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ÉGLISE PAROISSIALE DE LA NATIVITÉ DE LA VIERGE

70 - Rupt-sur-Saône

  • Dossier IA70000759 réalisé en 2015 revu en 2016
  • Auteur(s) : Liliane Hamelin
Vue générale depuis la Saône. © Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine

Historique


Édifiée sur la colline, face au château fort, l'église de la Nativité de la Vierge succède à un ensemble médiéval, connu sous le vocable de Saint-Martin, en mauvais état et trop étroit pour accueillir l'ensemble des fidèles. La vente des bois communaux en 1750 permet de faire appel à l'architecte bisontin Jean-Joseph Galezot (mort en 1753) et la première pierre du nouvel édifice est posée le 21 avril 1751. De septembre 1751 à décembre 1752, les travaux sont dirigés par l’entrepreneur Joseph Nodier, qui commence le gros oeuvre en utilisant les pierres de l'ancienne église, remployant notamment plusieurs éléments lapidaires (pierres tombales, clef de voûte de la chapelle seigneuriale, bénitier du 15e siècle aux armes de Jean de Rupt). Nodier reçoit en janvier 1752 ses premiers paiements pour avoir transporté les matériaux sur le nouvel emplacement mais il décède en mars 1752 à la suite d'un accident survenu sur le chantier. Il est remplacé en juillet 1752 par son associé Hugues Faivre, désigné comme « maîstre entrepreneur de Besançon ». En 1753, les voûtes sont élevées et « le clocher presque fini ». La bénédiction de l’église a lieu en février 1754. Vers 1770 et en 1788, de nouvelles coupes de bois offrent la possibilité à la commune de consacrer les sommes nécessaires au décor intérieur. En 1770, le seigneur de Rupt Pierre Grimod d’Orsay, grand collectionneur d’art parisien, prend à sa charge les lambris du collatéral sud de la nef. En 1788, une seconde coupe de bois permet de financer les confessionnaux, réalisés d’après les dessins de l’architecte dolois Anatoile Amoudru. En 1792, l'édifice est vandalisé (Martial Griveaud, archiviste au début du 20e siècle, en a retracé les épisodes à partir des pièces du procès de brigandage intervenu à Rupt). Des transformations interviennent tout au long des 19e et 20e siècles, plus particulièrement au niveau du décor intérieur (ces modifications sont présentées en annexe par Alexandre Hutinet). L’église de la Nativité a été inscrite au titre des Monuments historiques le 7 août 1987. Elle a été jugée remarquable comme exemple d’église-halle dont l'architecte Jean-Pierre Galezot, frère aîné de Jean-Joseph, a introduit le modèle dans le nord de la Haute-Saône (à Scey-sur-Saône, Vesoul, etc.). Le décor intérieur, exécuté par des artisans locaux, constitue son second point fort et la plupart des objets mobiliers (étudiés par Jean-Louis Langrognet, conservateur des Antiquités et Objets d'Art pour la Haute-Saône) est également protégée au titre des Monuments historiques.
Période(s)
Principale :
  • 3e quart 18e siècle
Secondaire :
  • 4e quart 18e siècle
Auteur(s) & personnalité(s)

Architecte. Il a construit l'église de Broye-lès-Pesmes (Haute-Saône) en 1754.

Date de naissance : 14.12.1748 - date de décès : 01.01.1809

Date de naissance : 1694 - date de décès : 01/01/1773

Joseph Nodier, architecte et entrepreneur de maçonnerie. Né à Ornans (Doubs) en 1694, mort à Besançon (Doubs) le 1er janvier 1773. Grand-père de l'écrivain Charles Nodier, né à Besançon en 1780, mort à Paris en 1844.

Date de naissance : 06/01/1739 - date de décès : 08/03/1812

Amoudru, Anatoile (1739-1812). Architecte. Né à Dole (Jura) le 6 janvier 1739, mort dans cette même ville le 8 mars 1812. Maire de Dole de 1790 à 1796. Nommé en 1775 architecte de la maîtrise des Eaux et Forêts pour les provinces de l'Est. Outre ses réalisations en tant qu'architecte, il a réalisé le premier cadastre parcellaire de la ville de Dole (1797-1807).

