DEMEURE ET FERME DE LA NOUE
71 - Saint-Julien-de-Civry
La Noue
- Dossier IA71003531 réalisé en 2017 revu en 2018
- Auteur(s) : Aurélien Michel, Philippe Mairot, Raphaël Favereaux
Historique
Etymologiquement, le nom « La Noue » (du gaulois nauda) désigne un lieu humide, voir un marécage (ROSSI, Mario, Les noms de lieux du Brionnais-Charolais, éd. Publibook, 2009). Le hameau surplombe effectivement un petit vallon en prairie, traversé par un ruisseau qui pouvait en certaines périodes inonder et immerger en partie les prés. L’existence du « villaige de la Nouhe » est attestée dans la seconde moitié du XVIe siècle, grâce au terrier de la seigneurie de Vaulx de Chizeuil daté de 1565. Il se situe à un carrefour de chemins (celui de Saint-Julien à Amanzé et celui de Saint-Germain à Amanzé). Le hameau compte alors 6 feux (foyers).
Historique des propriétaires
Le terrier (registre contenant la description des biens des habitants d'une seigneurie) de 1722 permet de constater que le village est en partie abandonné au cours du XVIIe siècle. Seules subsistent deux habitations appartenant à Catherin Barlet, manouvrier, et Jean Robellet, tisserand, et une ferme, environnée de bâtiments en ruines, propriété de François de Thy, chevalier, seigneur de Milly, résidant en son château de Curtil-sous-Buffières dans le Mâconnais. Ce dernier a hérité de plusieurs biens dans la paroisse de Saint-Julien de sa mère, Antoinette Geoffroy, fille de Claude Geoffroy, écuyer et seigneur de Petit-Bois et Civry. A sa mort le 25 janvier 1726, il lègue ses biens à son neveu, Alexandre. Ce dernier revend la ferme de la Noue le 15 juin 1728 à Jean Circaud (1688-1765), marchand à Chaumont (paroisse d’Oyé), qui fait fortune dans le commerce du bétail gras en association avec son cousin Emiland Mathieu. Le domaine se transmet de père en fils jusqu’à Christophe-Marie Circaud de Chaumont (1768-1834), puis il passe à sa fille et unique héritière, Christine-Hélène (1799- ?), et à son gendre, Alphonse Jules François Michon du Marais (1784-1870). En 1874, la maison et les bâtiments d’exploitation, avec 9 ha de prés, sont revendus à Dominique Lacharme, instituteur à Suin. Le domaine était exploité en faire-valoir indirect, c’est-à-dire loué à un fermier, jusqu'en 1884. A cette date, Lacharme s’installe dans les lieux et devient propriétaire-exploitant. Il constitue une exploitation de 21 ha, avant de décéder en 1921. Son fils, notaire à Montlouis (Indre-et-Loire), conserve la propriété jusqu’à sa mort, sept ans plus tard. En 1932, Jules-François Fénéon acquiert le domaine, bien connu de sa famille. Ses ancêtres – son père, son grand-père et son arrière-grand-père – en avaient été les fermiers entre 1836 et 1884. Aujourd’hui, le fils et le petit-fils de Jules-François poursuivent l’activité. Les terres de la Noue sont ainsi exploitées depuis six générations par cette famille.
Un important domaine d’embouche
En 1722, le domaine appartenant à François de Thy est encore largement couvert de terres. Sur les 40 parcelles qu’il possède, 21 sont des terres cultivées (dont un ancien pré), auxquelles il faut ajouter une vigne et une brosse (terrain broussailleux). Toutefois, la portion en herbe du domaine est déjà importante et compte 17 parcelles (13 en prés, 4 en pâquiers ou pâtures). Bien que les superficies ne soient pas exprimées en hectare dans le registre-terrier, il est vraisemblable que les surfaces cultivées sont peu supérieures aux surfaces en herbe. Avec les Circaud, l’exploitation de la Noue s’oriente de manière significative vers l’activité d’embouche. En 1823, au moment de l’établissement du cadastre, Christophe-Marie Circaud possède 74 hectares sur la commune de Saint-Julien-de-Civry, dont plus de 63 hectares de prés (soit 85 % de la superficie de l’exploitation). Il possède notamment le Grand Pré de la Noue couvrant près de 33 hectares et déjà mentionné dans le terrier de 1721 parmi les biens de François de Thy. Une partie de ce grand pré, qui a été démantelé à partir de la fin du XIXe siècle, appartient encore aujourd’hui à la famille Fénéon (soit 8,23 hectares).
