DEMEURE, DITE "CHÂTEAU DE LA CROIX", ET FERME
71 - Oyé
La Croix
- Dossier IA71003543 réalisé en 2018
- Auteur(s) : Aurélien Michel, Raphaël Favereaux, Philippe Mairot
Historique
Historique des propriétaires
Les bâtiments ont été construits au début des années 1780. Le linteau d’une fenêtre de la maison, sur la façade sud, porte un millésime : 1784. La parcelle était auparavant une terre cultivée « au territoire des Verchères d’Oyé couvrant dix bichetées et demye de semences » (terrier de la seigneurie d’Oyé, arch. dép. 71, cote E309) appartenant aux barons d’Oyé – les Andrault de Langeron, seigneurs du lieu depuis le début du XVIIe siècle. Charles-Claude Andrault de Langeron (1720-1792) vend vers 1780 le terrain à Jean-Marie Mathieu (1729-1791) et son fils Emiland (1757-1846), deuxième du nom, qui font ériger l’ensemble des bâtiments.
Les Mathieu sont une famille de marchands, originaire du village de Sancenay, à 1,5 km du bourg d’Oyé, où leur présence est attestée depuis le XVIe siècle. Jean Mathieu, arrière-grand-père de Jean-Marie, s’installe à Chaumont à la fin du XVIIe siècle avec un cousin Antoine Circaud. Les deux familles s’associent sur trois générations et font fortune dans l’embouche et le commerce des bovins. En 1760, Emiland Mathieu (1702-1778), premier du nom, père de Jean-Marie, resté célèbre pour son voyage à pied de 17 jours en 1747 pour vendre ses bœufs gras au marché de Poissy, près de Paris, s’installe dans le château au bourg d’Oyé. Il occupe alors la charge de fermier de la baronnie qu’il transmet à son fils, puis à son petit-fils. Ce dernier continue à gérer les biens des Andrault de Langeron après la Révolution.
La construction des bâtiments du domaine s’achève en 1784, année du mariage d’Emiland Mathieu, deuxième du nom, célébré le 15 juin, avec Gilberte Meilheurat, fille d’un propriétaire terrien de Montcombroux dans le Bourbonnais (actuel département de l’Allier). L’édification de cet ensemble reflète l’ascension de la famille sur plusieurs générations et leur réussite dans le négoce du bétail, devenue emblématique. Les Mathieu possèdent 86 ha à Oyé presque exclusivement en herbe, dont 4 grands prés d’embouche : le pâquier Grillet (7,7 ha), le pré du Champ de Pierrelaye (11,7 ha), le grand pré de Sancenay (21,5 ha) et le pré des Chaumes (26,3 ha). Toutefois, les revenus de la famille ne proviennent pas seulement de l’exploitation de leurs propres terres, mais aussi de plusieurs domaines qu’ils tiennent en fermage (les domaines dits « Chassignole », « Jeannot », « Fenayon » et celui des Forges qui est sous-affermé).
Emiland Mathieu, qui décède à presque 90 ans en 1846, est le dernier représentant de sa lignée à Oyé. Il avait transmis la propriété du domaine à son fils aîné, Pierre-François (1786- ?), par son contrat de mariage avec Jeanne-Marie Auloy, devant Maître Millon, notaire à Joncy, le 8 septembre 1812. Installé dans la Nièvre, Pierre-François vend la propriété à Charles-Léopold, comte de Digoine, receveur particulier des finances à Charolles, le 5 décembre 1828, à condition que ses parents en conservent l’usufruit pendant leur vie. En 1830, l’ensemble est revendu aux mêmes conditions, à Gaspard Vincent (1774-1858), banquier lyonnais. Il est ensuite transmis par mariage à Adrien-Marie Devienne (1802-1883), sénateur et premier président de la Cour de cassation de Paris, puis, en 1900, à Marie-André-Jean de la Croix de Ravignan. Une descendante en est encore aujourd'hui propriétaire.
Evolution des bâtiments
L’ensemble présente un bon état de conservation et n’a pas connu d’évolution significative depuis sa construction. L’inventaire après décès de Gilberte Meilheurat (arch. dép. 71, cote 3E 9470), réalisé en février 1836, deux mois après sa mort, permet de connaître la distribution de la maison et de ses 22 pièces. Elle se composait au rez-chaussée d’un vestibule avec un escalier « en pierre de taille », des cuisines et offices, d’une salle à manger, de deux salons (dont un avec des tables de jeux), d’une bibliothèque contenant plus de 730 volumes et de la chambre de Madame Mathieu avec ses cabinets attenants. A l’étage, se trouvaient 4 chambres (dont celle de Monsieur Mathieu), disposant elles aussi de leurs cabinets attenants, d’une antichambre, d’une salle de billard et de 3 chambres de domestique. Les combles de la maison sont utilisés comme greniers. Ils abritent également une autre chambre de domestique. Une cave se trouve sous une partie de la maison, dont la distribution générale témoigne d’un mode de vie « aristocratique ».
