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USINE DE TAILLANDERIE PHILIBERT

25 - Nans-sous-Sainte-Anne

rue du Four

  • Dossier IA25001464 réalisé en 2015 revu en 2016
  • Auteur(s) : Raphaël Favereaux
Détail des martinets ouest. © Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine

Historique


La taillanderie est construite (ou reconstruite) en 1828 au lieu-dit Creux de la Doye, sur le ruisseau de l’Arcange, vraisemblablement par Pierre François Lagrange. Son père, Martinien Lagrange, avait obtenu en 1798 l’autorisation d’établir à la source du Lison, lieu-dit Font-Lison, un martinet "pour la fabrication des faux et autres outils agricoles".
Lorsque Jean Joseph Arsène Lagrange reprend le martinet en 1838, il est dit "en ruine". La taillanderie est rétablie et mise en location jusqu’en 1848, le propriétaire autorisant l’exploitant à vendre ses faux sous la marque Lagrange. En 1847, l’usine emploie six ouvriers et est équipée de "quatre tournants entraînent deux ordons de martinet, des pistons et une meule". La taillanderie est adjugée en 1848 à l'épouse de Lagrange, Anne-Claude-Anastasie Vuillier, puis au banquier Théodore Amet en 1851. Elle retourne dans la famille Lagrange en 1853 lorsque Victoire Jacques, seconde femme de Jean Joseph Arsène, en fait l’acquisition.
L’usine est vendue en 1865 à Louis Joseph Philibert, taillandier à La Ferrière-sous-Jougne (25). A sa mort survenue deux ans plus tard, ses fils poursuivent l’activité. L’atelier de fabrication, dite "forge neuve", est reconstruite entre 1881 et 1883. En 1886, les frères Philibert modifient complètement les aménagements hydrauliques de la taillanderie. Un barrage est construit 100 mètres en amont sur l’Arcange. Le nouveau canal d’amenée permet d’augmenter la chute d’eau qui alimente les roues motrices des martinets.
En outre, une canalisation aérienne de 200 mètres de long alimente une roue hydraulique en dessus qui dessert la machine soufflante, dont la puissance est "doublée". En effet, le soufflet simple mentionné en 1847 est complété par un soufflet à double effet ou "double vent". Installée dans un bâtiment nouvellement construit au sud-ouest de l’atelier, cette machine permettant d’actionner les quatre foyers de forge jouxtant les fours à recuire.
Diverses acquisitions permettent de mécaniser les opérations : scie "sans fin" et poinçonneuse en 1883, machine à percer en 1887. Une machine Gramme, couplée à la turbine, est installée en 1890. Elle permet de fournir du courant en continu (80 volts) pour l’éclairage des ateliers. La taillanderie sera reliée au réseau électrique local en 1914, mais l’installation est conservée, servant d’équipement de secours.
Suite à un incendie en décembre 1890 qui détruit l’étage de la forge et une partie des stocks, les fours à tremper sont déplacés à leur emplacement actuel. En 1891, la reconstruction de la toiture donne l’occasion d’améliorer encore les aménagements hydrauliques. C’est vraisemblablement à cette date que remonte l’installation actuelle.
Placées à l’intérieur de l’atelier, les deux roues hydrauliques sont conçues pour accroître leur rendement. Les trois façades sont ajourées de grandes fenêtres horizontales vitrées. Pour marquer cette décennie de travaux, le linteau de porte de l’atelier de forge est gravé de la date 1891, encadrée des initiales PF.
En 1895-1896, l’habitation est reconstruite et agrandie, ce qui permet d’accueillir les ménages de Paul, Marie et Albert Philibert. Les dépendances sont déplacées au nord. Entre 1895 et 1914, l’usine produit une moyenne annuelle de 20 000 faux et 10 000 outils taillants, et emploie jusqu’à 20 ouvriers. Le processus de fabrication d’une faux compte 9 "passes" : étirage, platinage, relevage, planage, passage à la cisaille, trempe, martelage, finissage et biseautage. Vers 1910, la taillanderie produit 180 types de faux et 87 dénominations d’outils taillants, déclinés en plus de 540 variantes.
La turbine, déposée à l’hiver 1913-1914, est vraisemblablement remplacée en 1920 par une turbine Singrün (Epinal, 88). Elle actionne la meule, la soufflerie et le martinet de finition placé dans l’atelier de mécanique. L’année suivante, un moteur électrique est installé «"pour faire face au manque d’eau qui paralyse la production".
En 1922, un moteur semi-diesel du fabricant Douge (Besançon, 25), d’une dizaine de chevaux, est placé dans l’atelier de mécanique afin de mettre en jeu le martinet de finition. La fabrication de faux décline dans l’entre-deux-guerres, pour n’atteindre que 5000 unités en 1940. Les frères Léonard, Auguste et Emile Philibert poursuivent cependant l’activité.
La taillanderie est définitivement arrêtée en 1969. Le bâtiment, comprenant aussi l’équipement technique, a été classé Monuments historiques en 1984. Il est aujourd’hui ouvert à la visite, et reçoit annuellement environ 20 000 visiteurs.

