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IMMEUBLE ET ATELIERS D'HORLOGERIE MAILLARDET, FAIVRE ET FAIVRE-PIERRET

25 - Morteau

impasse Marcel Bobillier

  • Dossier IA25001824 réalisé en 2013 revu en 2018
  • Auteur(s) : Laurent Poupard
Façade antérieure, de trois quarts droite. © Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine

Historique


Les deux maisons dessinées sur le plan cadastral de 1816 appartiennent à Jean Antoine Simonin (E 46) et à la veuve de François Xavier Chaboz (E 45). Propriété en 1841 de Pierre Joseph Bidal ("à deux étages, en bon état"), de même que la maison précédente (actuel n° 8, "à un étage, en bon état"), elles disparaissent dans l'incendie du 5 mai 1865 qui détruit la Grande Rue. Le bâtiment actuel (avec boutiques sur la rue) est reconstruit en 1866 par le négociant Alphonse Balanche - ou Ballanche - (1830-1896). A son décès, il passe à son fils Léon (1865-1900), dit "négociant en graines et farines", père d'André Balanche (1894-1971) qui sera horloger au 9 rue René Payot (dans la maison de son beau-père Lucien Deleule) et à Monte-Carlo.
Il est apparemment endommagé par un incendie au cours de la première guerre mondiale, puis cédé à son issue à Ernest Droz-Vincent. Ce dernier est vraisemblablement Ernest Louis Aimable Droz-Vincent (1879-1955), dont le gendre Henri Faivre crée à la fin des années 1930 (en 1937 ou 1939) son atelier d'horlogerie dans l'étage en surcroît du bâtiment, dont l'adresse est alors le 8 Grande Rue. Employant quelques ouvriers, Faivre y fabrique des montres de gousset de type Roskopf (échappement à ancre à chevilles), exploitant les marques Davos et Otec (déposée le 9 août 1948). Il quittera les lieux pour la maison et l'atelier qu'il se fera bâtir en 1958-1959 au 19 rue Antoine de Roche (fabrique de montres et baromètres Faivre-Dutec). Un autre atelier d'horlogerie y est signalé vers 1925 : celui de Paul Maillardet (1884-1946), descendant d'une famille d'horlogers suisses (au nombre desquels Jean David Maillardet, de Fontaines, commune de Val-de-Ruz, canton de Neuchâtel). Se déclarant spécialiste des montres bon marché, montres système Roskopf et montres pour automobiles, Maillardet a quitté La Chaux-de-Fonds pour Morteau, où il est signalé au 8 Grande Rue avant de s'installer dans la deuxième moitié de la décennie 1920 aux 22 et 24 rue Fauche.
Le bâtiment, revendu dans les années 1920 au marchand de bestiaux et négociant (boucher-charcutier) Jules Cuenot (1869-?), paraît selon la matrice cadastrale agrandi vers 1932 et 1937 (construction du 3e étage ?). Il passe vers 1944 à la veuve Cuenot, née Maillard, puis vers 1958 à son fils Raoul (1905-2002) et à Jean-Claude Bobillier. Outre la fabrique d'horlogerie Faivre, il abrite dans les années 1950 l'atelier de galvanoplastie (dorage, argentage et nickelage) du Suisse François Douchet (à l'origine de l'activité de "nickelage et arpentage de mouvements" mentionnée là en 1938 ?). Cette affaire, classée en 1965 dans la catégorie de 0 à 10 salariés, sera ensuite remplacée par celle de Colard (Charles Colard, établi au 6 bis rue Jean Jaurès en 1957 ?), qui occupera deux ou trois ouvriers. L'horloger Raymond Faivre-Pierret (1902-1986) s'installe dans l'immeuble au cours de la décennie 1960. Il avait créé son affaire en 1927, dans un bâtiment situé au 1 rue de la Louhière (cadastré 2018 AC 85), puis s'était associé en 1937 avec son frère Alfred (1896-1962) au sein des Ets Faivre-Pierret Frères, exploitant la marque Far (Faivre Alfred et Raymond) déposée le 30 août 1937. Tous deux avaient transporté leur affaire après la deuxième guerre mondiale (vers 1947 ?) au 5 rue Fauche, dans la maison appartenant à la veuve de l'horloger rhabilleur Henri Leiser. Après le décès d'Alfred en 1962, Raymond s'installe donc (en 1963 ? après 1965 ?) Grande Rue, au premier étage dans l'angle nord-est de l'immeuble. Son fils Jean-Claude, qui l'a rejoint en 1957, ne reprend pas la petite entreprise familiale (elle aussi classée en 1965 dans la catégorie de 0 à 10 salariés), qui disparaît en 1975. Le bâtiment n'abrite plus d'activité productive mais des boutiques et des appartements.
Période(s)
Principale :
  • 3e quart 19e siècle
Secondaire :
  • 2e quart 20e siècle

