FERME DE LA GRANGE PLASSARD
71 - Amanzé
Grange Plassard
- Dossier IA71003550 réalisé en 2018 revu en 2019
- Auteur(s) : Aurélien Michel, Philippe Mairot, Raphaël Favereaux
Historique
Un domaine des comtes d’Amanzé
Avant la Révolution, ce domaine faisait partie (avec celui du pré Paccaud, face au château d'Amanzé, et celui de Saint-Ambrun, à Saint-Germain-en-Brionnais) des propriétés des comtes d’Amanzé, autrement dit de la réserve seigneuriale (domaine foncier appartenant en propre au seigneur). Il est possible que ce domaine, désigné sous le nom de "Grange Plassard », ait été affermé sur plusieurs générations à la famille du même nom, qui résidait en face, de l'autre côté de la route. Au début du XVIIIe siècle (d'après le terrier de la seigneurie d'Amanzé de 1702), la propriété comprend un jardin, une chènevière et une verchère, entourant les bâtiments, un pré, appelé le « grand pré » et d’une capacité à produire 16 chars de foin, une autre verchère, un pré et pâquier, appelés « le bon pasquier », un autre pâquier, appelé « le chétif pasquier », une terre, un pâquier et une brosse, appelés « pasquier de Vesvre », un pré appelé « de Fontlong, contenant l’assiette de dix-huit chars de foing ou environ », une brosse et des terres, appelées la « brosse de Vesvre », la « terre du Perrier » et la « grande terre du Lac », une terre au lieu-dit « En la Réz », appelée « Le Vercheron », une terre au lieu-dit « és Saignes » et deux autres terres au lieu-dit « En Fontlong ». Il s’agit donc d’un domaine où se pratique la polyculture, mais qui comprend une part importante de prés et pâtures.
Le terrier de 1702 donne une description des bâtiments du domaine à cette époque : « une maison haute et basse [avec un étage], grange, deux étables, cour, fournier, couverts à thuilles ». L'usage de la tuile reflète le statut seigneurial de la propriété, à une époque où le mode de couverture le plus répandu localement est le chaume. En 1690, la visite générale des feux des communautés du baillage de Semur (cote C4845, Arch. Dép. 21) indique que « les maisons [de la paroisse d'Amanzé] sont basties de pierres, couvertes de pailles, sinon 6 ou 7 qui le sont de tuille ».
Sur le plan cadastral de 1826, deux bâtiments sont représentés : un ensemble longitudinal, correspondant à l’habitation et à la grange mitoyenne, et un petit édifice au sud-est de la cour, qui devait abriter le four et le pressoir mentionné dans le terrier de 1782. Seule la grange, qui peut être datée du XVIIe siècle, est aujourd’hui conservée. De nouveaux éléments sont venus s’ajouter au XIXe siècle autour de ce noyau ancien.
Le domaine après la Révolution
Jean-Claude-Marie de La Queuille (1742-1810), comte d’Amanzé et marquis de Châteaugay, s’exile à Bruxelles en 1791. Ses biens sont confisqués et mis en vente au titre des biens nationaux. Le domaine de la Grange Plassard est acquis le 1er jour complémentaire de l’an IV de la République (17 septembre 1796) par Michel Carret (1752-1818), riche marchand de Villefranche-sur-Saône, devenu député au Conseil des Cinq-Cents sous le Consulat, puis membre du Tribunat sous le Premier Empire. Il revend la propriété le 26 thermidor an 13 (14 août 1805) à Nicolas François de Neufchâteau (1750-1828). Ancien procureur général de Saint-Domingue, ancien député à l’Assemblée nationale législative puis à la Convention Nationale, ancien ministre de l’Intérieur sous le Directoire, cette personnalité, issue de la petite bourgeoisie de Lorraine, a connu une forte ascension sociale. Au moment, où il acquiert la Grange Plassard, il est président du Sénat conservateur, titulaire de la sénatorerie de Dijon (domaines issus des biens nationaux dont la jouissance fut attribuée par Napoléon Bonaparte aux membres du Sénat), grand trésorier de la Légion d’honneur, membre de l’Académie française (pour son activité littéraire comprenant plusieurs recueils de poésie) et président de la Société centrale d’agriculture, pour laquelle il écrit de nombreux mémoires et rapports. Il sera fait comte d’Empire en 1808.
Dans une lettre du 26 thermidor an XIII (Archives Nationales, cote 27AP/1), François de Neufchâteau remercie Geoffroy, sous-préfet de l'arrondissement de Charolles, pour les renseignements qu’il lui a fourni et qui l'ont convaincu de faire cette acquisition : « Ainsi, grâce à M. votre frère et à vous, me voilà bientôt au nombre des tenanciers du cy-devant Charolais, écrit-il ». Malheureusement, si ce n'est qu'il semble apprécier la région, qualifiant le Charolais de "beau pays" dans ce même courrier, les raisons précises ayant motivé cet achat ne sont pas connues.
