FERMES
25 - Les Fourgs
3 rue le Dessus de la Fin
- Dossier IA00014292 réalisé en 1978 revu en 1979
- Auteur(s) : Gilbert Poinsot
Historique
Chronogrammes : 1725, 1836, 1839, 1843
- 18e siècle
- 19e siècle
Description
Grange haute (22)
- calcaire
- moellon
- enduit
- grange haute
À voir
Informations complémentaires
Sur le plan cadastral de 1816, plusieurs bâtiments sont représentés, au Dessus de la Fin, entre la route de Grand’Combe-Châteleu et le Théverot : d’amont en aval, l’écurie (cadastrée A 62) de Jean-Louis Bonnet et sa maison (A 64, démolie en 1852) puis la taillanderie de François Xavier Nicod (Pierre François Xavier, 1754-1837), consistant en un bâtiment (A 65 forge) à usage de « fabrique de faulx, charbonnière et aisance », une scierie (A 66) et une « charbonnière » (A 67), sans oublier le bassin de retenue (« écluse A 58 ») et des terrains en nature de rocher (A 57), pré (A 59 et 60) et jardin (A 68 et 73).
Quatre corps de bâtiments sont aussi dessinés à l’ouest de la route : un hangar (A 61) et une maison (A 63) appartenant au curé de Mamirolle Pierre François Thomas (descendant des Bobillier par sa mère), ainsi que la maison (A 71) et un autre hangar (A 70) propriétés de Philippe Bobillier père, exploitant une chaudronnerie en aval sur le Théverot.
S’inscrivant dans la lignée de ces fabriques de faux et faucilles implantées dans le val de Morteau au 16e siècle, la taillanderie Nicod est exploitée dès 1750 au moins. Elle est de nouveau acensée le 31 mars 1768 par le prieur de Morteau aux Nicod, famille de taillandiers présente du 17e au 19e siècle dans une quinzaine de villages du Haut-Doubs. Le premier forgeron connu de cette lignée semble être Claude Nicod, signalé vers 1650 à La Longeville, dont les descendants s’installeront à Maison-du-Bois (exploitant la plus importante taillanderie du département au milieu du 19e siècle), Montbenoît, Vuillafans, Syam, aux Gras, à Malbuisson, Métabief, Loray, Plaimbois-du-Miroir, au Russey, etc.
Signalée dans un inventaire des forges à martinet en 1772, la taillanderie des Gras est alors dirigée par Pierre François Nicod (1729-1810), le père de François Xavier, et produit annuellement 300 à 350 t de quincaillerie. Le même inventaire fait état de la forge de Pierre Bobillier (1731-1810), beau-frère de Pierre François Nicod, laquelle est implantée juste en amont et réalise, elle, 250 à 300 t de quincaillerie. Ce sont en 1797 les deux plus importantes taillanderies de la commune, produisant la première 12 000 faux par an et la deuxième (alors tenue par le fils de Pierre, Etienne-François Bobillier) 6 000 faux par an. Notons qu’une autre branche de la grande famille Bobillier exploite en 1812 « deux martinets à forger le cuivre », soit deux chaudronneries : celle (A 49 et A 50) bâtie en 1809 par Philippe Emmanuel (vers 1763-1834) juste en aval, aux Saules, et celle (A 42, future scierie Garnache) plus en aval encore, aux mains de son père Philippe (1731-1820).
Dans sa demande en autorisation de maintien en activité de son établissement, en date du 27 août 1812, Pierre François Nicod précise :
« 1° Le fer et l’acier propres à la fabrication des faux et autres instrumens aratoires en fait de taillanderie, sont les seules substances qui sont traitées dans l’usine de l’impétrant.
2° Cette usine consiste en un seul bâtiment ne faisant qu’un avec celui d’habitation, et où se trouvent établis trois feux, et cinq petits martinets propres à tirer, élargir et finir les faux ; lesquels martinets se meuvent alternativement et à volonté, par un seul et même cylindre, ou arbre à une roue ; deux autres roues font mouvoir les soufflets de trois fournaises.
3° Le fer et l’acier qui sont les seules matières à traiter, se tirent, savoir : le fer des forges des Départements du Doubs et de la Haute-Saône, et l’acier vient de l’Allemagne par la voie du commerce.
4° Le charbon de sapin et de hêtre est le combustible que l’on consomme dans l’usine, il en faut annuellement environ cent à cent vingt bannettes, ou neuf cent soixante vans de forge : ce charbon provient environ un tiers des forêts appartenantes propriétairement à l’impétrant dans le canton de Morteau, et les deux autres tiers sont achetés en plus grande partie des particuliers de la Principauté de Neuchâtel.