Description


Présentant au sud-ouest une façade antérieure en pierre de taille enduite, l'immeuble a des murs en moellons calcaires enduits (avec essentage de ciment amiante pour le mur pignon nord-est). Il comporte trois étages carrés et un étage en surcroît, desservis par des escaliers dans-oeuvre en béton. Il est coiffé par un toit à longs pans, avec croupe au sud-ouest et pignon couvert au nord-est, à couverture de tuiles mécaniques.
Murs :
  • calcaire
  • calcaire
  • moellon
  • pierre de taille
  • enduit
  • enduit
  • essentage de ciment amiante
Toit :
  • tuile mécanique
Etages :
  • 3 étages carrés
  • étage en surcroît
Elévation :
  • élévation à travées
Escalier :
  • escalier dans-oeuvre en maçonnerie

Source(s) documentaire(s)

  • 3 P 412 Cadastre de la commune de Morteau, 1816-1978
    3 P 412 Cadastre de la commune de Morteau, 1816-1978- 3 P 412 : Atlas parcellaire (11 feuilles), dessin (plume, lavis), par les géomètres du cadastre Girardier et Mestre, 1816-1817- 3 P 412/1 : Registre des états de sections, 1818- 3 P 412/4-5 : Matrice cadastrale des propriétés bâties et non bâties, 1823-1875. Le 1er volume manque.- 3 P 412/2-3 : Matrice cadastrale des propriétés bâties et non bâties, 1876-1914- 3 P 412/6 : Matrice cadastrale des propriétés bâties, 1882-1910- 3 P 412/7-9 : Matrice cadastrale des propriétés non bâties, 1911-1965- 3 P 412/10-13 : Matrice cadastrale des propriétés bâties, 1911-1978
    Lieu de conservation : Archives départementales du Doubs, Besançon - Cote du document : 3 P 412
  • Collection [catalogue Faivre-Pierret], années 1970
    Collection [catalogue Faivre-Pierret]. - [Morteau] : [Faivre-Pierret], s.d. [années 1970]. 11 p. : ill. ; 18 x 24 cm.
    Lieu de conservation : Collection particulière : Jacques Dromard, Villers-le-Lac
  • Dép[artemen]t du Doubs. Plans d’alignements de la Ville de Morteau, chef-lieu de canton, 1841-1842
    Dép[artemen]t du Doubs. Plans d’alignements de la Ville de Morteau, chef-lieu de canton, dessin (plume, lavis), par le géomètre Courvoisier, terminé le 24 novembre 1841 et modifié le 19 juin 1842, 6 feuilles, 70 x 103 cm, échelles 1/2 000 (tableau d’assemblage) et 1/500
    Lieu de conservation : Archives départementales du Doubs, Besançon - Cote du document : OPA 140
  • Route départementale n° 2 de Besançon à Morteau. Plan des alignements de la traverse de Morteau [rue de la Louhière, Grande Rue et rue de l'Helvétie], 29 novembre 1873
    Route départementale n° 2 de Besançon à Morteau. Plan des alignements de la traverse de Morteau [rue de la Louhière, Grande Rue et rue de l'Helvétie], photocopie d'un dessin (plume, lavis), par l'ingénieur ordinaire Berquet, Pontarlier le 29 novembre 1873, validé en 1876 et annexé au décret ministériel du 5 juillet, échelle 1/200, 34 x 348 cm
    Lieu de conservation : Collection particulière : Henri Leiser, Morteau
  • Ponts et Chaussées. Route nationale n° 437 de Saint-Claude à Belfort. Plan d'alignements de la traverse de Morteau [rue de la Louhière, Grande Rue et rue de l'Helvétie], 28 septembre 1907