Matériel en place

Atelier de forge
-les trois martinets subsistants, également appelés ordons (sur les quatre en fonctionnement) assuraient les passes d’étirage, de platinage et de planage. Chaque paire est actionnée par une roue hydraulique "en dessus" (5 m de diamètre pour 1,20 m de large), via un arbre de couche en chêne (7 m de long pour 0,80-0,90 m de diamètre) équipé de deux couronnes en fonte (2,50 m de diamètre et 0,44 m de largeur). Il semble que les cames de ces couronnes proviennent de la fonderie Pouguet à Ornans (IA25000133)
-meule d’affûtage (couplée à une couronne du martinet est)
-une cisaille
-deux bacs de trempe
-7 enclumes
-4 postes de forge
-3 fours (foyer simple ou multiple)
-tuyères d’alimentation (air pulsé), en provenance de la machine soufflante
-établi et outillage divers (étaux, pinces, marteaux, etc.)

Atelier de mécanique
-moteur semi-diesel Douge
-un martinet de finissage
-une perceuse à colonne
-4 machines à polir
-une machine à poinçonner
-transmission (de la turbine) par axe métallique aérien, poulies et courroies

Pièce de machine soufflante
-machine Gramme
-soufflet en bois à double effet, et sa transmission (engrenages)

Extérieur
-roue hydraulique métallique « en dessus » actionnant la machine soufflante
-turbine Singrün
Période(s)
Principale :
  • 2e quart 19e siècle
Secondaire :
  • 3e quart 19e siècle
  • 4e quart 19e siècle
Date(s)
1828 : porte la date
1891 : porte la date

Description


Construit en moellon de calcaire, partiellement fermé par un bardage en planche sur les façades nord et est, l’atelier de forge est pourvu d’un étage carré et est couvert d’un toit à croupes en tuile mécanique. Les claveaux supérieurs de l’arcade (entrée de la façade antérieure) sont gravés de la date 1891, encadrée des initiales P F. Le rez-de-chaussée du bâtiment abrite l’atelier de forge. L’étage accueillait un petit atelier de menuiserie, et reçoit les transmissions de commande (vannes des roues de martinets). Le bâtiment construit contre la façade postérieure, à l’ouest, abrite l’atelier de mécanique et la salle de la machine soufflante au demi-étage, et l’atelier de conditionnement à l’étage supérieur. Le magasin bâti à l’est est en moellon de calcaire, partiellement bardé en planches, couvert d’un toit en tuile plate. Également construit en moellon de calcaire, le bâtiment des logements comprend un étage carré et un étage en surcroît, et est couvert d’un toit à longs pans, demi-croupes et tuile mécanique. Le linteau de la porte principale est gravé des initiales P F L (Pierre François Lagrange) et de la date 1828.
Murs :
  • calcaire
  • moellon
  • essentage de planches
Toit :
  • tuile mécanique
  • tuile plate
Etages :
  • 1 étage carré
  • étage en surcroît
Couvrement :
  • charpente en bois apparente
Energie utilisée :
  • énergie hydraulique produite sur place turbine hydraulique
  • énergie électrique produite sur place turbine hydraulique
  • énergie thermique produite sur place moteur thermique à combustion interne
  • énergie hydraulique produite sur place roue hydraulique verticale

