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COUVENT DES TIERCELINS

70 - Chemilly

  • Dossier IA70000770 réalisé en 2016
  • Auteur(s) : Julie Gandini
couvent © Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine

Historique


En 1618, Alexandre de Wiltz et sa femme Louise d'Andelot, seigneurs de Chemilly, fondèrent un ermitage près du château pour les ermites de l'ordre de Saint-Antoine. La chapelle dédiée à l'Assomption fut consacrée le 2 juin 1619. Une inscription gravée encore présente dans la chapelle témoigne de cette fondation.
Il existait un cloître, adjacent à l’église et un logis conventuel, composé de quatre chambres au rez-de-chaussée et quatre chambres à l’étage. Une muraille entourait les bâtiments et un terrain, "La Côte" fut consacré à l'ermitage par des particuliers. Dans le cloître se trouvaient des pommiers à reinettes. Aujourd'hui détruit ou remanié, l'ensemble était toujours visible en 1890, bien qu'en mauvais état.
Le 2 décembre 1627, l'ermitage fut cédé avec ses dotations aux frères du Tiers-Ordre de Saint-François de l'Etroite Observance, appelés les Tiercelins. Après autorisation de l'archevêque de Besançon et du Parlement de Dole, ils prirent possession du couvent le 27 septembre 1629. Ils n'étaient que deux, Hugues Briaucourt et Claude Hugot, et ne dépassèrent jamais la dizaine, leur dotation étant peu importante. Un traité de fondation stipule que les fondateurs, les seigneurs du château, s'étaient engagés à construire un bâtiment neuf dans les quatre ans et à donner chaque année aux religieux du bois de chauffe, 40 quartes de froment, 6 poinsons de vin et 26 francs d'argent. Le droit de pêche est également accordé pour la subsistance des moines. Dans le contrat de fondation, le mobilier liturgique concédé au couvent est énuméré. Il comprend un calice, une patène, un ciboire à soleil d’argent, cinq chasubles, cinq devants d’autel, six aubes, six corporaux et cinq voiles de calice. Il est prévu que les seigneurs de Chemilly reposent dans la crypte de la chapelle et que des messes perpétuelles soient célébrées en leur mémoire.
La fondation du couvent des Tiercelins nécessite quelques démarches afin d'assoir sa légitimité. Le 29 décembre 1628, l'infante d’Espagne Claire-Isabelle-Eugénie, souveraine de la Franche-Comté, écrit à l’archevêque Ferdinand de Rye et soutient la demande de fondation de la dame de Chemilly, Louise d’Andelot, baronne de Vilts. En retour, des lettres écrites par Ferdinand de Rye en 1629 au baron de Vilts, achèvent de régulariser la fondation du monastère.
Les obligations des fondateurs, notamment la construction de bâtiments neufs, n'étant pas respectées, les religieux font de nombreuses démarches afin que les clauses de l'acte de fondation soient observées. Ces derniers attendent un bâtiment neuf avec un réfectoire, une cuisine, une dépense, un dortoir, un chœur, une bibliothèque au-dessus du maître autel, un four, une buanderie, un puits… Ces demandes réitérées contribuent à tendre les relations entre le monastère et les seigneurs du château dont il dépend.
En 1636, la Franche-Comté est envahit par les troupes françaises. Le XVIIe siècle est douloureux pour toute la région en raison de la guerre, de la famine et de la peste. En 1637, le château est ravagé par la peste, le seigneur, le baron de Vilts, est alors contraint de se réfugier au couvent.
Les sources historiques évoquent les difficultés financières récurrentes du monastère et les conflits avec le château. Le mode de vie des moines est donc très sobre. En 1661, les engagements prévus par l'acte de fondation de 1627 ne sont toujours pas respectés, c'est pourquoi le 18 janvier 1661, Benoît de Lyon, représentant du tiers ordre de Saint-François à Lyon en visite à Chemilly demande que les clauses de l’acte de fondation soient enfin appliquées. Une nouvelle revendication du représentant du tiers ordre de Saint-François à Lyon, Apolinaire de Lyon, en août 1670, exige l’application des clauses initiales, nécessaires à la subsistance des religieux. La construction de nouveaux bâtiments, bornés par les vignes du château, ne commença qu'en 1676. En 1682, un conflit violent oppose le couvent à l'amodiateur des revenus de la seigneurie de Chemilly, Jean Breulle, qui conteste le droit de passage pour les religieux sur le chemin, La Rèpe, qui mène au village. Par ailleurs, les religieux souhaitent exploiter quelques vignes sur leur terrain contigu à leur enclos. Ce défrichement n’est pas du goût de l’amodiateur, qui leur intente un procès. Au XVIIIe siècle, la situation du couvent s'améliore, même si les conflits entre la seigneurie et le monastère sont monnaie courante. Ainsi, dans les années 1730, le comte de Rosen tente de remettre en cause la dotation du couvent en bois de chauffe. Un peu plus tard, c'est une charmille sur un mur mitoyen au château et au couvent qui menace les tuiles du monastère et que le comte de Mollans refuse dans un premier temps de faire couper.
Le 2 novembre 1789, les biens du clergé sont mis à disposition de la Nation. L’Assemblée Nationale décrète le 13 novembre que les Ecclésiastiques donneraient dans un délai de deux mois un état détaillé de leurs biens. Etienne Bourbon, gardien du couvent de Chemilly obéit à ce décret, il donne, en janvier 1790, la liste aux administrateurs du district de Vesoul. Les quelques religieux encore présents au monastère, les Pères Bourbon, Rougier et Longe, se font les gardiens de ces biens en attendant leur saisie. Ils craignent les vols et demandent que les vases sacrés soient conservés dans un coffre déposé dans la bibliothèque. Malgré leur résistance, les biens, mobilier courant, objets liturgiques et tableaux sont alors saisis. Il est décidé qu’une pension viagère sera versée au trois religieux Tiercelins. La menace d’expulsion est permanente. En 1792, c’est l’année finale du couvent. Tout est successivement vendu (champs, prés, bois, maisons, chapelle, couvent, objets). Fondé en 1627, le couvent n’a vécu que 165 ans, d'un vie compliquée et difficile, en conflits permanents avec les seigneurs successifs, les serviteurs et domestiques du château et aussi parfois la communauté de Chemilly.
Par la suite, la chapelle devient un hébergeage. Elle est restaurée en 1862 par son propriétaire, Monsieur Ployer, propriétaire du château. Elle est aujourd'hui de nouveau transformée en grange. Dans les années 1970, le propriétaire, Monsieur Fiquet, réalise des travaux qui ont complètement transformé l'ensemble. Perpendiculairement à la chapelle s’élevait le logis conventuel avec un escalier daté de 1739 et un plafond à croisillons en bois reposant sur des consoles en stuc. Cette aile Nord-Ouest du cloître a été complètement abattue et l'aile Nord-Est reconvertie en habitation. Des éléments architecturaux épars sont aujourd'hui encore visibles dans la cour, d'autres ont été ré-employés dans d'autres bâtiments du village, notamment dans les anciennes écuries du château.

