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DEMEURE, DITE "CHÂTEAU DÉCHELETTE", ET FERME

71 - Saint-Didier-en-Brionnais

La Grande Terre

  • Dossier IA71003542 réalisé en 2018
  • Auteur(s) : Aurélien Michel, Raphaël Favereaux, Philippe Mairot
château © Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine

Historique


Un domaine constitué au XVIIIe siècle
Une date, gravée sur le linteau de la porte d’entrée de la maison, atteste de la construction des bâtiments dans la première décennie du XVIIIe siècle. Les noms des commanditaires sont également inscrits : Nicolas Tixier (v. 1666-1723) et Benoîte Circaud (v. 1666- ?). Le couple s’est marié le 11 janvier 1689 à Oyé, lieu de naissance de l’épouse, et connaît une certaine ascension sociale dont les registres paroissiaux de Saint-Didier et Oyé donnent un aperçu. Nicolas Tixier est dit laboureur dans l’acte de décès de son père, Claude Tixier, en 1687. Deux ans plus tard, il est dit marchand dans son acte de mariage. En 1709, il est appelé le « sieur Ménaux » (du nom d'une de ses propriétés ?) dans l’acte de décès de l’un de ses domestiques et enfin, en 1713, mentionné comme « bourgeois de Saint-Didier » alors qu’il est choisi pour être parrain d’un nouveau-né de la paroisse. Ce dernier statut est confirmé par le terrier de la seigneurie de Busseuil, dont dépend une grande partie de ses propriétés, qui indique que « tous les héritages reconnus […] par Tixier Mainaud » ont été affranchis de la mainmorte par le seigneur (Antoine Le Prestre de Vauban), devant le notaire Seconnet, le 13 octobre 1711.
Nicolas Tixier décède en 1723, sans héritier direct, et ses biens sont acquis par Claude-Antoine Verchère (?-1756), seigneur d’Arcelot, conseiller au parlement de Dijon, le 30 mai 1724 par autorité des registres du Palais. Ce dernier rédige dans la première moitié des années 1750, peu avant sa mort, un cahier où il retranscrit des documents concernant ses domaines du Brionnais (baux, etc.) et dresse un état de ses propriétés. Le domaine de Saint-Didier, tel qu’il le décrit, est déjà à cette époque un véritable domaine d’embouche avec plusieurs prés dont il estime la valeur par rapport au nombre de bêtes - 86 au total - pouvant y être engraissées lors de la première embouche du printemps. Il mentionne ainsi le Grand Pré, « fesant 45 bœufs de première herbe », le pré de la Verchère (7 bœufs), le pré de la Saugy « que la rivière partage en deux » (10 bœufs), le pré de la Linchère (12 bœufs), le pré des Mortes (8 bœufs) et le pré du Chambon (6 bœufs), tous situés au bord de l’Arconce.
Les bâtiments, bien qu’ils aient depuis été transformés, sont encore en partie conservés. L’habitation d'origine se composait de deux « chambres hautes et basses », de part et d’autre d’un escalier, « greniers dessus, caves dessous ». Ces éléments correspondent à la partie centrale de l'édifice actuel, large de trois travées. Le bâtiment est probablement l’un des premiers exemples de la maison, dite "brionnaise" (symétrie et toits à quatre pans). Elle se situe entre une cour « formant un grand quarrélong » et un jardin « qui fait aussi un quarrélong, partagé en 4 quarrés bien implantés d’arbres », le tout clos de « murs d’appuy revêtus de cadettes » et accessible par une porte cochère et une « porte à guichet au devant de laquelle est un puits ».
La grande dépendance, décrite comme un « long bâtiment », abritait à l’époque une « volière » (colombier) avec un « genelier » au rez-de-chaussée, une écurie de moutons, une écurie de bœufs « garnie de ses craiches », une grange ou remise et une écurie de chevaux « voûtée à cannes, garnies de bonnes mangeoires en chesnes et de rateliers ». Les trois écuries étaient surmontées de « greniers » (fenils). Le bâtiment était prolongé par un autre, plus petit, abritant une chambre de domestique « bien carrelée », avec une cave et un grenier, et la « chambre à fourgs » (contenant 2 fours).