Description


L'édifice est situé sur une hauteur dominant le village et la Saône, face au château-fort et à la colline anciennement occupée par le couvent de minimes (détruit à la Révolution). Construit en pierre calcaire, il est précédé d'une tour-clocher coiffée d'un toit à l'impériale. Quatre contreforts talutés scandent les bas-côtés tandis que l'abside s'achève par trois pans coupés. Nef et bas-côtés sont abrités sous un même toit à longs pans, à pignon couvert à l'ouest et croupe polygonale au niveau du choeur à l'est. La charpente, entièrement réalisée en chêne, se compose de quatre fermes maintenues entre-elles par quatre entraits qui prennent appuis directement sur les murs gouttereaux et sur la voûte du vaisseau central. La couverture est composée de tuiles plates, vernissées sur le tour.

La tour-clocher

L'élévation de la tour-clocher est organisée en quatre niveaux séparés par un bandeau plat : le portail en plein cintre est surmonté d'un tympan et d'un édicule à niche ; le premier niveau est aveugle ; le second comporte un oculus ; la chambre des cloches est éclairée par quatre baies en plein cintre fermées par des abat-sons. Une corniche en doucine souligne la base du toit à l’impérial. De part et d'autre du portail, la façade occidentale est percée d'une baie en plein cintre ouvrant autrefois sur le bas-côté. Dans l'angle nord-ouest s'élève une tourelle abritant l'escalier en vis desservant le premier étage (les autres niveaux, planchéiés, sont reliés par des escaliers en bois). Les angles de la façade sont animés par des piliers à bossage. Le rez-de-chaussée de la tour-clocher est couvert d’une voûte d’arêtes.

Les trois vaisseaux

L'édifice adopte le parti des églises-halles, avec une nef et des bas-côtés de même hauteur. La nef, à quatre travées, est séparée de chacun des bas-côtés par une rangée de colonnes d'ordre dorique. Les travées sont couvertes de voûtes d'arêtes. Les murs sont faits de moellons irréguliers ; les supports et encadrements des baies sont en pierre de taille de moyen appareil. Le sol est composé de dalles de pierre dont certaines portent des marques lapidaires identiques à celles relevées sur les parements extérieurs de l'édifice. A ces dalles se mêlent d’anciennes pierres tombales médiévales.

Le choeur

Le choeur est surélevé par un léger emmarchement (de 11 cm de haut), dont les angles courbes empiètent de 90 cm sur l'espace de la nef. Il est constitué d'une travée à voûtains, terminée par une abside à trois pans, et est flanqué de deux sacristies, couvertes chacune d'une voûte d'arêtes.
Murs :
  • calcaire
  • calcaire
  • moellon
  • pierre de taille
Toit :
  • tuile plate
  • tuile plate plombifère
Plan :
  • plan allongé
Etages :
  • 3 vaisseaux
Couvrement :
  • voûte d'arêtes
Escalier :
  • escalier dans-oeuvre, escalier en vis,
  • escalier dans-oeuvre, en charpente
Typologie :
  • église-halle
Décors :
  • maçonnerie
  • sculpture

Source(s) documentaire(s)