Période(s)
Principale :
  • 1er quart 17e siècle
  • limite 18e siècle 19e siècle
Date(s)
1619 : porte la date
1684 : porte la date

Description


L'ancien couvent des Tiercelins occupe un terrain un peu à l'écart du village, vers l'Ouest, non loin du château et de la Saône.
L'ensemble conventuel se composait d'une chapelle et d'un logis perpendiculaire à la chapelle. Une troisième aile, voutée d'arcades en plein cintre, perpendiculaire au logis, fait face à la chapelle. L'ensemble formait un ensemble en U, entourant une cour. Aujourd'hui ne subsistent que la chapelle et l'aile Nord-Est, le logis conventuel ayant été complètement détruit.
L'ensemble est en pierre calcaire recouvert d'un enduit.
La chapelle possède une large façade en bordure du chemin. Le petit portail d'entrée est surmonté d'un linteau avec un arc en plein cintre orné d'un clef de voute crucifère. Au-dessus, une niche vide datée de 1684 est encadrée de deux grandes baies en plein cintre. La chapelle possède une nef unique de deux travées voûtées en berceau brisé reposant sur des corbeaux. La deuxième travée ouvre sur deux petites chapelles latérales. A l'entrée, sur le mur au revers de la façade, est incrustée l'inscription suivante:
"A la plus grande gloire de Dieu. Honneur de la Vierge et perpétuelle mémoire. Le second jour de juin de l'an MDCIX, la chapelle de l'Hermitage du Chasteau de Chemilly a estée consacrée soubs le tiltre de l'Assomption de la glorieuse Vierge Marie par Monsieur le Révérend Père en Dieu Claude Barra, Evesque Dandreville et suffragan de Monseigneur le Révérendissime Ferdinant de Longwy, dict de Rye, archevesque de Besançon à l'instance des Illustres seigneurs, Monseigneur Alexandre Baron de Wiltz et dillustre Dame Madame Loyse Dandelot sa femme, fondateurs de ladicte chapelle et seigneurs dud. Chemilly."
Dans le prolongement de la façade et de la toiture, du côté de la cour, un petit édifice de plan carré, pouvait avoir une fonction de parloir ou de porterie. Un arc triomphal ouvre sur le sanctuaire à voûte plus basse que celle de la nef. Au fond de la nef, une ouverture donne sur une sacristie voutée en berceau brisé. Le chevet est plat, éclairé par deux fenêtres en anse de panier. Un escalier construit dans la maçonnerie du mur de la nef mène au grenier, à l'étage. le poutrage est d'origine. Au même niveau, une ouverture donne accès à une pièce construite au-dessus de la sacristie. Elle possède encore sa charpente et quelques tommettes revêtent encore le sol dans un angle de la pièce. La fonction de ce bâtiment n'est pas connue, il pourrait s'agir d'une bibliothèque. A l'angle Nord-Est de la chapelle, un escalier et un passage reliaient peut-être la chapelle au logis conventuel situé perpendiculairement à la chapelle. Une entrée de crypte est repérable dans le sol de la chapelle. Le pavement semble d'origine.
De grandes caves voutées existent à l'emplacement de l'ancien logis conventuel et sous l'habitation actuelle.
Des éléments éparses sont visibles dans la cour. Un puits et sa margelle, un bloc de pierre taillé orné d'une croix de Malte.
Murs :
  • calcaire
  • calcaire
  • moellon
  • moellon sans chaîne en pierre de taille
  • enduit
  • enduit
Toit :
  • tuile plate
  • tuile mécanique
Plan :
  • plan allongé
Etages :
  • 1 vaisseau
Couvrement :
  • charpente en bois apparente
Elévation :
  • élévation ordonnancée
Escalier :
  • escalier dans-oeuvre escalier droit en maçonnerie
Typologie :
  • baie avec arc plein cintre