Les Despierres
Claude-Antoine Verchère d’Arcelot n’habite pas à Saint-Didier-en-Brionnais. Il réside soit à Dijon, soit au château d’Arcelot, non loin de la capitale bourguignonne, mais se réserve tout de même deux pièces dans la maison « quand je viens au pais », soit « 15 jours de chaque année » comme il est précisé dans un bail de 1735. La famille loue le domaine à des fermiers, parmi lesquels Emiland Mathieu, emboucheur à Oyé (et neveu de Nicolas Tixier par sa mère), de 1735 à 1761, et Antoine Despierres, natif des Bouffiers (Prizy), à partir de 1779. Ce dernier exploite le domaine en société avec son père, puis avec son propre fils, et habite les lieux jusqu’à sa mort en 1848. Maire de la commune de 1795 à sa mort, chef d’une grande famille rayonnant sur une large partie du Brionnais, chevalier de la Légion d’honneur en 1847, ce personnage eut une grande influence dans la région, comme en témoigne l’épitaphe inscrit sur sa pierre tombale, où il est désigné comme « le patriarche du Brionnais, l’oracle, l’arbitre, le conseil de ses concitoyens… ».
Dans la première moitié du XIXe siècle, ce dernier fait agrandir la maison par une extension au sud-est, regroupée sous le même toit. Composée à l'origine de deux pièces par niveau disposées de part et d'autre de l'escalier, l'habitation comprend désormais un vestibule (ou "corridor") comprenant l'escalier, une salle à manger, une grande cuisine, une bassie, ainsi que trois chambres à l'étage." (Inventaire après décès d'Antoine Despierres, arch. dép. 71, 3E 9278-1)
En 1825, Antoine-Louis Verchère d’Arcelot revend la propriété d’une superficie de 71 ha (dont 55 en prés, parmi lesquels 23,8 pour le seul Grand Pré) aux cousins germains d’Antoine Despierres : Claude-Marie Despierres, qui habite les Bouffiers, et un autre Antoine Despierres, dit « le Cousin », fermier du château de Sarry. Ces derniers continuent d'affermer le domaine à leur cousin. En 1848, après la mort de celui-ci, un des fils de Claude-Marie investit les lieux. Quelques années plus tard, Antoine « Le Cousin » engage un partage du domaine avec son neveu, à l’issue duquel il conserve 40 ha et les bâtiments, où il finit ses jours en 1860. La propriété passe à l’aînée de ses trois filles, Charlotte (1826-1909).

Les Déchelette
La jeune femme épouse en 1846 Benoît Déchelette (1816 -1888) qu’elle a connu à Roanne, alors qu’elle était pensionnaire au Collège de la Charité. Benoît est négociant en textile à Montagny dans la Loire, au lieu-dit le Vieil Armont, avec son père, ses frères et son beau-frère (société Déchelette père et fils et Deveaux, spécialisée dans le commerce et la fabrication en sous-traitance de cotonnades). Ce mariage témoigne d’une certaine ouverture de la famille Despierres vers les milieux de la bourgeoisie industrielle et urbaine (les sœurs de Charlotte épousant respectivement Gabriel Mulsant, magistrat à Roanne, et Gabriel Bulliot, négociant en vins à Autun). Le père de Charlotte, néanmoins méfiant, lui conseille tout de même « de ne jamais donner sa signature dans les affaires de son mari » (Victor Déchelette, 1952). Benoît Déchelette fonde en 1855 sa propre société « Déchelette-Despierres » et s’installe avec sa famille à Roanne. En 1870, il crée une usine à Amplepuis (Rhône). Saint-Didier devient alors surtout un lieu de villégiature estivale pour la famille, le lieu des retrouvailles et des loisirs, décrits dans la correspondance que Charlotte entretient avec son plus jeune fils Joseph, futur archéologue.
Le couple Déchelette-Despierres fait réaliser de nouvelles transformations sur les bâtiments dans la seconde moitié du XIXe siècle. Un pavillon est ainsi construit pour agrandir la maison au nord-ouest. La partie ancienne du bâtiment est agrémenté d’un décor d’architecture (lucarnes sur le toit et fronton au couronnement de la porte d’entrée) destiné à harmoniser l’ensemble. Le linteau de la porte d’origine, avec l’inscription, est toutefois remployé pour servir de tympan au nouveau fronton. Une partie de la dépendance est détruite et remplacée par de nouvelles constructions ; une habitation, destinée au métayer chargé de l’exploitation du domaine, et des remises pour les voitures à cheval. La poursuite de l’activité d’élevage, jusqu’au début des années 1980, nécessite de moderniser ce grand bâtiment dans les années 1970. Aujourd'hui, son aspect originel, en dehors du volume général du bâtiment, n’est plus réellement lisible. Son aménagement en stabulation a en effet entraîné la création de nouvelles ouvertures et la suppression des divisions intérieures. Seul un pan de mur d’une étable, avec ses crèches et feurons, est aujourd’hui conservé.
Période(s)
Date(s)
1707 : porte la date