  • Environs de Vesoul - Rupt - Le Château et l'Eglise, début 20e siècle
    Environs de Vesoul - Rupt - Le Château et l'Eglise, carte postale, s.n., s.d. [début 20e siècle].
    Lieu de conservation : Archives départementales de la Haute-Saône, Vesoul - Cote du document : 11 Fi 457/6
  • Rupt-sur-Saône - Intérieur de l'Eglise, 2e moitié 19e siècle
    Rupt-sur-Saône - Intérieur de l'Eglise, carte postale, par C. Jeunet, s.d. [2e moitié 19e siècle], C. Jeunet éd. à Scey-sur-Saône
    Lieu de conservation : Archives départementales de la Haute-Saône, Vesoul - Cote du document : 11 Fi 457/7
  • Brune, Paul. Dictionnaire des artistes et ouvriers d’art de la Franche-Comté, 1912
    Brune, Paul. Dictionnaire des artistes et ouvriers d’art de la Franche-Comté. - Paris : Bibliothèque d’Art et d’Archéologie, 1912. 342 p. ; 24 cm.
  • Dictionnaire biographique de la Haute-Saône, 2005
    Dictionnaire biographique de la Haute-Saône / sous la dir. de Pierre R. Sonet. - Vesoul : Société d'agriculture, lettres, sciences et arts, 2005.
    Lieu de conservation : Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire et Patrimoine, Besançon - Cote du document : R.US.3985
  • Derrider, Annick. Jean-Pierre Galezot, architecte et sculpteur (1686-1742), 2000
    Derrider, Annick. Jean-Pierre Galezot, architecte et sculpteur (1686-1742). Mémoires de la Société d'Emulation du Doubs, n° 42, 2000, p. 77-101.
  • Hutinet, Alexandre. Le patrimoine religieux de la commune de Rupt-sur-Saône au XVIIIe siècle : le couvent des minimes et l'église de la Nativité de la Vierge, 2007
    Hutinet, Alexandre. Le patrimoine religieux de la commune de Rupt-sur-Saône au XVIIIe siècle : le couvent des minimes et l'église de la Nativité de la Vierge. - Besançon : [s.n.], 2007. 3 vol. (non paginé ca 400 p.) : ill. ; 30 cm. Mém. de master II : Hist. Art : Besançon : 2007.
    Lieu de conservation : Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire et Patrimoine, Besançon - Cote du document : RTO/Rupt/5800/1
  • Hutinet, Alexandre. Historique et description de l'église paroissiale de la Nativité de la Vierge, à Rupt-sur-Saône, 2016
    Hutinet, Alexandre. Historique et description de l’église paroissiale de la Nativité de la Vierge, à Rupt-sur-Saône. - 2016. Résumé rédigé en 2016 par A. Hutinet à partir de son master II (Histoire de l’Art moderne : Besançon : 2007).
  • Langrognet, Jean-Louis. Anatoile Amoudru (1739-1812) architecte ou les bois devenus pierres, 2013
    Langrognet, Jean-Louis. Anatoile Amoudru (1739-1812) architecte ou les bois devenus pierres. - Dole : Ed. de la Passerelle, 2013. 429 p. : ill. ; 30 cm.
    Lieu de conservation : Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire et Patrimoine, Besançon - Cote du document : R.HA 5133
  • Marx, Jean. Rupt-sur-Saône, église, 1986
    Marx, Jean. Rupt-sur-Saône, église : dossier d'inscription à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques. - 1986.
    Lieu de conservation : Conservation régionale des Monuments historiques, Besançon