    Ponts et Chaussées. Route nationale n° 437 de Saint-Claude à Belfort. Plan d'alignements de la traverse de Morteau [rue de la Louhière, Grande Rue et rue de l'Helvétie], photocopie d'un dessin (lavis), par l'agent voyer d'arrondissement Chirouze, 28 [septembre 1907], 30 x 278 cm, 1/50
    Lieu de conservation : Collection particulière : Henri Leiser, Morteau
  • 210. - Morteau. - Grand'Rue, limite 19e siècle 20e siècle ?
    210. - Morteau. - Grand'Rue, carte postale, s.n., s.d. [limite 19e siècle 20e siècle ?], Farine Frères éd. à MorteauPubliée dans : Leiser, Henri ; Jacquot, Didier. Morteau et environs d'hier à aujourd'hui. - Pontarlier : Presses du Belvédère, 2010, p. 84.
  • Morteau. - La Grande Rue (côté droit), 4e quart 19e siècle
    Morteau. - La Grande Rue (côté droit), carte postale, s.n., s.d. [4e quart 19e siècle], Charles Pierre éd. à MorteauPorte la date 19 juillet 1906 au recto (manuscrite) et au verso (tampon). Avant 1903. Publiée dans : Vuillet, Bernard. Le val de Morteau et les Brenets en 1900. - 1978, p. 48.
    Lieu de conservation : Collection particulière : Henri Bonnet, Fournet-Luisans
  • 7. Morteau. - Grande Rue [au niveau de la place de l'Hôtel de Ville], limite 19e siècle 20e siècle [avant 1905]
    7. Morteau. - Grande Rue [au niveau de la place de l'Hôtel de Ville], carte postale, s.n., [limite 19e siècle 20e siècle, avant 1905], Sabardin éd. à Morteau. Porte la date août 1905 (tampon) au recto et au verso.
    Lieu de conservation : Collection particulière : Henri Ethalon, Les Ecorces
  • 48 - Morteau - Grande Rue sous la neige (février 1907)
    48 - Morteau - Grande Rue sous la neige (février 1907), carte postale, s.n., Cochois éd. à MorteauDate 21 mai 1907 (tampon) portée au verso.
    Lieu de conservation : Collection particulière : Henri Ethalon, Les Ecorces
  • Guichard, Jean-Marie. Recherches généalogiques
    Guichard, Jean-Marie. Recherches généalogiques. Accessibles en ligne sur le site de Geneanet : http://gw.geneanet.org/
  • Barostar prend une nouvelle dimension, 27 juillet 1998
    Barostar prend une nouvelle dimension. L'Est républicain, édition du Doubs, 27 juillet 1998, p. 9.
  • C., T. Le bâtiment Barostar est à vendre, 27 avril 2010
    C., T. Le bâtiment Barostar est à vendre. C'est-à-dire, n° 154, 27 avril 2010, p. 7 : ill.
  • Les établissements horlogers en France, mars 1965
    Les établissements horlogers en France. - S.l. : s.n., mars 1965. 17 p. ronéotypées ; 20 cm.
    Lieu de conservation : Collection particulière : Michel Simonin, Maîche
  • Faivre-Pierret, Xavier. La fabrique des montres FAR des frères Faivre-Pierret, fin 20e siècle
    Faivre-Pierret, Xavier. La fabrique des montres FAR des frères Faivre-Pierret. - S.d. [fin 20e siècle].
  • Droz Yves (témoignage oral)
    Droz Yves, collectionneur de pièces horlogères et fondateur du Musée de la Montre, Villers-le-Lac

Informations complémentaires


Extrait d'un dossier rédigé en 1993 par Jacques Dromard, petit-fils de l'horloger Raymond Faivre-Pierret. (Collection particulière : Jacques Dromard, Villers-le-Lac).


Je vous propose, ici, de vous plonger dans l'atmosphère particulière d'un atelier « d'antan ».

