VILLAGE DE CORRE

70 - Corre

  • Dossier IA70000668 réalisé en 2015 revu en 2016
  • Auteur(s) : Philippe Mairot
Grande rue. Carte postale. © Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine

Historique


Corre doit à sa position géographique à la confluence de la Saône et du Coney, un rôle important dans le flottage depuis l'antiquité. Plusieurs routes romaines s'y croisent. C'est le point à partir duquel le flottage en train sur la Saône devient possible. De nombreuses fouilles, y compris à l'occasion du percement du canal, ont mis au jour des témoignages d'une occupation gallo-romaine importante. Des stèles funéraires et des urnes, trouvées à Corre sont au musée de Vesoul. Beaucoup auraient été remployées dans un couvent aujourd'hui disparu, au lieu -dit Le Parge. (Le manuscrit 902 de la Bibliothèque de Besançon tel qu'édité sous la direction de Paul Delsalle, indique qu'en 1527, "par le lieutenant du bailly de Jonvelle et prevost de Chastillon fut condamné audit Corre une truye a estre pendue pour avoir murtrir ung enffant. ") On y dénombre 92 feux en 1567-1572 et 62 en 1614. Comme de nombreux autres villages, la guerre de Trente ans -dite ici guerre de dix ans (1634-1644)- et la peste laissent Corre en ruine et dépeuplé. Le village, comme onze autres du canton de Jussey, est dévasté. Selon vingt témoignages relatés dans un document judiciaire, résumé par Finot, il ne reste que quatre maisons non brulées après le passage de "6000 suédois" en 1635 et 1636. Rattaché à la seigneurie de Jonvelle, Corre, aux confins du Comté, de la Lorraine et de la Champagne est partagée entre Lorraine et Comté, jusqu'en 1704, la rue dite de Lorraine marque la frontière et accueille des habitants dépendant du Barrois. D'incessants conflits et droits à payer en résultent, la rivière du Coney ("sans pont, sujette à déborder" précisent les cahiers de doléances) constituant alors un obstacle pour commercer avec le Comté. Par un traité de 1704, le duc de Lorraine cède au roi tous ses droits sur Corre. Seul un gué permet la traversée du Coney et dans les cahiers de doléance (9°) les habitants demandent la construction d'un pont au lieu du bac et du péage : "ils ne peuvent guère commercer ; la rivière du Coney les empêche la plus grande partie de l'année de pouvoir communiquer avec l'intérieur de la Comté, de toutes autres parts ils sont bornés par la Lorraine et la Champagne avec lesquelles ils ne peuvent commercer, à cause des droits exorbitants d'entrée et de sortie et des marchandises prohibées." (cahiers de doléance, 4°) Sur le cadastre, (commencé en 1819 et terminé en 1823), seul un gué figure en 1819. Un pont sur le Coney est construit en fil de fer (en 1838 selon le dictionnaire des communes, mais une correspondance de 1895 au préfet évoque la "construction d'un pont en fil de fer" puis le "rétablissement de ce pont") et un sur la Saône, en fonte, en 1845, détruit vers 1938 (?), reconstruit en béton en 1939, tel qu'on le voit aujourd'hui. Un plan d'alignement est approuvé le 10 novembre 1846. Consécutivement à la défaite de 1870, le canal de l'Est, décidé par la loi du 24 mars 1874, à la suite d'une enquête d'utilité publique prescrite par arrêté du 26 juin 1872 et décidée à Vesoul le 4 juillet 1872, est ouvert en 1884-1887. Le cours de la Saône qui longeait le lieu-dit Au Parge (parc Barbey) et confluait avec le Coney plus au nord par un méandre, est alors lui-même dévié vers le sud-est à travers le lieu dit Sous Bémont. Les protestations du maire sont nombreuses : Il évoque un "préjudice considérable aux habitants de Corre et notamment à la commune qui va voir son presbytère et la maison d'école des garçons complètement enfouie dans les remblais." La menace qui selon lui pèse sur le lavoir et l'abreuvoir est telle "que la population émue de cette situation est dans un état de surexcitation impossible à décrire." Le 20 juillet 1880 le maire écrit au député, après avoir critiqué l'insuffisance des égouts : " les lavoirs et abreuvoirs que l'administration se propose de reconstruire ne remplaceront jamais ceux que nous avions." Le pont fait l'objet alors d'une reconstruction, à la suite du projet des ingénieurs Frécot, Pugnière, Travelet et Hausser, de 1880. Ce pont lui-même est visé par des protestations et une pétition à propos de la dimension du garde-corps, jugé dangereux. Dans la même pétition, les signataires demandent que les "plantations projetées le long du canal soient interrompues au droit du village pour permettre aux habitants du faubourg de voir l'heure du cadran de l'horloge et d'entendre la sonnerie." Aucun port n'est initialement prévu dans le village à l'occasion de cette canalisation du Coney et de la Saône. Un temps envisagé par la commune, celle-ci y renonce, eu égard au coût et à la gêne que cela occasionnerait à un riverain : M. Barbey, comme l'attestent les correspondances de 1880 entre le maire et l'ingénieur ordinaire. D'autres protestations encore se font jour à propos de peupliers abattus ("grand préjudice causé à la commune" évoqué dans la correspondance du 3 juillet 1880)