Informations complémentaires


Historique
Édifiée à partir de 1751, l’église de Rupt-sur-Saône succède à un ensemble médiéval devenu trop étroit et obsolète pour accueillir l’ensemble des fidèles de la localité. Son emplacement a été choisi par les habitants désireux de conserver sur cet éperon rocheux le lieu dans lequel, depuis le XIIe siècle au moins, le culte catholique a été célébré sans interruption. Également motivé par la réutilisation des fondations maçonnées du sanctuaire médiéval leur choix ne sera pas sans poser quelques problèmes techniques à l’entrepreneur bisontin Hugues Faivre tel qu’il en fait part dans le contrat de paiement finalisant les ouvrages. En même temps que l’église médiévale était détruite pour servir de carrière, d’autres bancs de pierres durent être exploités et acheminé sur cette hauteur. Malgré l’accès escarpé ralentissant le suivi des opérations, l’édifice est achevé en quatre ans. L’église médiévale dont plusieurs éléments lapidaires ont été remployés dans l’église actuelle (pierres tombales, une clef de voûte de la chapelle seigneuriale, un bénitier du XVe siècle aux armes de Rupt …) jouxtait un ensemble bâti que les documents archivistiques décrivent comme « le vieux couvent » destiné à recevoir un groupe d’ermites de Saint-Augustin puis dévolu un temps aux minimes, ordre monastique venu s’implanter à Rupt vers 1610. Ainsi connectée à l’église celle-ci avait donc, à la fois la vocation d’une église paroissiale et conventuelle.
Grâce à la vente des bois communaux mis très tôt en réserve c’est-à-dire vers 1720, les revenus ainsi dégagés permettent de confier à l’architecte bisontin Jean-Joseph Galezot le soin de dessiner les plans de l’édifice et d’entreprendre le gros œuvre. Les secondes coupes de bois pouvant intervenir vers 1770 et vers 1788 offriront la possibilité de consacrer les sommes nécessaires à un décor complet sur la totalité des murs de l’édifice. Jean-Joseph Galezot est issu d’une famille de menuisiers sculpteurs et d’hommes du bâtiment. Il entreprend avec l’église de Rupt l’une de ses dernières réalisations, sûrement la plus aboutie. En effet, l’église de Broyes-les-Pesmes (conçue quelques mois auparavant sur des plans identiques à ceux que donnera Jean-Joseph pour Rupt), montrera rapidement des défauts de stabilité. L’église de Broyes-les-Pesmes dû être étayée. Avec Rupt, la formule de l’église-halle semble donc avoir été comprise par l’architecte puisque l’édifice ne montre actuellement aucun problème de stabilité. Il explore ainsi la formule de l’église-halle que son frère, Jean-Pierre Galezot, avait favorisé en l’introduisant dans certaines villes de Haute-Saône (pour la reconstruction des églises de Scey-sur-Saône et de Vesoul). Composée d’une nef à trois vaisseaux séparés par une double rangée de colonnes à ordre dorique et voûtée d’arêtes, l’église est baignée d’une grande clarté grâce à des fenêtres hautes de verre blanc. Ce détail permet la mise en valeur d’un décor de boiseries assez luxueux formant le second point d’intérêt du bâtiment.
Concernant le décor et l’aménagement du mobilier liturgique, quelques documents d’archives permettent d’apporter un éclairage sur les grandes phases de mise en œuvre. D’une part, le registre de catholicité évoque la bénédiction du tabernacle et son achèvement en 1755. Sans autre détail sur son exécution, ce meuble de bois doré et sculpté reprend assez fidèlement le seul projet de tabernacle que dessinera justement Jean-Joseph Galezot pour l’église de Cugney. Actuellement orphelin de sa monstrance dont le fond était garni de glaces, le tabernacle était surmonté d’une croix en