Aux antipodes de l'atelier de fabrication moderne, le lieu de travail de mon grand-père ne se composait que d'une seule pièce. Pièce bien chauffée à l'aide d'un fourneau à charbon, car il faut de la chaleur pour maintenir l'agilité des doigts de l'horloger. Ici, il n'y avait pas de mobilier de style ! Tout se résumait à une stricte fonctionnalité. Quelle différence avec aujourd'hui où l'on reçoit les clients dans des bureaux-salons avec de beaux meubles.
Cette pièce était bien éclairée puisqu'elle possédait 3 fenêtres. Devant l'une des fenêtres, qui n'était pas garnie de rideaux, était installé l'établi de mon grand-père : une simple planche reposant sur deux « layettes ». Sur chaque tiroir de layette, on pouvait lire : ébauches Parrenin, ébauches Cupillard, verres, cadrans, aiguilles, boîtes, bracelets, montres à réparer... Sur cet établi, il y avait une plaque de couleur verte (le vert étant une couleur qui repose la vue), un quinquet. Les outils étaient éparpillés : brucelles, tournevis, pinces à couper, étau, pique-huile, potence, tour d'horloger, huilier, lampe à alcool... Un étau, fixé à l'établi, servait de support pour le limage des pièces. Une grosse montre de poche était omniprésente sur l'établi : elle servait à mettre les montres à l'heure, avec précision.
En face de l'établi, sur le côté gauche de la pièce, une table servait aux expéditions : on y trouvait du papier d'emballage, de la ficelle, de la cire à cacheter (pour les envois en valeur déclarée) ainsi qu'un tampon aux initiales RF.
En outres, éparpillés dans tous les coins de la pièce, on apercevait des cartons bleus-verts avec, à l'intérieur, des petits compartiments où l'on déposait les mouvements. Dans les rues, on voyait souvent des écoliers qui portaient, en dehors des heures de classe, ces cartons, soit de l'atelier au domicile de celui qui posait les cadrans et les aiguilles, soit du domicile à l'atelier. Il s'agissait bien souvent des enfants Faivre-Pierret !
Au centre de la pièce se trouvait un bureau en bois sur lequel étaient déposés les livres de comptes (dépenses, recettes), le livre de caisse, les documents divers... et La France horlogère. Dans les casiers latéraux, on pouvait trouver le papier à entête de la société, les carnets de fiches de paie et différentes pièces comptables. A droite du bureau, une machine à écrire, de marque Remington, était posée sur une petite table rustique. Elle était noire avec des touches blanches, et aurait, déjà à l'époque, satisfait aussi bien un collectionneur qu'une dactylo !
Dans un coin de la pièce se trouvait un coffre-fort acheté d'occasion à un fabricant de Pontarlier, dans lequel on stockait les montres de valeur (en or), les papiers importants comme le dépôt de la marque Far ou l'inscription au registre de commerce et, évidemment, les carnets de chèques postaux ou bancaires ainsi que les espèces.
Je n'oublierai pas de vous parler du magnifique régulateur. Il était installé contre le mur, vers le meuble qui servait aux expéditions. Mon grand-père s'en servait pour régler, avec plus de précision, la marche de ses montres, depuis qu'un de ses clients l'avait laissé en guise de paiement. Et oui ! Le Vibrograf a fait son apparition beaucoup plus tard et c'était une révolution dans la mise à l'heure ! Ce régulateur existe toujours, en 1998. J'en ai provisoirement la garde !
L'atmosphère de cette pièce nous semble, aujourd'hui, un peu désuète par rapport aux ateliers contemporains. Il n'y a pas, à proprement parler, de mobilier décoratif, mais chaque meuble remplit une fonction donnée. L'esthétique semble donc être absente de ce décor pourtant chaleureux, mais sans atouts stylistiques particuliers.

