine du Moulin-Neuf qu’un bâtiment à un étage en surcroît, à usage inconnu. Les magasins et entrepôts industriels sont vraisemblablement postérieurs à la fin d’activité. Au moment du démantèlement de l’atelier de tréfilerie en 1980 (ou 1981 ?), la turbine double a été laissée en place.
Murs :
  • calcaire
  • moellon
  • pierre de taille
  • enduit
Toit :
  • tuile mécanique
  • tuile plate
Etages :
  • sous-sol
  • 2 étages carrés
  • 2 étages de soubassement
  • étage en surcroît
Energie utilisée :
  • énergie hydraulique produite sur place turbine hydraulique
  • énergie électrique produite sur place
État de conservation :
  • établissement industriel désaffecté, vestiges

Source(s) documentaire(s)

  • EAC 3546 F/7. Archives communales (1862-1909).
    Archives départementales du Doubs, Besançon : EAC 3546 F/7. Archives communales (1862-1909).
    Lieu de conservation : Archives départementales du Doubs, Besançon - Cote du document : EAC 3546 F/7
  • F 14/4345 Usines métallurgiques. Maintenue en activité de l'usine à fer Vautherin Frères. Dossier 26 (1843-1856).
    Archives nationales, Paris : F 14/4345 Usines métallurgiques. Maintenue en activité de l'usine à fer Vautherin Frères. Dossier 26 (1843-1856).
    Lieu de conservation : Archives nationales, Paris - Cote du document : F 14/4345
  • 61 J Fonds de la Société des Hauts Fourneaux, Forges et Fonderies de Franche-Comté (1750-1972)
    61 J Fonds de la Société des Hauts Fourneaux, Forges et Fonderies de Franche-Comté (1750-1972)
    Lieu de conservation : Archives départementales du Doubs, Besançon - Cote du document : 61 J
  • M 2370 Enquêtes sur les industries principales (1883)
    Archives départementales du Doubs, Besançon : M 2370 Enquêtes sur les industries principales (1883)
    Lieu de conservation : Archives départementales du Doubs, Besançon - Cote du document : M 2370
  • M 2378 Statistiques industrielles (1811-1812)
    Archives départementales du Doubs, Besançon, M 2378 Statistiques industrielles (1811-1812)
    Lieu de conservation : Archives départementales du Doubs, Besançon - Cote du document : M 2378
  • M 3044 Travail et main d’œuvre, 1926-1930
    M 3044 Travail et main d’œuvre, 1926-1930
    Lieu de conservation : Archives départementales du Doubs, Besançon - Cote du document : M 3044
  • 3 P 636/1-2 États de sections (1813)
    Archives départementales du Doubs, Besançon, 3 P 636/1-2 États de sections (1813)
    Lieu de conservation : Archives départementales du Doubs, Besançon - Cote du document : 3 P 636/1-2
  • 3 P 636/3-6 Matrice des propriétés foncières bâties et non bâties (XIXe siècle)
    Archives départementales du Doubs, Besançon, 3 P 636/3-6 Matrice des propriétés foncières bâties et non bâties (19e siècle)
    Lieu de conservation : Archives départementales du Doubs, Besançon - Cote du document : 3 P 636/3-6
  • 3 P 636/7 Matrice des propriétés bâties (1882-1910)
    Archives départementales du Doubs, Besançon, 3 P 636/7 Matrice des propriétés bâties (1882-1910)
    Lieu de conservation : Archives départementales du Doubs, Besançon - Cote du document : 3 P 636/7
  • 3 P 636/11 Matrice des propriétés bâties (1911-1964)
    Archives départementales du Doubs, Besançon, 3 P 636/11 Matrice des propriétés bâties (1911-1964)
    Lieu de conservation : Archives départementales du Doubs, Besançon - Cote du document : 3 P 636/11
  • 7 S 65 Cours d’eau et usines. Dossier communal (1843-1910)
    Archives départementales du Doubs, Besançon, 7 S 65 Cours d’eau et usines. Dossier communal (1843-1910)
    Lieu de conservation : Archives départementales du Doubs, Besançon - Cote du document : 7 S 65
  • 426 S 1 Usines métallurgiques. Affaires générales, statistiques, demandes d’établissements (1805-1820)
    Archives départementales du Doubs, Besançon, 426 S 1 Usines métallurgiques. Affaires générales, statistiques, demandes d’établissements (1805-1820)
    Lieu de conservation : Archives départementales du Doubs, Besançon - Cote du document : 426 S 1
  • Sp 1261 Usines et prises d’eau. Rivière de la Loue (1822-1922)
    Archives départementales du Doubs, Besançon, Sp 1261 Usines et prises d’eau. Rivière de la Loue (1822-1922)
    Lieu de conservation : Archives départementales du Doubs, Besançon - Cote du document : Sp 1261
  • Sp 1268 Usines et prises d’eau. Rivière de la Loue (1822–1858)
    Archives départementales du Doubs, Besançon, Sp 1268 Usines et prises d’eau. Rivière de la Loue (1822–1858)
    Lieu de conservation : Archives départementales du Doubs, Besançon - Cote du document : Sp 1268
  • Annuaire du Doubs, 1820.
    Annuaire statistique et historique du département du Doubs pour l'année bissextile 1820. - Besançon : Impr. Veuve Daclin, 1821.
  • Annuaire du Doubs, 1826.
    Annuaire statistique et historique du département du Doubs pour l'année bissextile 1826. - Besançon : Impr. Veuve Daclin, 1827.
  • Annuaire du Doubs, 1856.
    Annuaire du Doubs, 1856.
  • Bourgin, H.et G. L’industrie sidérurgique en France au début de la Révolution, 1920.
    Bourgin, H.et G. L’industrie sidérurgique en France au début de la Révolution (1788). - Paris : Imprimerie nationale, 1920.
  • Chapuis Robert. Une aventure territoriale. La haute vallée de la Loue [...], 2006
    Chapuis Robert. Une aventure territoriale. La haute vallée de la Loue. De la vigne, à l'usine et au patrimoine. - Besançon : Presses Universitaires de Franche-Comté, 2006, 194 p.
  • Claerr-Roussel (C.), Belhoste (J.F.), Philippe (M.). La métallurgie comtoise XV-XIXe siècles. Etude du val de Saône, 1994.
    Claerr-Roussel (C.), Belhoste (J.F.), Philippe (M.). La métallurgie comtoise XV-XIXe siècles. Etude du val de Saône. - Besançon : Asprodic, 1994, 416 p.
  • Désignation sommaire des immeubles apportées dans la Société des Hauts Fourneaux, Fonderies et Forges de Franche-Comté, 1854.
    Désignation sommaire des immeubles apportées dans la Société des Hauts Fourneaux, Fonderies et Forges de Franche-Comté. - Besançon : typogr. Outhenin-Chalandre Fils, 1854, 16 p.
  • Genestier Michel. La Société des Forges de Franche-Comté, 1962
    Genestier Michel. La Société des Forges de Franche-Comté. - Besançon : Faculté des Lettres, 1962, 120 p.
  • Lamard, Pierre. De la forge à la société holding Vieillard-Migeon et Cie. - Polytechnica : Paris, 1996, 289 p.
    Lamard, Pierre. De la forge à la société holding Vieillard-Migeon et Cie. - Polytechnica : Paris, 1996, 289 p.
  • Les patrons du Second Empire : Franche-Comté, 1991.
    Mayaud, Jean-Luc. Les patrons du Second Empire : Franche-Comté. - Paris : Picard, 1991.