bois doré actuellement conservée indépendamment de l’ensemble. Les comptes d’échevinage de l’année 1756 attribuent la réalisation des boiseries du chœur à un artisan local, Claude-Dominique Lhullier. Ce document recoupé avec l’analyse in situ du décor met en lumière l’existence à l’échelle locale, d’un artisanat doté d’un savoir-faire de qualité dont les différents corps de métiers sont à même de rivaliser avec les ateliers des grosses villes et répondre au besoin de la décoration complète d’une église. Il faut reconnaître le haut degré de virtuosité du « maître sculpteur » Claude-Dominique Lhullier ignoré de tous jusqu’à présent, détail certes mais qui apporte un regard neuf sur l’organisation possible d’un atelier de menuisier en milieu rural. S’appuyant sur un réseau stratégique d’alliances, Claude-Dominique Lhullier bénéficie de la reconnaissance des membres de la communauté d’habitants de Rupt. A l’image de son père, déjà sculpteur et entrepreneur à Rupt, Claude-Dominique cumule les charges les plus importantes de son village. On le retrouve en effet maire de Rupt aux heures les plus sanglantes de la Révolution française où malgré le contexte on sent dans les décisions municipales son désir de préserver au mieux le décor de l’église.
Alors que bon nombre de communes ne pouvaient pas financer immédiatement un programme décoratif aussi important sur la totalité des murs, l’église de Rupt l’obtient très rapidement grâce à une seconde vente de bois mais aussi par un appui privé de renom. En 1770, le grand collectionneur d’art parisien Pierre Grimod d’Orsay, seigneur de Rupt, décide de financer les boiseries du collatéral sud de la nef. L’ensemble sera successivement complété par des confessionnaux réalisés d’après les dessins de l’architecte dolois Anatoile Amoudru, présent sur tous les grands chantiers haut-saônois de la fin du XVIIIe siècle. Il est important de souligner les liens étroits entre le parti décoratif du chœur de l’église de Rupt et sa reprise formelle pour décorer le chœur de l’église de Combeaufontaine à quelques lieues de là. En effet, le même répertoire décoratif ainsi que le rythme des lambris a été conservé tout comme l’opulence de la forme du tabernacle.
Revenons sur la carrière de Hugues Faivre, entrepreneur bisontin qui grâce à la bonne conduite des travaux sur le chantier de Rupt (en effet malgré les difficultés rencontrées, l’édifice sera apprécié et on le comparera même à l’époque, à la beauté de l’église Saint-Maurice de Besançon), impulsera une intense activité sur les chantiers du baillage d’Amont. Sa présence à Rupt lui ouvre en effet le chemin à une carrière locale puisqu’à partir des années 1755, les documents le désignent comme « architecte demeurant à Vesoul ». Avec son sérieux démontré dans le suivi du chantier de Rupt, il est contacté pour édifier le clocher de l’église de Scey-sur-Saône, composition ingénieuse que reprendra ensuite Anatoile Amoudru pour celui de l’église de Port-sur-Saône.
Tout juste doté des derniers équipements mobiliers, le décor intérieur de l’église est vandalisé en août 1792. Martial Griveaud, archiviste au début XXe siècle a très bien retranscrit cet épisode à partir des pièces du procès de brigandage intervenu à Rupt. Ainsi, dès l’époque révolutionnaire, l’aménagement liturgique et le parti architectural de l’église paroissiale se transforment. Cet ensemble n’aura été cohérent et véritablement fonctionnel qu’une cinquantaine d’années, avant d’être profondément remanié. Jusqu’en 1809 ces modifications ne touchent pas encore le gros œuvre. La municipalité n’intervient que pour de petits travaux d’entretiens. Il s’agit par exemple de remplacer les vitres, quelques faîtières « parce quil pleut sur les voûtes » ou réaliser un escalier de bois dans le clocher. Si dans la première décennie du XIXe siècle, la volonté de la population à réhabiliter le sanctuaire dans son état initial est de plus en plus constante, ce projet de restauration n’aboutit réellement qu’en 1824. Néanmoins, ces premiers grands travaux effectués sur l’édifice restent préjudiciables quant à la conservation et la compréhension de l’esthétique mise en place au Siècle des Lumières.