Une "école des deux sexes" fait l'objet de réparations par l'architecte Servas en 1838 et l'on suppose qu'elle occupait alors le bâtiment encore en place 2 rue Monasson ; ancienne maison commune, elle porte encore une inscription mentionnant : "maison consacrée à l'instruction de la jeunesse 1812". En 1853, l'ancien presbytère qui occupait les parcelles 185 et 186 de l'ancien cadastre à l’angle des deux routes principales -grande rue et rue dite du mond’ la ville-, c’est-à-dire au sud de la façade méridionale de l’église, parcelles aujourd’hui libres de toute construction, est transformé et réaffecté à usage de mairie, local de pompe à incendie, logement de l'instituteur et école. L'instituteur qui en dresse les plans vraisemblablement en 1888 (ou 1864?) écrit que l"école "a été fondée vers l'an 1600." La commune jugeant les locaux de la mairie trop à l’étroit, adossés à l’appentis à usage de logement de l’instituteur, charge l’architecte Humbert de dresser un projet de démolition partielle, de reconstruction d’une mairie et remise à pompes et de confortation de la salle de classe. Ses plans du 10 août 1896 sont approuvés par le préfet le 10 mai 1897. (L'ensemble est détruit entre 1981 et 1982.) La construction d’une école de filles, par l'architecte Barbey, est approuvée par le préfet en 1881, 24 rue Billecard. Une maison des instituteurs est encore en place 10, rue Billecard (parcelle cadastrale D 259).
En 1912, l'architecte Humbert conduit des travaux d'établissement d'un lavoir couvert. Un nouveau lavoir sera édifié au bord du canal de l'Est encore en 1936.
A l'angle nord de la place du général de Gaulle et le long de la rue Monasson, se trouve un ensemble commercial (hôtel, magasin de vin en gros, épicerie, mercerie) détruit dans les années 1980. Les alignements des façades sur la rive nord le long de l'axe sud-est nord-ouest et en retrait de la voie, sur les rues dites actuellement Bernard Froeliger et Jean Monasson, anciennement Minot et grande rue sont déjà clairement présents sur le cadastre ancien. Il en va de même sur la rive sud de l'extrémité nord-ouest de la rue Froeliger. (Une boucherie charcuterie avec son abattoir et ses annexes est construite et, en 1908, fait saillie sur cet alignement, à la jonction des rues alors dénommées rue des Fosses et rue Minot.) Un développement d'habitation se fait sur la rive gauche du Coney, le long des anciens chemins vicinaux qui desservent Demangevelle et Vauvillers, qui sur le cadastre ancien sont encore inhabités et les toponymes suggèrent d'anciennes vignes (derrière les vignes, vignes des cotés). Ce quartier dit les cotés, puis le faubourg, compte aujourd'hui une trentaine de maisons, la plupart en rez-de-chaussée.
Chemin de fer : La ligne de chemin de fer de Jussey à Darnieulles-Uxegney, permettant de rejoindre Epinal, par Corre, est décidée par la loi du 17 juillet 1879, ouverte en 1886. En résultent la construction de divers ouvrages spécifiques (gare, hangars, etc.) et, comme pour le canal, des modification de tracés divers pour maintenir la continuité des écoulements d'eau et des voies de communication : ponts, chemins, aqueducs, passage à niveaux, etc. Pour le canal comme pour le chemin de fer, la commune est encouragée à donner les terrains lui appartenant. Cette ligne ferme par étapes entre 1951 et 1990. La section de Jussey à Passavant, à laquelle appartient Corre est déclassée en 1994. La commune se porte acquéreur de l'emprise ferroviaire pour y développer un lotissement de maisons individuelles et une promenade.
Un mausolée de la guerre 1939-1945 - disposé au cimetière, au nord du village - et le nom des fusillés donné à presque toutes les rues rappellent le souvenir d'un combat qui valut à la commune d'être décorée de la croix de guerre.
Période(s)
Principale :
  • Moyen Age
  • Temps modernes
  • Epoque contemporaine