Description


Situé au nord-est du village, l'ensemble est constitué d'une maison d'habitation dite château, dans un parc, (allée de tilleuls, sequoias, pins douglas, etc.), et ses dépendances agricoles : écurie, fenil, hangars, serre. Tous les bâtiments sont édifiés en pierre (moellons) et sont enduits.
Le château (un étage carré et un étage de comble) porte un toit à longs pans, à croupes, couvert de petites tuiles plates. La façade antérieure est ordonnancée, centrée par la porte bâtarde surmontée d'un fronton triangulaire portant des inscriptions et une date : Nicolas Texier et Benoite Circaud 1707 (le dernier chiffre étant difficilement lisible). Les trois travées centrales sont encadrées par un pavillon à gauche (nord-ouest), en avant-corps et par une extension à droite (sud-est), incluse sous la même charpente, ouvrant sur les façades antérieures et postérieures par des portes-fenêtres. Le toit du pavillon (à deux pans et croupes, couvert en tuiles vernissées) est orienté perpendiculairement à celui du corps principal, avec le pignon sur les façades. Des lucarnes donnent le jour au comble : sur la façade antérieure, les deux latérales sont surmontées d'un fronton triangulaire, et celle du centre d'un arc surbaissé.
Les pièces du rez-de-chaussée, disposées en enfilade sont, de gauche à droite : cuisine, salle manger (avec cheminée engagée et boiserie), entrée et montée d’escalier, salon dit billard (avec cheminée engagée), salon d'angle. Un escalier de pierre central tournant à retour sans jour dessert l'étage. Un autre, en charpente, se trouve dans le pavillon.
Au bord du chemin, longeant le mur de clôture du parc au nord, deux bassins maçonnés sont conservés. Ils servaient de bassins de récupération des eaux de drainage provenant des terrains en amont. Le second bassin possède une vanne qui servait à évacuer l’eau, dans le pré en contrebas jusqu’à l’Arconce.
Murs :
  • pierre
  • moellon
  • enduit
Toit :
  • tuile mécanique
  • tuile plate
Etages :
  • étage de comble
  • 1 étage carré
  • en rez-de-chaussée
Elévation :
  • élévation ordonnancée
Couvertures :
  • toit à longs pans, croupe
  • noue
  • appentis massé
Escalier :
  • escalier dans-oeuvre, escalier tournant à retours sans jour, en maçonnerie
  • escalier dans-oeuvre, en charpente
Végétation :
  • groupe d'arbres
  • parterre

Source(s) documentaire(s)