Le devis estimatif de ces travaux, élaboré par l’architecte Louis Well puis révisé en 1826 renseigne sur la nature du bâtiment qui porte encore à cette époque, les marques de son aménagement du XVIIIe siècle. Ce devis propose clairement les spécificités à apporter au mobilier et aux revêtements de l’édifice. La toiture de la nef est partiellement reprise. L’architecte désire faire disparaître la majeure partie des enduits intérieurs d’origine pour les renouveler grâce à un lait de chaux puis colorer les chapiteaux, doubleaux et ébrasement de fenêtres par une couleur ocre jaune que l’on retrouve encore aujourd’hui à quelques endroits. Ce nouveau programme décoratif bouleverse aussi l’apparence des boiseries, de certains éléments sculptés (tabernacle, lutrin, stalles), et des tableaux. A l’image des enduits, les boiseries et les différents cadres sont décapés (destruction de leur couleur gris-perle dont les vestiges des tonalités sont conservées à l’avers des panneaux de la porte menant à la sacristie Sud. Les quatre porte-cierges de procession sont jetées pour en réaliser de nouveaux, tout comme les douze candélabres en bois doré du maître-autel, remplacés par des candélabres en laiton. Enfin la décision de combler en façade la porte d’accès au collatéral Sud transforme les organes de circulation et oblige l’architecte à prévoir de fausses portes dans les boiseries afin de fermer élégamment le passage désormais condamné.
En 1836, de nouveaux remaniements sont apportés au clocher. Un piédouche en fer blanc et sa garniture sommitale sont installés. L’année suivante, les abat-son sont réparés puis repeints en gris. Pour régler les difficultés liées à l’assainissement, en 1839 puis en 1843, le grand couvert de la nef est en partie rénové. Cet objectif se poursuit une nouvelle fois sur le clocher vers 1845. Les interventions antérieures et quoique très récentes sur cette partie, n’ont pas dû être efficaces. L’architecte reconnaît l’état déplorable dans lequel se trouve la charpente. On procède alors « au remaniage de la couverture en tuile, autour du cornier en fer blanc grand modèle double croix fixée [...] vernissage des tuiles fixées au sommet ». L’architecte en charge de ces différents travaux est Jean-Baptiste Ridoux, domicilié à Vesoul. A partir des années 1830, il est fortement sollicité par la municipalité de Rupt.
Dans la seconde moitié du XIXe siècle, en même temps que l’on note l’accession du prêtre historien Philippe Roussin comme curé de la paroisse, l’aspect intérieur de l’église change. Cette modification correspond aux volontés du prêtre de retrouver un certain faste et redonner du souffle au dogme. Pour résumer les amendements apportés au sanctuaire, il convient d’évoquer le « lavage et blanchissage » des enduits, la reparure du tabernacle et des objets liés à la confrérie puis l’assombrissement général du chœur par l’installation de vitraux, devant les baies de verre blanc. Vers 1877, l’édifice souffre toujours de l’humidité. Une grande entreprise est lancée sur le couvert de la nef. Charles Dodelier, architecte responsable