François de Neufchâteau témoigne de son intention d'améliorer l'exploitation du domaine dans une autre lettre du 19 janvier 1812 adressée à Guinet, receveur de l’enregistrement à Charolles : « Je n’en songe pas moins aux diverses améliorations dont la ferme est susceptible. Je vous ai mandé le regret que j’ai que ma détestable santé m’ait mis hors d’état de vous écrire cet automne et de préparer cette année la formation d’un verger. Il faudrait songer à avoir des ruches pour ce printemps… » Le 22 juillet 1811, il adjoint au domaine un pré d’embouche, appelé « La Prairie », « de la contenue à engraisser 9 à 10 bœufs » (Cote 3E 33349, Arch. dép. 71), acquis pour la somme de 11 500 francs auprès la fille du dernier comte d’Amanzé. Ce pré de 18,4 ha vient s’ajouter à trois autres prés d’embouche qui faisaient déjà partie de la propriété : le grand pré (15,8 ha), le pré neuf (3 ha) et le pré de la Salle (13,6 ha), sur la commune de Saint-Germain-en-Brionnais (autrefois rattaché au domaine de Saint-Ambrun). Les prés (répartis entre parcelles d’embouche et parcelles de fauche) couvrent la majeure partie du domaine : 64 ha sur 85,5 ha, soit près de 75 %. L’embouche en est l’activité principale. Un bail à ferme du 21 novembre 1813 (Cote 3E5899/4, Arch. dép. 71) précise qu’il ne faut « faire faucher que les prés qui sont ordinairement fauchés dans ledit domaine » et que les autres prés sont destinés à « mettre à l’engrais et pâture […] que des bœufs, vaches et chevaux, suivant la proportion usitée dans le pays ».
Les évolutions de la seconde moitié du XIXe siècle
Après la mort de Nicolas François de Neufchâteau, son héritier, Aimé-François Déard (1799-1858), fils de sa troisième épouse qu’il a adopté en 1811, procède au démantèlement du domaine. La ferme est vendue en 1848 avec environ 20 ha de terres (dont 4 ha provenant de l’ancien grand pré, désormais divisé) à Marie-Louise Larochette, veuve Dumontet, de Beaubery. En 1864, Antoine Peguet, natif de La Chapelle-sous-Dun, entre en possession des lieux. Seuls 11 ha de l’ancienne propriété restent encore attachés aux bâtiments. En 1873, Peguet achète une autre portion de l’ancien grand pré, d’une superficie de 9,25 ha, et parvient à reconstituer une exploitation de 28,3 ha. En 1875, il entreprend la reconstruction de la maison d’habitation, sur le modèle des maisons brionnaises à deux niveaux, couvertes d’un toit à 4 pans, et s’installe sur place pour exploiter les terres en faire-valoir direct. L’aile de dépendances en retour d’équerre à l’angle sud-ouest de la vieille grange, abritant un four, un atelier, une remise et des étables à cochons, est probablement contemporaine de la nouvelle maison. Après la mort d’Antoine Peguet au début du XXe siècle, la ferme change plusieurs fois de propriétaires. Aujourd’hui, les bâtiments ne sont plus occupés depuis une trentaine d’années. Seule la grange est encore utilisée pour stocker du matériel agricole. Une réhabilitation de l’ensemble est en projet.
Période(s)
Principale :
- 17e siècle
- 4e quart 19e siècle
Description
Les deux corps de bâtiments sont disposés en équerre, et délimitent une cour ouverte sur deux côtés. Les différentes fonctions sont contigües. Le logis occupant l'extrémité nord-est jouxte les écuries et la grange remise. En retour d'équerre, se trouve un bâtiment de quatre travées, probablement voué aux usages suivants : toit à cochons, poulailler, four à pain. Ses entrées avec encadrement de pierre ont des linteaux massifs monolithes et des arcs de décharge. Un court escalier extérieur accolé au pignon sud donne accès à un étage. Tous sont construits en moellons de calcaire, et sont couverts en tuiles. Des ouvertures ont été aménagées sur les façades pour le chargement du foin à l'étage. Les parties agricoles ont des toits à deux pans couvertes en tuiles mécaniques et petites tuiles. Les granges et écuries orientées est-ouest ont un toit débordant formant un auvent sur la façade antérieure.
Le logis présente son pignon à l'est et son entrée sur la cour au sud. Son toit à croupes et égout retroussé est couvert en petites tuiles. Au rez-de-chaussée, il se compose d'un vestibule, d'une cuisine avec un potager, d'une salle avec cheminée double et placards communiquant avec la pièce conjointe. Un escalier droit en pierre dessert l'étage qui comporte trois chambres (avec cheminée double). Sous celui-ci, un escalier donne accès au sous-sol.