Description


Au moment de la levée du cadastre napoléonien (1819-1823), la grande rue (aujourd'hui rue Monasson) du village se développe dans l'axe de la partie guéable de la rivière du Coney et constitue une des voies du développement urbain qui se poursuit par la rue des fosses (aujourd'hui rue Monasson), vers l'ouest et par la rue Minot - dont les alignements en retrait de la voie sont très marqués - (aujourd'hui rue Froeliger) vers le nord- ouest. Les fonds de parcelles y sont délimités par une haie. Un peu plus au sud, la rue de France, anciennement rue de Lorraine aujourd'hui rue Billecard, orientée vers l'ouest depuis la rivière constitue la limite ouest d'un ilot central largement occupé par des jardins et des vergers. Enfin un dernier axe (rue du mond'la ville (aujourd'hui rue Emile Hauviller) vers le nord, suit la rivière (aujourd'hui le canal et son chemin de contre-halage) et constitue une route rectiligne dont la densité du bâti va décroissant à l'approche de l'usine de bois. Les alignements des façades sur la rive nord le long de l'axe sud-est nord-ouest et en retrait de la voie, sur les rues dites actuellement Bernard Froeliger et Jean Monasson, anciennement Minot et grande rue sont déjà clairement présents sur le cadastre ancien. Il en va de même sur la rive sud de l'extrémité nord-ouest de la rue Froeliger. Une boucherie charcuterie avec son abattoir et ses annexes est construite et, en 1908, fait saillie sur cet alignement, à la jonction des rues alors dénommées rue des Fosses et rue Minot. Une boulangerie aujourd'hui fermée est située au 10 rue Jean Monasson où se trouve encore le four (Dupin, Dijon). De nombreuses façades sont à travées et présentent une rangée de fenêtres donnant jour aux combles dont la forme caractéristique est oblongue, assez souvent en grès, (exemple presbytère, ancienne gendarmerie puis mairie, ferme, 4 rue Louis Boulanger, 18 et 19 rue Hauviller, le pavillon Barbey, 19 rue Pierre Billecard, plusieurs maisons (12, 14, 18 ) de la rue Jean Monasson, 6, 10 rue Froeliger, ou encore plusieurs rue Maurice Boulanger et rue Billecard. On trouve quelques-unes de ces baies de forme barlongue comme au 6 rue Jean Monasson ou, antérieurement, sur la maison Folley place du général de Gaulle. Plusieurs sont décorées de lambrequins (exemple 15 et 3 rue Hauviller, 16 rue du faubourg, 10 rue Pierre Billecard). La nappe phréatique se trouvant très proche du niveau du sol, on ne trouve presqu'aucune cave dans les maisons de Corre, sinon semi-enterrée comme dans l'ancienne maison du marquis de Landreville (15 rue Hauviller) et dans le presbytère.
Sur le cadastre ancien, une place plantée d'arbres et ornée d'un calvaire, bordée par les rues St Maurice et du carron, occupe sensiblement le centre à la croisée des voies principales. Sur le côté ouest de cette place, le sieur Folley et "dame Page Destroibans" (?) font construire leur maison qui porte la date 1750. A l'angle nord de cette place (du général de Gaulle) et le long de la rue Monasson, un ensemble commercial (hôtel, magasin de vin en gros, épicerie, mercerie) est détruit dans les années 1980.

Source(s) documentaire(s)

  • CP_ AL _177 Plan d'alignement des rues 1843
    Plan d'alignement des rues, 1843.
    Lieu de conservation : Archives départementales de la Haute-Saône, Vesoul - Cote du document : CP_ AL _177
  • 3 O 183 Corre : Travaux communaux
    Corre : Travaux communaux (devis descriptifs, plans, correspondances)
    Lieu de conservation : Archives départementales de la Haute-Saône, Vesoul - Cote du document : 3 O 183
  • cadastre napoléonien de Corre 1819.
    Cadastre napoléonien, Corre. Tableau d'assemblage et feuilles de sections. 1819, papier.
    Lieu de conservation : Archives départementales de la Haute-Saône, Vesoul - Cote du document : 3P2782/1 à 18
  • Walter, Hélène. La sculpture funéraire gallo-romaine en Franche-Comté, 1974
    Walter, Hélène . la sculpture funéraire gallo-romaine en Franche-Comté. Presses universitaires de Franche-Comté, 1974, 184 p.
  • Finot, Jules. Un document judiciaire concernant les dégâts commis par les troupes suédoises dans le bailliage d'Amont-en-Franche-Comté, pendant la guerre de Trente ans, 1877
    Finot, Jules. Un document judiciaire concernant les dégâts commis par les troupes suédoises dans le bailliage d'Amont-en-Franche-Comté, pendant la guerre de Trente ans, A. Suchaut, Vesoul, 1877, 35 p. in-8
    Lieu de conservation : Bibliothèque nationale, Paris - Cote du document : 8-Z-9948
  • Sous la dir. de Paul Delsalle. Cinq cent villages du comté de Bourgogne, entre Saône et Doubs vers 1567-1572 : Tome 1, Introduction - la prévôté de Jussey, 2016
    Cinq cent villages du comté de Bourgogne, entre Saône et Doubs vers 1567-1572 : édition du manuscrit 902 de la bibliothèque d'étude et de conservation, Besançon. Tome 1, Introduction générale ; la prévôté de Jussey / sous la dir. de Paul Delsalle. - Vy-lès-Filain (70) : Franche-Bourgogne, 2016. - 225 p
    Lieu de conservation : Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire et Patrimoine, Besançon - Cote du document : R.HI.5694

Informations complémentaires

Thématiques :
  • val de Saône
Aire d’étude et canton : Val de Saône
Hydrographie : la Saône, canal des Vosges, le Coney, affluent de la Saône
Dénomination : village
Carte interactive
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