Source(s) documentaire(s)

  • 3 P 421/1 État de sections (1840)
    Archives départementales du Doubs, Besançon, 3 P 421/1 État de sections (1840)
    Lieu de conservation : Archives départementales du Doubs, Besançon - Cote du document : 3 P 421/1
  • 3 P 421/2 Matrice des propriétés foncières (19e siècle)
    Archives départementales du Doubs, Besançon, 3 P 421/2 Matrice des propriétés foncières (19e siècle)
    Lieu de conservation : Archives départementales du Doubs, Besançon - Cote du document : 3 P 421/2
  • 3 P 421/3 Matrice des propriétés bâties (1882-1910)
    Archives départementales du Doubs, Besançon, 3 P 421/3 Matrice des propriétés bâties (1882-1910)
    Lieu de conservation : Archives départementales du Doubs, Besançon - Cote du document : 3 P 421/3
  • 3 P 421/5 Matrice des propriétés bâties (1911-1958)
    Archives départementales du Doubs, Besançon, 3 P 421/5 Matrice des propriétés bâties (1911-1958)
    Lieu de conservation : Archives départementales du Doubs, Besançon - Cote du document : 3 P 421/5
  • Barbe, Noël ; Thierry, Anne. De l'air ! ou la taillanderie de Nans-sous-Sainte-Anne revisitée : note de recherche, 1998.
    De l'air ! ou la taillanderie de Nans-sous-Sainte-Anne revisitée : note de recherche / par Noël Barbe et Anne Thierry. Barbizier, 1996-1997 (éd. 1998), n° 21, p. 44-57.
  • Brelot Claude-Isabelle ; Mayaud Jean-Luc. L'industrie en sabots. La taillanderie de Nans-sous-Sainte-Anne (Doubs), 1982.
    Brelot Claude-Isabelle ; Mayaud Jean-Luc. L'industrie en sabots. La taillanderie de Nans-sous-Sainte-Anne (Doubs). Paris : Garnier Frères, 1982, 277 p.
  • Frechard, Patrick. Les moulins du canton d'Amancey [...], 1998.
    Frechard, Patrick. Les moulins du canton d'Amancey. Histoire, fonctionnement, inventaire. - [Besançon] : P. Frechard, 1998, 141 p.
  • Garneret, Jean. Le martinet et la faux en Franche-Comté, 1960.
    Garneret, Jean. Le martinet et la faux en Franche-Comté. Actes du colloque sur l'artisanat (Besançon, 10-12 juin 1960). - Annales littéraires de l'Université de Besançon, vol. 45, Les Belles Lettres, 1961, p. 67-85
  • Vernus, Michel. La faux. De l'outil au symbole, 2005
    Vernus, Michel. La faux. De l'outil au symbole. - Salins-les-Bains : Musées des Techniques et Cultures comtoises, 2005. 67 p. : ill. ; 30 cm. (Paroles d’objets)

Informations complémentaires

Eléments remarquables : usine de taillanderie
Protection
classé MH : 1984/11/16


Ancienne taillanderie, avec ses installations mécaniques (cad. B 23, 25 à 28, 31) : classement par arrêté du 16 novembre 1984

Thématiques :
  • patrimoine industriel du Doubs
Aire d’étude et canton : Vallées, plateaux et montagnes du Doubs
Hydrographie : dérivation de l' Arcange
Dénomination : usine de taillanderie
Parties constituantes non étudiées :
  • logement
  • atelier de fabrication
  • écurie
  • bief de dérivation
  • remise
  • conduite forcée
  • barrage
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