du chantier, se défend de toucher à la structure générale de la charpente qu’il juge stable. Les irrégularités du toit peuvent être simplement corrigées par la pose de lattes neuves. Néanmoins, les facteurs d’humidité sont aussi conditionnés par des infiltrations au niveau du mur Nord. La forte surélévation de la cour intérieure du presbytère (d’environ 2,70 mètres) entraîne le déversement des eaux de pluie en contrebas, dans le collatéral Nord. Cet aménagement aberrant, motive Charles Dodelier, à prévoir un système de canalisations, recueillant l’eau le long du mur. Mais cette solution se solde malheureusement par un échec. La partie inférieure des boiseries et des enduits originels en contact avec le mur est progressivement détruite.
Au XXe siècle, on constate la disparition d’une grande partie des objets cultuels, démembrés ou vendus par le prêtre desservant l’édifice vers 1960 (l’abbé Paul Signe). La simplification de la liturgie pousse le prêtre à alléger le décor ou à le « rafraîchir » dans le goût qui primait alors. La partie inférieure des boiseries du collatéral Nord est entièrement pourvue de panneaux de bois récents. Pour reboucher le trou béant formé par l’absence du tableau des fonts baptismaux, l’abbé Signe intervertit les lambris d’un confessionnal adjacent (déjà en mauvais état) et replace les lambris primitifs des fonts baptismaux, dans une autre travée plus à l’est. Tout au long du XXe siècle trois campagnes d’intervention au moins sont visibles sur les boiseries. Le revêtement des lambris de la nef, tout comme la dorure des cadres sont retirés, à l’exception de la couleur gris-perle des boiseries du chœur qui est respectée. Dès 1910, le changement chromatique n’est visible qu’au niveau du chœur, avec le choix d’une peinture bleutée.
Enfin, dans les années 1960, cette polychromie est abandonnée pour l’actuelle teinte brune, à l’exception du décor faux-marbre conservés des autels latéraux. Malheureusement, les enduits sont renouvelés puis disparaissent totalement vers 1960, où l’objectif est de laisser apparent la surface de la pierre, que l’on rehausse de joints foncés.
L’église de Rupt est un édifice intéressant pour resituer les avancées techniques et architecturales concernant les églises-halles en Franche-Comté au XVIIIe siècle. Un lien évident est à effectuer sur les églises voisines de Scey-sur-Saône ou de Port-sur-Saône car outre retrouver des formes proches dans les choix artistiques ou architecturaux, les mêmes acteurs de ces chantiers se côtoient. La cohérence du décor intérieur de l’église en grande partie conservée dans son état du XVIIIe siècle est un autre point fort de l’édifice. Peu d’église ont eu la possibilité de constituer avant la chute de l’ancien régime un décor aussi complet et développé du chœur jusqu’aux parties occidentales de nef. L’église de Rupt forme également un exemple de traitement local assez bien documenté par les archives qui permettent de comprendre aisément l’intervention des artisans locaux, eux aussi dotés d’un savoir-faire qui peut malgré tout rivaliser avec les ateliers mieux expérimentés des gros centres urbains de l’époque. Enfin, pour sa dimension historique, l’église de Rupt a été le lieu d’un épisode assez marquant de la Révolution en province comtoise, sans oublier à partir de 1820 le choix de Pierre Gaspard d’Orsay, membre d’une famille importante d’hommes de pouvoirs et collectionneurs d’art sur le plan national, qui choisit cet édifice comme sépulture pour les restes embaumés de ses proches ainsi pour lui-même où il repose depuis 1846 dans un mausolée à l’antique édifié devant le parvis de l’église.