Mon grand-père était assis sur un tabouret devant l'établi, et portait une grande blouse grise ! Pourquoi grise ? Est-ce parce que le blanc était trop salissant, et qu'il n'y avait pas de machine à laver à l'époque ? Il portait à son œil gauche, sous son épais sourcil, un « micros » qui lui permettait de distinguer les minuscules pièces qui composent une montre. Le front penché, le « micros » à l'oeil, des outils délicats, des gestes menus, c'était la vie de mon grand-père !
La minutie de Raymond, dans son travail, était remarquable. Il n'hésitait pas à voir, revoir, écouter ses pièces. Il y avait, chez lui, un amour pour le travail bien fait. Mon grand-père, penché sur son établi, sur ses ébauches, regardait avec minutie, et écoutait si le tic-tac était bon. Non satisfait, il reposait l'ébauche ; des brucelles à la main, il observait, posait la pièce, remettait de l'ordre dans les rouages, et de nouveau écoutait la pièce (son seul moyen de contrôle).
Peu à peu, l'entreprise Faivre-Pierret Frères fut connue : connue des bons comme des mauvais payeurs ! Les voyageurs passaient ; il s'agissait de grossistes en horlogerie, c'est-à-dire les intermédiaires entre le fabricant et le détaillant qui tenait une boutique. La vie suivait son cours... On attendait les clients... C'est à cette époque que la montre gousset laisse place à la montre-bracelet. Une aubaine pour Raymond puisque toutes les jeunes filles de l'époque en désiraient une.
La fabrication devenait de plus en plus importante, et c'est alors que l'entreprise embaucha des ouvriers qui travaillaient principalement à domicile. Leur tâche consistait soit au montage, soit à l'emboîtage des calibres 5 1/4 et 5 1/2 dames, et des calibres 233 et P 62 hommes. Au besoin, mon grand-père faisait appel aux régleuses : déjà à cette époque, elles n'étaient pas nombreuses ; ce métier demande, en effet, un long apprentissage : un métier délicat donc, mais bien rémunéré. Dans tous les cas, mon grand-père exigeait que le travail soit de qualité. Ainsi, il contrôlait toutes les pièces afin qu'elles soient impeccables. Chaque jour, y compris le dimanche, les « lanterniers » passaient remonter les mécanismes et régler leur marche. En effet, chaque montre était mise en observation (la lanterne) pendant au moins 3 jours, dans différentes positions.
Lorsqu'un calibre manquait, il voyait un ami qui lui prêtait le modèle ; c'était la bonne entente entre petits fabricants. Des petits fabricants qui se spécialisaient : soit dans la fabrication de chronographes, soit dans la fabrication de pièces plus ordinaires. Des fabricants de boîtes de montres-bracelets arrivèrent de Damprichard (Burdet), de Charmauvillers (Nappez)... avec des modèles très variés. Avec les conseils de quelques amis, l'entreprise fonctionnait assez bien ; mais il fallait éviter de faire des dépenses trop conséquentes. Un jour, la fantaisie lui prit d'acheter quelques boîtes or 18 carats. Dans celles-ci, il fallait des ébauches suisses (de Fontainemelon) ; à l'époque, ces ébauches étaient, paraît-il, meilleures que les françaises. Des clients de Lille, Brest, Briançon, Rouen en étaient friands. Il y avait donc là un bon marché à exploiter.

En général, les acheteurs devenaient des amis, et Raymond leur offrait le repas à la Guimbarde : restaurant situé au bas de la grande rue à Morteau. On y regardait alors les nouveaux modèles, la boîte surtout, car le mouvement était toujours impeccable. Les montres étaient déposées sur des présentoirs en velours bleu afin de les présenter aux clients, et chacun pouvait ainsi choisir. Tous disaient : « je suis sûr de ne pas avoir d'ennuis, et si, par hasard, j'ai une pièce défectueuse, je dispose de la garantie pour sa remise en état ». Parfois, les clients et amis se voyaient confier des montres. Si la collection ne plaisait pas à leurs clients, ils venaient, tout naturellement, la rendre à mon grand-père ! Certains clients voulaient à tout prix que les cadrans soient marqués à leur marque ; Raymond les identifiait donc avec des noms de marque tels que : Jupiter, Poisson, Sag, Sekou, Cazal, Simber, Augis... Mais certaines montres restaient encore anonymes, et plusieurs grossistes voulaient une marque. Voilà pourquoi mon grand-père créa la marque FAR. Dorénavant, toutes les pièces étaient marquées pour le bonheur des grossistes et des bijoutiers.
Au fil des années, une demande de montres plus ordinaires se fit sentir ; celles-ci étaient vendues surtout en Algérie. Les commandes étaient très irrégulières. Un jour, il ne fallait rien, et le lendemain il fallait 500 pièces ; alors les ouvriers et Raymond passaient la nuit à travailler pour satisfaire le client. Les prix étaient tirés, mais la vente était bien là.
En plus de la fabrication et de la vente, il faisait aussi des rhabillages comme tous les fabricants de l'époque. S'il y avait une panne, on amenait la montre chez mon grand-père qui effectuait la réparation pour une somme modique. On demandait tout à Raymond : vérifier le mouvement (les pivots de balancier étaient souvent cassés faute de système antichoc), changer la boîte ancienne, changer les aiguilles, la couronne, changer un verre brisé, une boîte rouillée atteinte par l'eau, un cuir contre un bracelet métal. Mon grand-père allait chercher des pièces de rechange chez Mademoiselle Roussel (ancêtre des Etablissements Schwartzmann).

Mon grand-père était un artisan horloger !
Thématiques :
  • patrimoine industriel du Doubs
Aire d’étude et canton : Pays horloger (le)
Complément de localisation :
  • anciennement région de Franche-Comté
Dénomination : immeuble, atelier
Parties constituantes non étudiées :
  • atelier de fabrication
  • logement
  • boutique
  • garage
Carte interactive
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