5° Comme l’usine ne roule que par le moyen de l’eau du ruisseau des Gras, et du bief de la Dreuve, dont le confluant est au dessus et très-proche de l’usine, et qui ne sont l’un et l’autre alimentés en grande partie que par la fonte des neiges ; cette usine n’est roulante qu’environ quatre mois de l’année, à diverses reprises, sur tout encore en raison du peu de pente qu’offre le court espace de terrain qui sépare cette usine de l’usine supérieure.
6° Enfin, dans le même bâtiment il existe un moulin à blé, et plus bas au joignant une scierie, qui sont l’un et l’autre mus par les mêmes eaux retenues dans un étang, et qui ont été établis en vertu des permissions renfermées et rappelées dans l’acte sus-énoncé. »
Le maire des Gras, Philippe Emmanuel Bobillier, indique dans un état de 1823 que la fabrique de faux de François Xavier Nicod consomme annuellement 5,5 t de "fer fin taillandier en barres" des forges de la Ferrière-sous-Jougne (commune de Jougne), 2 t d’acier "à 3 points véritable ancienne fabrique de Styrie" (Autriche) et 600 stères de bois de sapin pour fabriquer 8 000 faux (dont 2 000 pour l’exportation). Elle emploie 15 personnes, dont deux bûcherons et un charbonnier, et le coût de la main-d’œuvre entre pour 0,60 à 0,75 F dans le prix d’une faux, vendue entre 2,40 F et 3 F. Elle se voit récompenser par une médaille de bronze en 1825.
La propriété de François Xavier passe vers 1828 à son fils Pierre François (1787-1846). En 1834-1835, sa production est toujours de 8 000 faux avec 11 ouvriers.
L’affaire est acquise une dizaine d’années plus tard, vers 1839, par les frères Bobillier : Isidore (François Isidore, 1799-1875), qui sera maire dans les années 1840, et Sylvain (1814-?). Tous deux sont les fils d’Etienne François Bobillier (1758-1817), maître taillandier et négociant (maire des Gras en 1816), qui exploitait la taillanderie juste en amont (au 6 rue le Dessus de la Fin : maison cadastrée B 9, deux « charbonnières » B 8 et B 12, « forge et fabrique de faux » B 11 et scierie B 7), elle-même tenue auparavant par son père Pierre (1731-1810) et fondée par leurs ancêtres en 1506. Cet établissement employait annuellement, en 1823, 4 t de fer fin, 1,5 t d’acier et 400 stères de bois pour produire 6 000 faux avec 11 personnes (par la suite, Isidore en fabriquera 6 000 avec 8 ouvriers).
Isidore et Sylvain Bobillier cèdent vers 1850 le site à Xavier Jacquot, qui semble démolir partiellement la forge et modifier la scierie avant de leur rétrocéder le tout vers 1860 (?).
Le site est acquis vers 1876 par Narcisse Jacquet (1842-1902), qui développe la scierie et la dote d’un chantier au bois. Vers 1896, il transforme le bâtiment de la forge ou le remplace par un autre à usage de scierie et d’habitation (seul à subsister en 1969). L’établissement est repris par son fils, Laurent (1884-1938), puis par les enfants de ce dernier Narcisse et Pierre. Fermé en 1956 et laissé à l’abandon, il est détruit en 1986.
Sources et bibliographie
Archives départementales du Doubs :
- 3 P 298 Cadastre de la commune des Gras, 1814-1967
- 7 S 55 Cours d'eau et usines. Régime des eaux. Moulins-usines (1805-1919)
Garneret, Jean. Le martinet et la faux en Franche-Comté. Actes du colloque sur l'artisanat (Besançon, 10-12 juin 1960). - Annales littéraires de l'Université de Besançon, vol. 45, Les Belles Lettres, 1961, p. 67-85.
Guichard, Jean-Marie. Recherches généalogiques (accessibles en ligne sur le site de Geneanet : http://gw.geneanet.org/). Familles Bobillier, Jacquet et Nicod, aux Gras (consultation : 10 avril 2017)
Monneret, Christian. Recherches généalogiques (accessibles en ligne sur le site de Geneanet : http://gw.geneanet.org/). Famille Jacquot, aux Gras (consultation : 10 avril 2017)
Vegliante, Gianfranca. L’artisanat dans le canton de Morteau au XIXe siècle. – Besançon : Faculté des Lettres, 1976. 164 f. dactyl. ; 30 cm. Mém. Maîtrise : Histoire : Besançon : 1976.
Drezet Jean-Marie (témoignage oral), 13 avril 2017
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