  • Pitavy Jean-Jacques - Zosso François. Villages vignerons de la Haute-Loue (Mouthier - Lods - Vuillafans), tome I (870-1815) [...], 2013
    Pitavy Jean-Jacques - Zosso François. Villages vignerons de la Haute-Loue (Mouthier - Lods - Vuillafans), tome I (870-1815). - Les auteurs : Echevannes, 2013, 163 p.
  • Pitavy Jean-Jacques - Zosso François. Villages vignerons de la Haute-Loue (Mouthier - Lods - Vuillafans), tome II, 2014
    Pitavy Jean-Jacques - Zosso François. Villages vignerons de la Haute-Loue (Mouthier - Lods - Vuillafans), tome II (1815-1970). -Les auteurs : Echevannes, 2014, 167 p.
  • Pitavy Jean-Jacques. Vie et traditions des villages de la haute Loue. Mouthier-Haute-Pierre [...], 2005.
    Pitavy Jean-Jacques. Vie et traditions des villages de la haute Loue. Mouthier-Haute-Pierre [...]. - Echevannes : J.-J. Pitavy, 2005, 91 p.
  • Recensement des usines comtoises en 1744, 1961
    Recensement des usines comtoises en 1744. In : Revue d’histoire de la sidérurgie, t.2, 1961, p. 275
  • Statistique de la France : Industrie / publiée par le Ministère de l'agriculture et du commerce. - Paris : Imprimerie royale, 1847-1852.
    Statistique de la France : Industrie / publiée par le Ministère de l'agriculture et du commerce. - Paris : Imprimerie royale, 1847-1852.

Informations complémentaires

Thématiques :
  • patrimoine industriel du Doubs
Aire d’étude et canton : Vallées, plateaux et montagnes du Doubs
Hydrographie : dérivation de la Loue
Dénomination : usine de transformation des métaux
Parties constituantes non étudiées :
  • atelier de fabrication
  • bureau
  • logement patronal
  • centrale hydroélectrique
  • oratoire
  • logement d'ouvriers
  • entrepôt industriel
  • barrage
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