L’activité d’embouche à la Noue est connue au XVIIIe siècle, grâce au livre de comptes de la « Société de la Noue » conservé au château de Chaumont à Oyé et couvrant la période 1743-1778, soit 36 années. Cette société regroupe trois associés : le propriétaire du domaine (Jean Circaud), son partenaire en affaires et cousin (Emiland Mathieu, jusqu’en 1761), et le fermier en charge de l’exploitation (Benoît Lorton, puis sa veuve et son fils). Ils se partagent chaque année les bénéfices de l’activité : la moitié à Lorton, l’autre moitié divisée entre les deux cousins. Circaud reçoit également de son fermier un loyer annuel de 1500 livres. L’activité principale de la société consiste en l’achat de bovins maigres (96 % de bœufs et 4 % de vaches) et leur revente, une fois engraissés, vers les boucheries lyonnaises principalement. La société pratique également le commerce d’autres animaux (pourceaux, moutons et chevaux), mais en plus faible quantité. Sur la période 1743-1778, 2556 bœufs sont achetés pour un montant total de 279 631 livres, soit un prix moyen par tête de 109 livres. 2546 bœufs sont revendus pour un montant total de 368 996 livres, soit un prix de vente moyen par tête de 145 livres. La marge brute moyenne par tête est donc de 36 livres. Cette marge brute par tête évolue à la hausse sur toute la période, passant de 35 livres en 1743 à 49 en 1778. De même, la marge brute globale est en constante augmentation (+ 113 %), passant de 1923 livres en 1743 à 3017 livres en 1778. Les achats se concentrent principalement sur 3 mois, de mars à mai (77 % de l’effectif), les ventes sur 5 mois, de juin à octobre (95% de l’effectif). L’activité est donc saisonnière. La moyenne annuelle de bovins mis à l’embouche est de 74. A raison de deux bêtes à l’hectare, la superficie en herbe du domaine de la Noue peut être estimée à cette époque à près de 40 ha.
Aujourd’hui, l’activité de l’exploitation se partage entre l’élevage naisseur (avec un troupeau d’une trentaine de mères) et l’embouche avec un engagement dans la filière AOP « Bœuf de Charolles » (depuis 2010) et dans le Label Rouge Charolais Terroir (depuis 1989). L’exploitation s’étend sur 77 ha environ, dont 36 ha de prairies à vocation d’embouche et 42 ha de prairies à vocation d’élevage.
Evolution des bâtiments
Dans le terrier de 1722, les bâtiments de la ferme se présentent comme « une maison, chambre, grange, establerie, le tout sous un couvert de thuiles plates », avec cour, aisances, jardin et chènevière. Ils forment ainsi une longère, avec l’habitation et les dépendances regroupées sous le même toit.
Les constructions actuelles sont érigées dans le deuxième quart du XVIIIe siècle, suite à l’acquisition du domaine par Jean Circaud. Un état des lieux de la ferme en 1780 permet de constater que l’ensemble bâti a peu évolué depuis près de trois siècles et que la description qui en est faite en 1780 est très proche de l’état actuel, y compris au niveau de la distribution intérieure.
A cette date, l’ensemble comprend :
- une maison abritant un corridor (avec l’escalier), une « chambre basse à gauche de l’entrée ou corridor » donnant accès à un cabinet (situé dans la partie en appentis à l’arrière de la maison), une cuisine à droite avec « le fournier à côté » (situé dans l'appentis et également utilisé comme bassie ou arrière-cuisine avec sa pierre d’évier) et « deux chambres hautes » (à l’étage),
- une grande dépendance constituée d’une grange ou remise, encadrée par deux « écuries à bœufs », le tout prolongé par une « écurie à moutons »,
- une dépendance secondaire à « deux entrées sans porte » donnant l’une sur une étable « à bœufs », l'autre sur une écurie « à chevaux », le tout surmonté d’un grenier à grains et prolongé d’une remise à bois et d’une cave semi-enterrée,
- un pigeonnier.