Source(s) documentaire(s)

  • Canton laissé aux Religieux par le comte de Rosen
    Canton laissé aux Religieux par le comte de Rosen en 1736. Dossier Tiercelins.
    Lieu de conservation : Archives départementales de la Haute-Saône, Vesoul - Cote du document : H 893
  • Vente d'objets et meubles du couvent des Tiercelins de Chemilly, 1791
    Vente d'objets et meubles du couvent des Tiercelins de Chemilly, 1791. Procureur-Syndic du District de Vesoul, Meillier. 1 Q 7. Estimation des Biens Nationaux.
    Lieu de conservation : Archives départementales de la Haute-Saône, Vesoul - Cote du document : 1 Q 7
  • Chemilly, le couvent.
    Chemilly, le couvent. Carte postale.
    Lieu de conservation : Archives départementales de la Haute-Saône, Vesoul - Cote du document : 11Fi148/1
  • Canton laissé aux Religieux par le comte de Rosen
    Canton laissé aux Religieux par le comte de Rosen en 1736. Dossier Tiercelins.
    Lieu de conservation : Archives départementales de la Haute-Saône, Vesoul - Cote du document : H 893
  • Plan de la chapelle du couvent des Tiercelins, Chemilly
    Plan de la chapelle du couvent des Tiercelins, Chemilly. Alexandre Hutinet.
    Lieu de conservation : Archives privées
  • Cadastre napoléonien, Chemilly, 1837
    Cadastre napoléonien, Chemilly, 1837. section A.
    Lieu de conservation : Archives départementales de la Haute-Saône, Vesoul
  • La Haute-Saône, Nouveau Dictionnaire des Communes
    La Haute-Saône, Nouveau Dictionnaire des Communes, Tome II, Société d'Agriculture, Lettres, Science et Arts de la Haute-Saône, Vesoul, 1970
    Lieu de conservation : Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire et Patrimoine, Besançon - Cote du document : R.US 148
  • Suchaux, Louis. Département de la Haute-Saône. Dictionnaire historique, topographique du statistique (de A à Lo) : vol. 1, 1991
    Suchaux, Louis. Département de la Haute-Saône. Dictionnaire historique, topographique du statistique (de A à Lo) : vol. 1 . - Paris : Res Universis, 1991
    Lieu de conservation : Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire et Patrimoine, Besançon - Cote du document : R.US.4298
  • Essai historique sur le château et sur le couvent de Chemilly
    Ployer, J, Vannier, F, Essai historique sur le château et sur le couvent de Chemilly, Vesoul, Imprimerie administrative de l'Est, 1891, 138 p.
    Lieu de conservation : Collection particulière

Informations complémentaires

Thématiques :
  • val de Saône
Aire d’étude et canton : Val de Saône
Dénomination : bâtiment conventuel
Parties constituantes non étudiées :
  • logis
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