En 1836, le grand bâtiment de dépendance, long de 47 m, regroupait une boulangerie, avec le fournil et le farinier attenant et une laiterie, le tout surmonté d’un logement pour des domestiques, un cuvage abritant également le pressoir du domaine, une écurie de chevaux avec une chambre pour le palefrenier, une remise et trois étables doubles pour les bovins. Sur le plan cadastral de 1825 apparaissent deux ailes de bâtiments sur la cour de ferme, non décrites dans l’inventaire de 1836, une à l’ouest, encore existante, une autre à l’est, disparue. L’aile ouest abritait le logement des grangers, chargés de l’exploitation du domaine, un hangar à bois, ainsi qu’un petit bâtiment sur cave (probablement un grenier). Une nouvelle aile fut ajoutée dans la seconde moitié du XIXe siècle, fermant la cour au nord et abritant plusieurs loges à cochons et poulaillers, ainsi qu’une pièce avec une cheminée ayant peut-être constitué un logement complémentaire.
La vacherie modèle d’Oyé
En 1891, une vacherie modèle, destinée à l’amélioration de la race charolaise, est installée dans les dépendances du domaine. Un bail est signé le 25 décembre 1890 entre le propriétaire (André-Victor Devienne) et la société civile anonyme chargée de la gestion de l’établissement. Cette société est créée sous le patronage des chambres d’agriculture des départements de la Loire et de Saône-et-Loire, grâce à l’influence de deux députés, Jean-Honoré Audiffred et Jean-Baptiste Bouthier de Rochefort, propriétaire à Semur-en-Brionnais. L’objectif est de « perfectionner par une sélection rigoureusement pratiquée dans les conditions naturelles les plus favorables, c’est-à-dire dans les pâturages reconnus les meilleurs, une de nos plus belles races françaises ». Cette amélioration de la race a pour but de « permettre de concurrencer les races étrangères sur les marchés intérieur et extérieur, de favoriser son exportation qui cette année [1891], pour la première fois, s’est produite en Italie et en Allemagne » (Arch. dép. 42, cote 7M 58 et 283).
La vacherie entretient une trentaine de vaches et 3 taureaux reproducteurs, qui produisent des veaux, mâles et femelles, destinés à devenir des reproducteurs d’élite et vendus aux enchères publiques à la fin de chaque année dans la cour de la ferme. Les taureaux de la vacherie sont également déplacés chez des éleveurs de la région. La vacherie cesse son activité en 1903, après avoir cependant « rendu au pays des services incontestables et incontestés ». Cette initiative, bien qu’éphémère, s’inscrit dans une période où l’amélioration des races étaient une des préoccupations majeures du monde agricole, marquée localement par la création du herd-book de la race bovine charollaise pure en 1887.
Période(s)
Principale :
- 4e quart 18e siècle
Date(s)
1784 :
porte la date
Description
L'ensemble comprend une demeure bâtie au centre d'un parc et une ferme le flanquant au nord-est. Construite en moellon de calcaire enduit sur un soubassement en pierre de taille, la demeure adopte un plan en U. Elle comprend un sous-sol, un rez-de-chaussée légèrement surélevé et un étage carré, et est couverte d'un toit à longs pans, croupes et tuile plate. Le léger avant-corps de la façade nord-ouest est surmonté d'un fronton triangulaire percé d'un oculus. La date 1784 est gravée sur une pierre, fixée à l'étage sur la façade sud-ouest. Les bâtiments agricoles délimitent une cour rectangulaire, à l'exception du côté est fermé par un mur flanqué d'un abreuvoir. Tous ces bâtiments sont construits en moellon enduit. Les porcheries, au nord, et la remise flanquée d'un logement, à l'ouest, sont en rez-de-chaussée, couvertes d'appentis en tuile plate et tuile mécanique. Au sud, le bâtiment principal abrite une remise flanquée de quatre étables (de 24 places chacune), surmontées de fenils, ainsi qu'un logement et un four à pain (dont la voûte a disparu) à l'extrémité sud. Il est pourvu d'une charpente en bois et couvert d'un toit à longs pans, croupes et tuile mécanique. Les étables et la remise centrale sont "traversants" en donnant accès, chacun par une porte percée dans le mur sud, au parc de la demeure. Un puits a été creusé au sud-est de la cour.