Description
Le plan de l’église de Rupt reprend le parti architectural d’une église-halle. Précédée d’un clocher quadrangulaire, la nef se compose de trois vaisseaux et de quatre travées. Cet espace est ensuite directement relié aux parties orientales de l’édifice, par un sanctuaire constitué d’une travée de chœur, flanqué latéralement de deux sacristies, et terminé par une abside à trois pans.
L’accès principal de l’église s’effectue au niveau de la façade occidentale, grâce à un clocher-porche. La saillie que forme ce clocher de plan carré (4m 60 de côté) est proportionnelle à la division tripartite de la façade occidentale. Le rez-de-chaussée est couvert d’une voûte d’arêtes, dont le centre est percé d’un œillard du diamètre des cloches. Ce premier niveau définit un espace d’accueil, conduisant d’une part, à un escalier en vis (parement Nord), d’autre part au vaisseau central de la nef. Au-delà du second niveau, les étages supérieurs de la tour sont rythmés de planchers, reliés entre eux par des escaliers de bois.
Les trois vaisseaux de la nef sont d’inégales largeurs et hauteurs. Les deux collatéraux Nord et Sud comportent des dimensions inférieures (2m 96 de large) à celle du vaisseau central (6m 20 de large). Il faut d’ailleurs préciser que la largeur de ce vaisseau est identique à celle qui a été enregistrée pour la nef de l’église médiévale. Le mur des collatéraux est rythmé par huit fenêtres cintrées, agrémentées d’une armature de fonte et de verres blancs. Placées chacune dans une travée respective, elles donnent un éclairage indirect au vaisseau central. A l’Est, les deux collatéraux bénéficient symétriquement de deux portes à arc segmentaire (actuellement condamnées), devant assurer l’évacuation des fidèles après l’office. A l’Ouest ces deux vaisseaux aboutissent aux autels secondaires. La maçonnerie est formée de moellons irréguliers, alors que les supports et encadrements des ouvertures sont effectués en pierres de taille de moyen appareil.
De la même hauteur et largeur que le vaisseau central, le chœur est éclairé par trois fenêtres identiques et placées au même niveau que celles de la nef. Les murs Nord et Sud de la travée de chœur assurent la jonction avec deux sacristies de plan quadrangulaire. Elles sont toutes deux voûtées d’arêtes. La sacristie Sud reçoit la lumière par une baie latérale en plein cintre, alors que la sacristie Nord, plus sombre, n’est éclairée que par une petite lucarne carrée. Cet espace au Nord reste particulier, puisque la hauteur de son voûtement est conçue en fonction de l’aménagement des niveaux supérieurs, en contact direct avec le logement du prêtre. En effet, au-dessus de cette sacristie, un petit cabinet (adjacent à la chambre du prêtre) fait figure d’oratoire. Une petite fenêtre à linteau cintré (actuellement dissimulée derrière les boiseries du chœur) permet d’observer le maître-autel.
L’ordre toscan compose l’ornementation de l’église. Les pilastres qui scandent les travées sont sommés de chapiteaux toscans, au-dessus desquels une partie d’entablement forme une saillie.
L’emploi de la voûte d’arêtes est général à tout l’édifice, sauf au niveau du chevet, qui est constitué de trois voûtains. Chaque voûtement est délimité par de large doubleaux dont la retombée s’effectue soit sur des pilastres, soit sur le dé d’entablement des six colonnes bordant le vaisseau central.
A l’extérieur, trois contreforts montent de fond et rythment les façades latérales.
Les trois vaisseaux de la nef sont couverts d’un toit à bâtière, raccordé par plusieurs pans au niveau du chœur. La charpente est entièrement réalisée en chêne. Elle se compose de quatre fermes maintenues entre-elles par quatre entraits (trois monoxyles et un assemblé par entures au niveau du chœur. Ces entraits prennent appuis directement sur les murs gouttereaux et sur la voûte du vaisseau central.
Le matériau utilisé en guise de couverture est la tuile plate en terre cuite.
Le sol de l’église est composé de dalles de pierre, dont la plupart sont d’anciennes pierres tombales médiévales. Outre la numérotation impartie pour l’emplacement des bancs, ces dalles reçoivent des marques de tâcherons. La disposition de ces marques n’est pas homogène sur les différentes parties du dallage. Néanmoins ces pictogrammes restent identiques à ceux relevés sur les parements extérieurs de l’église. Le pavé du chœur est légèrement plus élevé (11 cm de haut) que l’ensemble du niveau de la nef. Son emmanchement aux angles courbes, empiète de 90 cm sur l’espace de la nef. Au centre du chœur, le développement progressif de trois gradins de pierres grises, surélève (de 35 cm de haut) le maître-autel.
La façade occidentale de l’église est divisée en trois travées d’égales largeurs. Leur aménagement assure une composition pyramidale et symétrique par rapport au clocher. Cet élan, obtenu par une hiérarchisation des volumes, prend naissance de part et d’autre de la façade, grâce à deux contreforts en ailerons. Placés en amortissement, ces deux ailerons dessinent une courbe ascendante conduisant le regard vers les façades des deux travées latérales. Le raccord visuel utilisé entre ces deux parties est un pilastre à bossages réguliers (92 cm de large). Il est disposé aux extrémités Nord et Sud de la façade. La composition triangulaire de ce pignon converge au sommet du clocher. Enfin, la grande muralité de ces façades latérales reste d’une part, interrompue en partie basse par un soc à chanfrein (effectuant un léger ressaut de 6 cm). D’autre part, elles sont animées par une porte en plein-cintre (1m 15 de large, 2m 80 de haut).
La travée centrale de la façade occidentale est la mieux ornée. Elle est occupée par le clocher- porche. Il se compose d’une élévation à cinq niveaux, dont le parement est rythmé de trois cordons puis une doucine, sur laquelle repose un toit à l’impérial.
Observations :
L’église paroissiale de Rupt-sur-Saône constitue, malgré les détériorations de son décor intérieur survenues au cours des 19e et 20e siècles, un bel exemple d’église-halle dont les frères Jean-Pierre et Jean-Joseph Galezot ont été les initiateurs en Haute-Saône.
Protection
inscrit MH : 1987/08/07


Eglise (cadastre B 170) : inscription par arrêté du 7 août 1987.

Thématiques :
  • val de Saône
Aire d’étude et canton : Val de Saône
Dénomination : église paroissiale
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