  • Archives départementales de la Saône-et-Loire : 3P 406/1. Cadastre de la commune de Saint-Didier-en-Brionnais. 1826-1965.
    Archives départementales de la Saône-et-Loire : 3P 406/1. Cadastre de la commune de Saint-Didier-en-Brionnais. 1826-1965.- DP 406/1 MA : Registre des états de sections. 1826.- DP 406/1 MA : Matrice cadastrale des propriétés bâties et non-bâties. 1826-1882 (propriétés bâties), 1826-1914 (propriétés non-bâties).- DP 406/1 MR : Matrice cadastrale des propriétés bâties. 1911-1965.- DP 406/1 MR : Matrice cadastrale des propriétés non-bâties. 1914-1965.
    Lieu de conservation : Archives départementales de Saône-et-Loire, Mâcon
  • Archives départementales de la Saône-et-Loire : 3E 9278/1. Minutes de l'étude notariale de Denis Marie Alexandre Bergerand (Saint-Christophe-en-Brionnais). Janvier-juin 1848.
    Archives départementales de la Saône-et-Loire : 3E 9278/1. Minutes de l'étude notariale de Denis Marie Alexandre Bergerand (Saint-Christophe-en-Brionnais). Janvier-juin 1848.Inventaire des meubles et effets mobiliers dépendant de la succession de M. Antoine Despierres, décédé chevalier de la légion d'honneur et maire de la commune de Saint-Didier. 18 janvier 1848.
    Lieu de conservation : Archives départementales de Saône-et-Loire, Mâcon
  • Archives départementales de la Côte d'Or : 50 F 413. Fonds du château d'Arcelot. Saint-Didier-en-Brionnais, Varenne-l'Arconce et Moulin-l'Arconce. Notes sur la consistance des biens, les titres de propriété, les modalités d'exploitation. Vers 1755.
    Archives départementales de la Côte d'Or : 50 F 413. Fonds du château d'Arcelot. Saint-Didier-en-Brionnais, Varenne-l'Arconce et Moulin-l'Arconce. Notes sur la consistance des biens, les titres de propriété, les modalités d'exploitation par Antoine Claude Verchère d'Arcelot. Vers 1755.
    Lieu de conservation : Archives départementales de la Côte-d'Or, Dijon
  • Propriété de Mme Déchelette [plan]. [s.d.].
    Propriété de Mme Déchelette [plan]. Plume et lavis. [s.d.].
    Lieu de conservation : Collection particulière
  • Portrait de Charlotte Despierres. Vers 1845.
    Portrait de Charlotte Despierres. Huile sur toile. Vers 1845.
    Lieu de conservation : Collection particulière
  • Portrait de Charlotte Despierres. [s.d.].
    Portrait de Charlotte Despierres. Photographie (noir et blanc). [s.d.].
    Lieu de conservation : Collection particulière
  • Portrait de Benoît Déchelette. [s.d.].
    Portrait de Benoît Déchelette. Photographie (noir et blanc). [s.d.].
    Lieu de conservation : Collection particulière
  • Portrait de la famille Déchelette devant la demeure de Saint-Didier. 1899.
    Portrait de la famille Déchelette devant la demeure de Saint-Didier. Photographie (noir et blanc). 1899.
    Lieu de conservation : Collection particulière
  • Péré-Noguès, S. (dir.). Joseph Déchelette : un précurseur de l'archéologie européenne. 2014.
    Péré-Noguès, S. (dir.). Joseph Déchelette : un précurseur de l'archéologie européenne. Paris : Editions Errance, 2014.
  • MICHEL, Aurélien. Châteaux en Charolais-Brionnais : du Moyen Âge à la grande propriété du XIXe siècle. 2016.
    MICHEL, Aurélien. Châteaux en Charolais-Brionnais : du Moyen Âge à la grande propriété du XIXe siècle. Préf. Claude-Isabelle Brelot ; collab. Dominique Fayard, Jean-Marie Jal, Michel Maerten. Doyen éditeur, 2016.

Informations complémentaires

Observations :
Un chapiteau roman sculpté déplacé et d'origine inconnue est conservé sur place.
A l'étage, se trouve une porte d'une cellule (numéro 21) de la prison Mazas, dans laquelle fut emprisonné monseigneur Déchelette durant la Commune du 13 avril au 25 mai 1871, selon la mémoire familiale. Cette porte fut acquise au moment de la destruction de la prison et offerte à monseigneur Déchelette. (1848-1920)
Thématiques :
  • architecture rurale du Charolais-Brionnais
Aire d’étude et canton : Charolais-Brionnais
Dénomination : château, ferme
Parties constituantes non étudiées :
  • dépendance
  • parc
  • jardin d'agrément
  • jardin d'hiver
  • entrepôt agricole
  • ferme
  • étable à vaches
  • fenil
  • hangar agricole
  • puits
  • bassin
  • château
  • logis
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