Deux mares (dites localement crots), au sud et à l'est, complètent le site.
Murs :
- calcaire
- calcaire
- moellon
- moellon
- enduit
Etages :
- 1 étage carré
- sous-sol
Couvrement :
- charpente en bois apparente
Couvertures :
- toit à longs pans
- toit à longs pans, croupe
Escalier :
- escalier de distribution extérieur, escalier droit, en maçonnerie
- escalier dans-oeuvre, escalier droit, en maçonnerie
Source(s) documentaire(s)
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Archives départementales de la Saône-et-Loire : 3P 006/1. Cadastre de la commune d'Amanzé. 1828-1965.
Archives départementales de la Saône-et-Loire : 3P 006/1. Cadastre de la commune d'Amanzé. 1828-1965.
- 3P 006/1 MA : Registre des états de sections. 1828.
- 3P 006/1 MA : Matrice cadastrale des propriétés bâties et non bâties. 1828-1882 (propriétés bâties), 1828-1914 (propriétés non bâties).
- 3P 006/1 MR : Matrice cadastrale des propriétés bâties. 1911-1965.
- 3P 006/1 MR : Matrice cadastrale des propriétés non bâties. 1914-1965.Lieu de conservation : Archives départementales de Saône-et-Loire, Mâcon -
Archives départementales de la Saône-et-Loire : E 62. Terrier de la seigneurie d'Amanzé. 1702.
Archives départementales de la Saône-et-Loire : E 62. Terrier de la seigneurie d'Amanzé. 1702.Lieu de conservation : Archives départementales de Saône-et-Loire, Mâcon -
Archives départementales de la Saône-et-Loire : E 73. Terrier de la seigneurie d'Amanzé. 1782.
Archives départementales de la Saône-et-Loire : E 73. Terrier de la seigneurie d'Amanzé. 1782.Lieu de conservation : Archives départementales de Saône-et-Loire, Mâcon -
Archives départementales de la Saône-et-Loire : 3E 5899/4. Minutes de l'étude notariale de Pierre Desautels (Charolles). 1813 (n° 550-733).
Archives départementales de la Saône-et-Loire : 3E 5899/4. Minutes de l'étude notariale de Pierre Desautels (Charolles). 1813 (n° 550-733).
Bail à ferme du domaine de Plassard, situé sur le territoire des communes d'Amanzé et Saint-Germain des Bois [actuel Saint-Germain-en-Brionnais]. 20 novembre 1813.Lieu de conservation : Archives départementales de Saône-et-Loire, Mâcon -
Archives départementales de la Saône-et-Loire : 3E 33349. Minutes de l'étude notariale de Philibert Joanin (Marcigny). Juillet-décembre 1811.
Archives départementales de la Saône-et-Loire : 3E 33349. Minutes de l'étude notariale de Philibert Joanin (Marcigny). Juillet-décembre 1811.
Vente d'un pré d'embouche, situé à Amanzé, appelé la Prairie. 22 juillet 1811.Lieu de conservation : Archives départementales de Saône-et-Loire, Mâcon -
Archives départementales de la Côte d'Or : C 4845. Procès-verbal dressé par A. Bernard-Bernardin, président à la Chambre des Comptes, député en celle des Élus des États, de la visite des feux dudit bailliage, ordonnée, par une délibération des Élus. 1690.
Archives départementales de la Côte d'Or : C 4845. Procès-verbal dressé par A. Bernard-Bernardin, président à la Chambre des Comptes, député en celle des Élus des États, de la visite des feux dudit bailliage, ordonnée, par une délibération des Élus. 1690.Lieu de conservation : Archives départementales de la Côte-d'Or, Dijon -
Archives nationales : 27 AP/1. Correspondance (Fonds François de Neufchâteau). 24 floréal an II - 22 avril 1814.
Archives nationales : 27 AP/1. Correspondance (Fonds François de Neufchâteau). 24 floréal an II - 22 avril 1814.
Lettre de M. François de Neufchâteau à M. Geoffroy, sous-préfet de l'arrondissement de Charolles. 26 thermidor an XIII.Lieu de conservation : Archives nationales, Paris
À voir
Informations complémentaires
Thématiques :
- architecture rurale du Charolais-Brionnais
Aire d’étude et canton :
Charolais-Brionnais
Dénomination :
ferme
Parties constituantes non étudiées :
- remise agricole
- fenil
- étable
- logis
- puits
- cour
- four
- toit à porcs
- poulailler
- © Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine, PETR du Pays Charolais-Brionnais