Depuis cette période, les bâtiments du domaine ont toutefois connu quelques transformations. A la fin du XVIIIe siècle ou au début du XIXe siècle, la dépendance principale a été prolongée au sud par une seconde remise et au nord, à l’arrière du pigeonnier, par deux loges à cochons, sous un appentis. La maison n’a pas subi de modifications significatives, sauf au niveau de l’appentis. Ce dernier présente en effet des traces de reprises. Deux grandes ouvertures, qui correspondent vraisemblablement aux emplacements successifs du four à pain, ont été rebouchées avec de la brique, l’une entièrement sur la façade postérieure, l’autre partiellement sur la façade latérale est.
Période(s)
Principale :
- 2e quart 18e siècle
Description
Construits parallèlement, les deux bâtiments agricoles forment une cour, fermée au nord par le logis. Tous les bâtiments sont construits en moellons de calcaire, certaines façades portant des traces d'enduit. Pourvu d'un étage carré, le logis est couvert d'un toit à longs pans et croupes. Ces dernières, ainsi que le versant sud, sont couverts en tuiles plates, alors que l'appentis nord l'est en tuiles mécaniques. Le bâtiment abritant les étables, les remises et fenils est couvert d'une charpente en bois et d'un toit à longs pans en tuiles plates et tuiles mécaniques. Construit en rez-de-chaussée, le bâtiment abritant les remises, l'étable et le bûcher est couvert en tuiles mécaniques. Le pigeonnier, de section carrée, est couvert d'un toit en pavillon et tuiles plates.
Murs :
- pierre
- moellon
- enduit partiel
Toit :
- tuile plate
- tuile mécanique
Etages :
- en rez-de-chaussée
- 1 étage carré
Couvrement :
- charpente en bois apparente
Elévation :
- élévation à travées
Couvertures :
- appentis
- toit à longs pans, croupe
- toit en pavillon
Source(s) documentaire(s)
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Archives départementales de la Saône-et-Loire : 3P 433/1. Cadastre de la commune de saint-Julien-de-Civry. 1824-1965.
Archives départementales de la Saône-et-Loire : 3P 433/1. Cadastre de la commune de saint-Julien-de-Civry. 1824-1965.
- 3P 433/1 MA : Registre des états de sections. 1824.
- 3P 433/1 MA : Matrice cadastrale des propriétés bâties et non-bâties. 1824-1882 (propriétés bâties), 1824-1914 (propriétés non-bâties).
- 3P 433/1 MR : Matrice cadastrale des propriétés bâties. 1911-1965.
- 3P 433/1 MR : Matrice cadastrale des propriétés non-bâties. 1914-1965.Lieu de conservation : Archives départementales de Saône-et-Loire, Mâcon -
Archives départementales de la Saône-et-Loire : E 263. Terrier des seigneuries de Dyo et Vaulx de Chizeuil. 1721-1741.
Archives départementales de la Saône-et-Loire : E 263. Terrier des seigneuries de Dyo et Vaulx de Chizeuil. 1721-1741.Lieu de conservation : Archives départementales de Saône-et-Loire, Mâcon -
Collection particulière. Etat des lieux de la ferme de la Noue. 26 mars 1780.
Collection particulière. Etat des lieux de la ferme de la Noue. 26 mars 1780.Lieu de conservation : Collection particulière -
Collection particulière. Registre de la Société de la Noue. 1742-1778.
Collection particulière. Registre de la Société de la Noue. 1742-1778.Lieu de conservation : Collection particulière
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ROSSI, Mario. Les Noms de lieux du Charolais-Brionnais. 2009.
ROSSI, Mario. Les Noms de lieux du Charolais-Brionnais. Paris : Editons Publibook, 2009. -
SANDRE, Joseph. Essai de monographie locale : simples notes sur Saint-Julien-de-Civry. 1896.
SANDRE, Joseph. Essai de monographie locale : simples notes sur Saint-Julien-de-Civry. [s.l.] : Académie de Mâcon, 1896.
À voir
Informations complémentaires
Thématiques :
- architecture rurale du Charolais-Brionnais
Aire d’étude et canton :
Charolais-Brionnais
Dénomination :
ferme
Parties constituantes non étudiées :
- étable à vaches
- fenil
- remise
- étable à chevaux
- porcherie
- puits
- cour
- jardin potager
- mur de clôture
- logis
- colombier
- © Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine, PETR du Pays Charolais-Brionnais