Murs :
- calcaire
- calcaire
- moellon
- pierre de taille
- enduit partiel
Toit :
- tuile plate
- tuile mécanique
Etages :
- en rez-de-chaussée
- 1 étage carré
- sous-sol
- rez-de-chaussée surélevé
Couvrement :
- charpente en bois apparente
Elévation :
- élévation à travées
Couvertures :
- toit à longs pans, croupe
- appentis
Source(s) documentaire(s)
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Archives départementales de la Saône-et-Loire : 3P 337/1. Cadastre de la commune d'Oyé. 1826-1965.
Archives départementales de la Saône-et-Loire : 3P 337/1. Cadastre de la commune d'Oyé. 1826-1965.
- 3P 337/1 MA. Registre des états de section. 1826.
- 3P 337/1 MA. Matrice cadastrale des propriétés bâties et non-bâties. 1826-1882 (propriétés bâties), 1826-1914 (propriétés non-bâties).
- 3P 337/1 MR : Matrice cadastrale des propriétés bâties. 1911-1965.
- 3P 337/1 MR : Matrice cadastrale des propriétés non-bâties. 1914-1965.Lieu de conservation : Archives départementales de Saône-et-Loire, Mâcon -
Archives départementales de la Saône-et-Loire : E 309. Terrier de la seigneurie d'Oyé. 1728-1734.
Archives départementales de la Saône-et-Loire : E 309. Terrier de la seigneurie d'Oyé. 1728-1734.Lieu de conservation : Archives départementales de Saône-et-Loire, Mâcon -
Archives départementales de la Saône-et-Loire : 3E 9470. Minutes de l'étude notariale de Jean-Baptiste Deshaires, fils (Semur-en-Brionnais). 1835-1836.
Archives départementales de la Saône-et-Loire : 3E 9470. Minutes de l'étude notariale de Jean-Baptiste Deshaires, fils (Semur-en-Brionnais). 1835-1836.
Inventaire après décès de Madame Gilberte Meilheurat, épouse du Sieur Emiland Mathieu. 11, 12, 13, 15 et 16 février 1836.Lieu de conservation : Archives départementales de Saône-et-Loire, Mâcon -
Collection particulière. Acte de vente de la propriété d'Oyé par Mr le comte de Digoine à Mr Claude Gaspard Vincent, chez maître Dugueys, notaire à Lyon. 27 décembre 1830.
Collection particulière. Acte de vente de la propriété d'Oyé par Mr le comte de Digoine à Mr Claude Gaspard Vincent, chez maître Dugueys, notaire à Lyon. 27 décembre 1830.Lieu de conservation : Collection particulière -
Archives départementales de la Loire : 7 M 58. Société civile (anonyme) pour l'amélioration de la race bovine charolaise pure (Roanne). 1890-1904.
Archives départementales de la Loire : 7 M 58. Société civile (anonyme) pour l'amélioration de la race bovine charolaise pure (Roanne). 1890-1904.
Société civile (anonyme) pour l'amélioration de la race bovine charolaise pure (Roanne) : statuts, rapports des commissaires, demandes de subventions, notice du service vétérinaire sur la vacherie-modèle d'Oyé (Saône-et-Loire), prospectus sur la liquidation.Lieu de conservation : Archives départementales de la Loire, Saint-Etienne -
Archives départementales de la Loire : 7 M 283. Vacherie modèle pour l'amélioration de la race charolaise pure à Oyé . 1890-1891.
Archives départementales de la Loire : 7 M 283. Vacherie modèle pour l'amélioration de la race charolaise pure à Oyé . 1890-1891.
Vacherie modèle pour l'amélioration de la race charolaise pure à Oyé : circulaires, lettres d'Honoré Audiffred au préfet.Lieu de conservation : Archives départementales de la Loire, Saint-Etienne
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Vue du château de la Croix à Oyé. Vers 1970.
Vue du château de la Croix à Oyé. Photographie (noir et blanc), par Raymond Oursel, vers 1970.Lieu de conservation : Archives départementales de Saône-et-Loire, Mâcon
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MICHEL, Aurélien. Châteaux en Charolais-Brionnais : du Moyen Âge à la grande propriété du XIXe siècle. 2016.
MICHEL, Aurélien. Châteaux en Charolais-Brionnais : du Moyen Âge à la grande propriété du XIXe siècle. Préf. Claude-Isabelle Brelot ; collab. Dominique Fayard, Jean-Marie Jal, Michel Maerten. Doyen éditeur, 2016.
À voir
Informations complémentaires
Thématiques :
- architecture rurale du Charolais-Brionnais
Aire d’étude et canton :
Charolais-Brionnais
Dénomination :
ferme, château
Parties constituantes non étudiées :
- étable à vaches
- fenil
- remise
- cour
- abreuvoir
- porcherie
- puits
- logement
- logis
- © Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine, PETR du Pays Charolais-Brionnais